La poésie est un don… qui n’oblige pas.

Jamais la moindre visite

dans ce jardin

envahi par des jeunes miscanthus

qui donc s’est frayé un chemin

pour aller y cueillir des violettes ?

Certains hommes sont si ensevelis en eux-mêmes que l’aube ne paraît jamais se lever sur eux…

Jeu de l’eau
des branches nues frissonnent
saut du poisson
lumière

Portée par le vent
Respirer le soleil

Flotter dans la brume
frissonner dans les feuilles

lueur vacillante

guide sur les flots
les temps immobiles

La poésie est un don… qui n’oblige pas

NB: dans l’extrait vidéo, le pianiste rend ici l’hommage d’un maître à son maître. Grâce et gratitude s’enlacent…

Hommage à L’Ami Maurice Béjart qui s’est envolé à 4 fois 20 ans !

Maurice Béjart est parti faire danser les étoiles

O jour, lève-toi,
Les atomes dansent,
Les âmes éperdues d’extase dansent,
La voûte céleste, à cause de cet Être, danse;
A l’oreille je te dirai où l’entraîne sa danse;
Tous les atomes qui se trouvent dans l’air et le désert,
Sache bien qu’ils sont épris comme nous,
Et que chaque atome heureux ou malheureux
Est étourdi par le soleil de l’âme inconditionnée*

*Djalal Al-dîn Rûmi
Traduction: Eva de Vitray-Meyerovitch

Le soleil est dans mon sein, les étoiles sont dans les plis de mes vêtements.

Le soleil est dans mon sein, les étoiles sont dans les plis de mes vêtements.
Si tu me contemples, je ne suis rien. Si tu regardes en toi, je suis toi-même.
Dans la ville et la campagne, dans le palais et la cabane, je suis la douleur et ce qui l’apaise, je suis la joie infinie.
Je suis l’épée qui déchire l’univers, je suis la source de la vie.
Les Gengis-Khan et les Tamerlan ne sont qu’une poignée de ma poussière.
Le tumulte de l’Europe n’est comparable qu’au moindre de mes échos.
L’homme et son univers ne sont qu’une de mes esquisses,
avec le son de son cœur, je colore mon printemps.
Je suis le feu brûlant, je suis le paradis du Très-haut.
Vois cet étrange spectacle: je suis à la fois immobile et mouvant.
Dans ma coupe d’aujourd’hui, vois se refléter demain.
Vois cachés dans mon cœur mille mondes éclatants,
vois mille étoiles qui roulent et mille coupoles du ciel.
Je suis le vêtement de l’humanité, et la robe de la divinité.
Le destin est l’un de mes artifices, la liberté humaine vient aussi de moi.
Tu es l’amant de Leyla, je suis le désert de ton amour.
Je suis comme l’esprit, au-delà de ta recherche.
Tu es le secret de mon cœur, je suis le secret du tien.
Je me manifeste par ton esprit, je suis caché dans ton esprit.
Je suis le voyageur, et tu es mon but. Je suis le champ, et tu es ma moisson.
Tu es la musique de toute harmonie. Tu es l’esprit de la vie.
O vagabond fait d’eau et d’argile, vois l’immensité de ton propre cœur:
un océan sans borne, contenu dans une coupe.
C’est de tes hautes vagues que s’élève la tempête.

Mohammad Igbal
Message de l’Orient, traduction d’Eva de Vitray-Meyerovitch et M. Achena, Paris, 1956, Les Belles Lettres éd.

Île Verte, monde imaginal, Terre de l’âme

Île Verte ou… Jérusalem Céleste ?

C’est quand l’imagination devient principe de réalité et d’événement que l’âme prend son envol et atteint les rives d’un monde imaginal, situé entre sensible et intelligible, entre spiritualité et corporalité. Ce monde est celui de notre âme et sa matière est essentiellement spirituelle, c’est-à-dire une substance toute lumineuse, une pure luminescence en réalité ! Et comme le dit si bien notre ami Henri Corbin, c’est un monde « extérieur » et qui pourtant n’est pas le monde physique, un monde qui nous apprend que l’on peut sortir de l’espace sensible sans sortir pourtant de l’étendue ». Un monde où l’impossible s’accomplit en fait, où l’esprit prend corps, ou, mieux, où l’esprit se corporalise et le corps se spiritualise ! Un monde tellement autre qu’il ne peut être vu, ni perçu que par l’intelligence du coeur, par l’oeil du coeur… L’Île Verte est située à l’extrême nord céleste de ce monde : c’est un « paradis hyperboréen » , où séjournent aussi bien le Simorgh et le Phénix, la Colombe d’or, la licorne et les anges éperdus d’amour ! Pour aborder cette terre où tous nos voeux s’accomplissent, il faut, comme nous y invite l’Ami, redevenir « comme » des petits enfants, faute de quoi l’abordage reste impossible ! Il y a tant à dire sur cette « Terre Céleste » que le dire devient une quasi impossibilité, un « trop dire » en vérité ! Monde suprasensible, au-delà de la gamme des sons et de la portée de la lumière visible, il n’existe pas de mots pour le décrire. Je vous donne en gage d’amitié une piste : écoutez attentivement la plainte de la flûte du roseau et suivez le son de la fondamentale qu’elle émet. Arrivés à l’extrême nord géographique, prenez le chemin de l’étoile polaire en vous abandonnant dans les bras du vent : vous y arriverez certainement car le vent connaît le chemin ! Si tel est le désir de votre coeur…

t.

 La plainte de la flûte de roseau
Écoute la flûte de roseau et sa plainte, comme elle chante la séparation : on m’a coupée de la jonchaie, et dès lors ma lamentation fait gémir l’homme et la femme. J’appelle un coeur que déchire la séparation pour lui révéler la douleur du désir. Tout être qui demeure loin de sa source aspire au temps où il lui sera uni.
Feu et non vent, tel est le son de la flûte.

Périsse qui n’a point cette flamme…

Rûmi, traduction Eva de Vitrey-Meyerovitch (extrait)

Lire : Terre Céleste et corps de ressurection, Henri Corbin, Buchet/Castel, 1960

Dualitude

Tu es comme si Tu n’avais créé que des métaphores et comme si Tu n’étais que par façon de parler…



J’ai contemplé Ta Beauté, et j’étais transpercé par Ta trans-apparence .

Depuis mon coeur est rempli de vide et de silence.

O perplexité !

À qui ces paroles sont-elles adressées, est-ce à Toi, est-ce à moi ?

L’espace danse, le temps danse, l’uni-vers danse.

Toutes les choses sont en mouvement parce qu’il n’existe dans l’univers que Ta Danse !

L’immobilité de l’espace n’est qu’apparente car en Toi tout danse.

Et cette danse est le voyage de l’être en Soi, de Toi en Toi.

À qui ces paroles sont-elles adressées, est-ce à Toi, est-ce à Moi ?

O Toi qui es absent là, nous T’avons trouvé ici !

t.

Tableau: John Everett Millais – 1829 – 1896