Le soleil est dans mon sein, les étoiles sont dans les plis de mes vêtements.

Le soleil est dans mon sein, les étoiles sont dans les plis de mes vêtements.
Si tu me contemples, je ne suis rien. Si tu regardes en toi, je suis toi-même.
Dans la ville et la campagne, dans le palais et la cabane, je suis la douleur et ce qui l’apaise, je suis la joie infinie.
Je suis l’épée qui déchire l’univers, je suis la source de la vie.
Les Gengis-Khan et les Tamerlan ne sont qu’une poignée de ma poussière.
Le tumulte de l’Europe n’est comparable qu’au moindre de mes échos.
L’homme et son univers ne sont qu’une de mes esquisses,
avec le son de son cœur, je colore mon printemps.
Je suis le feu brûlant, je suis le paradis du Très-haut.
Vois cet étrange spectacle: je suis à la fois immobile et mouvant.
Dans ma coupe d’aujourd’hui, vois se refléter demain.
Vois cachés dans mon cœur mille mondes éclatants,
vois mille étoiles qui roulent et mille coupoles du ciel.
Je suis le vêtement de l’humanité, et la robe de la divinité.
Le destin est l’un de mes artifices, la liberté humaine vient aussi de moi.
Tu es l’amant de Leyla, je suis le désert de ton amour.
Je suis comme l’esprit, au-delà de ta recherche.
Tu es le secret de mon cœur, je suis le secret du tien.
Je me manifeste par ton esprit, je suis caché dans ton esprit.
Je suis le voyageur, et tu es mon but. Je suis le champ, et tu es ma moisson.
Tu es la musique de toute harmonie. Tu es l’esprit de la vie.
O vagabond fait d’eau et d’argile, vois l’immensité de ton propre cœur:
un océan sans borne, contenu dans une coupe.
C’est de tes hautes vagues que s’élève la tempête.

Mohammad Igbal
Message de l’Orient, traduction d’Eva de Vitray-Meyerovitch et M. Achena, Paris, 1956, Les Belles Lettres éd.

2 réflexions sur “Le soleil est dans mon sein, les étoiles sont dans les plis de mes vêtements.

  1. …. et Votre tendreté, comme un petit ruisseau, vient doucement effleurer les rives de mon coeur.
    Au dessus des nuages de l’oubli, le Soleil infiniment brille et éclaire….

  2. « C’est de tes hautes vagues que s’élève la tempête. »
    Et ainsi, lors d’une aube barbare,une aube ancienne en mémoire, vint l’Ouvrante porté par les oiseaux marins…

    L’attente ignorait son terme, la durée égrenait les facettes de l’absence.
    Le désir aveugle, à tâtons, cherchait l’ouverture de la gangue.
    Lentes, les eaux accumulées dans les replis houleux des cavernes secrètes
    Recherchaient l’interstice.
    Les ombres passaient, incertaines, sans la réalité d’un nom,
    Quêtant une place pour s’arrêter, interrompre leur errance insensée.

    Mais la ténèbre a résonné de tous ses vides béants
    Et tout ce qui vivait encore s’est redressé, les mains vides,
    Tremblantes face à l’absence terrible du silence qui était.
    D’exil et de mort, un chant pâle est venu à des lèvres de pierre,
    Plainte fragile à la rencontre de ce qui survenait.
    Le dernier cil a ployé sous la mer intérieure et l’œil s’est ouvert,
    Fulgurant.

    O quand la gangue consumée se dissous,
    Quand les horizons opprimés se libèrent,
    Quand le cristal intime se fond dans la lumière
    Devenue le seul sens et la seule profondeur.
    Comme tous les souvenirs apparaissent d’un ailleurs,
    D’un seuil obscur que l’aile ploie du souffle de ses rémiges.

    « Je suis ange et démon,
    Ma vision ne connaît de limite que le vide le plus pur.
    Je suis poussière de givre dans l’espace infini,
    Je suis lave grondante sur les planètes nées,
    Je suis cendres agglomérées aux profondes crevasses.
    Ma flamme a baratté les océans sans vie
    Pour que l’écume du devenir apparaisse enfin. »

    « Je suis venu plonger, sourd, aveugle et hurlant
    Dans la fureur de foudre de l’ouragan primaire,
    Cellule par cellule j’ai modelé la vie,
    Durement malmenée jusqu’à la conscience d’être. »

    « Je suis mage et sorcier,
    Tous répondent au flot ivre de ma voix dans le tumulte des âges.
    Je suis le rut féroce des tribus sur la terre nourricière,
    Je suis le chant des mères à leur enfant mourant,
    Je suis le pleur des prisonniers de la pierre obscure.
    Je suis l’élan des plantes vers l’astre embrasé,
    Je suis faucon planant sur les cimes sauvages,
    Son regard acéré qui transperce la proie. »

    « Je suis barde et guerrier
    Dans les tourments avides du désir enflammé.
    Je suis silence et paix dans les cœurs délivrés
    Des sages en leur vieillesse. »

    « Je suis doute et élan, je suis douleur et joie.
    Je suis celui qui est et tous me revendiquent
    Dans l’errance terrible qui calcine leur âme.
    Je suis l’impossible vision,
    Je suis la mort triomphante des chrysalides ternes,
    Je suis le souffle pur qui déploie les ailes libérées. »

    « Je suis calame et hymne,
    Je suis danse et caresse sur les claires envolées
    Des corps enfiévrés par le désir charnel.
    Je suis amour et haine, je suis sang et beauté. »

    « Je suis… »

    « Et toi, conscience limitée qui te crois séparée,
    Je te porte, t’enfante, te nourris, te guide sur la voie
    Comme un enfant tremblant, éploré et transi.
    Lambeaux d’incertitudes où tu restes crispée,
    Tel à l’esquif fragile dans la colère des vagues.
    Délies tes doigts, laisse toi glisser et meurs… »

    « Tu n’es rien de ce que tu crois être,
    Tu ne peux rien si tu persistes encore, plonge et vois !… »

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