Veiller est tout, Les Mille et Une Nuits

Veille dans tout ce que tu fais ! Ne te crois pas déjà éveillé. Non, tu dors et rêves.

Cette nuit me sont venus en mémoire des passages du livre Les Mille et Une Nuits. Il s’agit d’une course contre la montre pour trouver le remède efficace à une terrible menace : une menace de mort. L’urgence est de rester éveillés car : « à qui s’endort arrive malheur » !

Schéhérazade, avec courage, s’expose volontairement à devenir l’épouse du Roi, sans appréhender la mort à laquelle elle se savait destinée le lendemain, comme les autres femmes qui l’avaient précédée. Comme elle, je me suis dit que nous avions devant nous mille et une nuits pour sauver notre démocratie du chaos. Agir dès maintenant, sans se laisser paniquer. Rester éveillés en luttant de toutes nos forces contre l’endormissement. Pour que demain exista encore !

VEILLER EST TOUT

L’homme est fermement convaincu qu’il veille ; mais en réalité, il est pris dans un filet de sommeil et de rêve qu’il a tissé lui-même. Plus ce filet est serré, plus puissant règne le sommeil. Ceux qui sont accrochés dans ses mailles sont les dormeurs qui marchent à travers la vie comme des troupeaux de bestiaux menés à l’abattoir, indifférents et sans pensée.

Les rêveurs voient à travers les mailles un monde grillagé, ils n’aperçoivent que des ouvertures trompeuses, agissent en conséquence et ne savent pas que ces tableaux sont simplement les débris insensés d’un tout énorme.*

REVEILLONS- NOUS !

Le premier pas vers ce but est si simple que chaque enfant le peut faire. Seul celui qui a l’esprit faussé a oublié comment on marche et reste paralysé sur ses deux pieds parce qu’il ne veut pas se passer des béquilles qu’il a héritées de ses prédécesseurs.

Veiller est tout.

Veille dans tout ce que tu fais ! Ne te crois pas déjà éveillé. Non, tu dors et rêves.

Rassemble toutes tes forces et fais ruisseler un instant dans ton corps ce sentiment : à présent, je veille !

Si cela te réussit, tu reconnaitras aussitôt que l’état dans lequel tu te trouvais apparaît alors comme un assoupissement et un sommeil.

C’est le premier pas hésitant du long, long voyage qui mène de la servitude à la toute-puissance. À la liberté.

De cette façon avance d’éveil en Éveil*

Paris, le 8 juillet 2024, lendemain du résultat des élections législatives anticipées.

 

*Extrait de « Le matin des magiciens », Gallimard 1960, page 584.

 

Combat pour l’ange : les jeux ne sont pas faits !

NON ! Les jeux ne sont pas faits ! Combat pour l’ange !

Certes, nous voyons en ce moment se dérouler sous nos yeux ébahis une Comedia Senza Arte, une tragédie version péplum, écrite et mise en scène par un coq livrant le dernier combat de son crépuscule, entouré d’une basse-cour de poules et de poulets décérébrés qui cocoriquent dans le vacarme insensé des paroles de haine, de vengeance et de fureur, annonçant que la victoire leur appartient.

Ce ne sont, en réalité, que des bruits de cymbales, répercutant la voix grinçante d’hommes et de femmes creux, vidés de tout libre-arbitre, de créatures soumises, de fantômes, de cauchemars, dont l’existence n’est nourrie que de nos plus anciennes peurs, héritées des nuits d’angoisse passées dans les grottes et les cavernes des Anciens Mondes où régnait la terrifiante obscurité.

Ce sont des gens du passé, issus d’un monde révolu, des créatures rouges, entourées et surveillées par des prédateurs bruns tapis dans la nuit et qui croient leur heure de gloire arrivée — mais qui, au fond d’eux-mêmes, savent que de toutes les croyances et demeures mensongères qui s’écroulent, les leurs seront les premières à sombrer. La phase terminale de décomposition des extrêmes est arrivée !

NON, les jeux ne sont pas faits. Et ce n’est pas parce que les créatures Brunes et Rouges se sont mélangées, au point qu’on n’arrive plus à distinguer les unes des autres, que nous allons sombrer dans la nuit obscure, ou dans le vide de la désespérance !

Ce que nous voyons de nos yeux, ce n’est pas leur triomphe, mais leur aliénation, la fin de leur imposture, la fin de leur monde de mensonges, fait de haines et de promesses factices.

Nous assistons là non pas à l’ascension des extrêmes, mais au début de leur décomposition.
L’ultime râle d’un monde fini !

Ne nous laissons pas attraper par leur vacarme, par ces ombres errantes et grimaçantes qui nous menacent. Elles sont l’expression de leur propre peur, de leur faiblesse, de la défaite de leur propre pensée. Ils se mangeront entre eux et ils le savent : chacun espère rester encore un peu le maître du festin, mais ils finiront par se dévorer les uns les autres. Ça a déjà commencé !

Ce sont eux les perdants, pas nous. Oui, la bascule est là. Mais ce qu’elle annonce est la fin des extrêmes. Tout simplement !

Cela ne se fera pas sans combat, sans souffrances, sans sacrifices. Nous n’avons pas encore gagné cette guerre !  Restons vigilants. Ne nous endormons pas ! Ne nous laissons pas corrompre par l’illusion d’une bataille gagnée sans combat !

Oui ! La fin des extrêmes est annoncée. Mais elle dépend de nous !

Sans aucun doute, ils marcheront, feront du bruit, chanteront leur victoire. Mais ne nous laissons pas illusionner ! Pendant ce temps, ne disons rien, ne nous dispersons pas : agissons ! Si nous le voulons vraiment, nous pouvons gagner cette guerre. Car déjà les lumières de la RAISON se sont mises en orbite. Osons, en silence, incarner la guérison !

« Oh ! crois, ô mon cœur : rien ne va se perdant pour toi. Tien demeure, oui, tien à jamais, ce qui fut ton attente, ce qui fut ton amour, ce qui fut ton combat.« *

Savoir, vouloir, oser, se taire.

*Gustav Mahler, Symphonie n° 2 dite « Résurrection »
Tableau : Saint Michel Archange terrassant le démon de Guido Reni,1636, église Santa Maria della Concezione dei Cappucini à Rome.

#MeToo ! En solidarité avec vous, cher Bruno Questel !

Dans Difficile Liberté, Emmanuel Levinas dit : “Ma liberté n’a pas le dernier mot, je ne suis pas seul”, en visionnant votre témoignage en vidéo, cher Bruno Questel, j’ai été submergée par votre souffrance, mêlée à mes propres souvenirs.

Ce que je vais dire ici m’est particulièrement difficile. Car “never explain, never complain” est un principe que j’ai fait mien absolument. Ceux qui me connaissent savent mon attachement radical à la liberté. Et il y a parfois dans ce type de témoignage quelque chose de la délation, et toutes les délations me font horreur. Je ne suis pas pour le “name and shame”. Dans le même temps, l’injustice m’insupporte. Je suis ainsi faite que j’aime les moutons, mais pas les troupeaux. Le vrai, le beau et le bien sont mes phares, mais je suis ravie et revendique haut – et quelques fois très fort – de ne pas faire partie des “gens du bien”. Je ne suis pas la mère de la Vérité, et le doute est toujours dans mon esprit. Le fait de me savoir imparfaite ne m’a jamais posé problème : qui dit imparfait dit perfectible, donc l’espoir est là ! Je ne supporte pas non plus les coupeurs de têtes (qui finissent d’ailleurs toujours pour avoir eux-mêmes la tête coupée), ni les lâches qui regardent et laissent faire.

Les vagues de hashtag sur les réseaux ont toujours eu leur part d’ombre et de lumière : tantôt révélateurs, tantôt propagateurs d’injustice et de misère. Ce n’est pas ce que j’ai rêvé lorsque je me suis réjouie de l’arrivée d’Internet. Je fais partie des tout premiers à avoir contribué à son développement en France, et l’arrivée du web, et plus tard des réseaux sociaux, demeure cependant pour moi une source de joie et l’espoir d’un monde meilleur, fait d’échanges et de partage, où nous sommes chacun à la fois hôte et invité. Cette joie est toujours intacte. Même quand mes proches et moi-même avons subi des attaques destructrices, même aujourd’hui quand je vois les torrents d’injures, de mensonges, de bassesses et de vilenies qui se répandent sur les réseaux, même avec certaines vagues d’indignations collectives et sélectives qui valent moins d’un kopeck, et appellent toujours à aller vers ce qui nous divise.

Alors comment s’y retrouver ? Dans un tel chaos universel, entre la cancel culture, le communautarisme, l’indigénisme, la Covid, les revendications et dénonciations de tout type, légitimes ou non, chacune avec son hashtag, que dire ? Comment ne pas être profondément troublée ? Que puis-je faire, écrire ou dire, « pour empêcher la nuit de tomber ? » Pour empêcher l’obscurité – et l’obscurantisme ! – de nous envahir…

Dans ce chaos, trois préceptes me guident tous les jours. Le premier est d’Hillel : « Si je ne suis pas pour moi, qui le sera ? Si je suis seulement pour moi, que suis-je ? Et si pas maintenant, quand ? »

Le deuxième est encore d’Hillel : « Ce que tu ne voudrais pas que l’on te fît, ne l’inflige pas à autrui. C’est là toute la Torah, le reste n’est que commentaire.”

Et le troisième est celui du rav rabbouni Yeshoua, aussi connu comme Jésus : “Aimez-vous les uns les autres.”

Pour moi, les trois ne font qu’un. Si je ne suis que pour moi, si j’inflige aux autres les souffrances et les injustices que l’on m’a causées, si celles des autres m’indiffèrent, alors en vérité je n’aime pas, ni moi, ni les autres. Si la compassion, l’empathie, la solidarité, la fraternité ne sont que des mots prononcés par une “timbale creuse” d’humanité, débordante d’hybris, alors je ne suis rien !

Alors voilà, Bruno Questel, cette vérité intime (même si elle n’est pas cachée : ceux qui me connaissent savent), je l’énonce ici publiquement pour vous : me too ! Moi aussi, j’ai été violée ! J’avais cinq ou six ans, et je n’ai jamais oublié. L’infinie tristesse de cette enfant violée est toujours présente. Depuis, j’ai appris le pardon. Pardonner pour se libérer. Pardonner non pas pour seulement survivre, mais pour VIVRE intensément, humainement, poétiquement, amoureusement !

J’écris cela pour vous, qui m’avez bouleversée, mais aussi pour moi, en gage de respect, de dignité et de fidélité envers moi-même et tout ce en quoi je crois. Et aussi pour saluer et soutenir le courage de ceux qui témoignent aujourd’hui.

Vous dites sans haine et avec humanité : « Ce n’est ni un hashtag, ni une loi qui feront que demain, il ne se passera plus rien. Il faut construire collectivement l’humanité pour que ça ne se reproduise plus. »**

Absolument d’accord avec vous, j’ajoute : aimons-nous les uns les autres, même trop, même mal ! Apprenons à aimer vraiment. Et ce que nous ne voulons pas que l’on nous fît, ne l’infligeons pas à autrui.

Salut en humanité !

PS : je ne serai jamais une victime, alors de grâce, ne me considérez pas comme telle. Ce que j’avais à dire, je l’ai dit, et je n’ai rien à ajouter à ce sujet. Une pensée pour mon ami Nicolas Noguier.

* « Pédophilie : le député Bruno Questel brise le silence », La Chaîne Parlementaire.

** Bruno Questel, député de l’Eure violé à 11 ans : « Ce sont des faits qui vous marquent à jamais », France 3 Normandie

Illustration : Pierre Soulages, Peinture_162 x 127 cm_14 avril 1979, Musée Fabre.

Face aux vents contraires : vers la sortie du labyrinthe 

Vivre, c’est prendre le chemin du vent. Or on ne prend le chemin du vent qu’en dansant, car c’est en dansant qu’on arrive à l’authenticité, qui est le sauf-conduit pour la vraie vie !

J’aimerais, pour commencer, partager avec vous une histoire racontée par les disciples du Rav hassidique Israël Ben Eliezer, le Baal-Shem-Tov*.

« Un matin, le Baal-Shem-Tov pria plus longtemps que de coutume. Fatigués, les disciples s’en allèrent. Plus tard, le maître leur dit avec mélancolie : « Imaginez un oiseau rare au sommet d’un arbre. Pour s’en emparer, les hommes formèrent une échelle vivante qui permit à l’un d’eux de grimper jusqu’en haut. Mais ceux d’en bas, ne pouvant voir l’oiseau, perdirent patience et rentrèrent chez eux. L’échelle se disloqua et là-haut, l’oiseau rare s’envola. »

Aujourd’hui, ceux qui cherchent réellement à se porter à la hauteur de l’oiseau, qui aspirent réellement à sa liberté et à sa faculté de voler vers la Vie, ne sont pas très nombreux. Mais ils sont déterminés, et ils sont aguerris. Nous savons qu’il n’est nul besoin de grands nombres pour construire une nouvelle cordée et escalader l’échelle. Un tel trésor n’est jamais facile ni immédiat à atteindre. C’est une course de fond dans laquelle nous sommes engagés. C’est pourquoi il nous faut manifester trois qualités majeures, trop souvent négligées : l’audace (pour entamer la quête), la confiance (que d’une manière ou d’une autre, nous pouvons atteindre le but), et la persévérance (pour ne pas abandonner en chemin).

Mais l’oiseau est bel et bien réapparu. Tous ne le voient pas, faute d’une vision suffisamment claire. Tous n’entendent pas son appel, faute d’une ouïe suffisamment sensible. Ceux-là prendront et feront passer ceux qui le voient et l’entendent pour des fous. Qu’importe !

Dans la période étrange et difficile que nous vivons, entre confinement, peurs multiples et distension des liens, dans cette incertitude que nous ressentons et qui nous éprouve, devant la perte de tant de repères, n’entendons-nous pas néanmoins l’appel ? L’appel au meilleur de nous-mêmes. À l’humanité qui nous relie. L’appel à laisser notre âme s’envoler dans les bras du vent, avec courage et confiance, vers ces contrées qui s’ouvrent devant nous et qui, aussi indéterminées soient-elles aujourd’hui, sont celles qui accueilleront notre futur, notre évolution et notre délivrance.

Pour que demain existe encore, il nous faut certes de l’humilité. Savoir ce que nous savons, et ce que nous ne savons pas. Et l’accepter.

Et ce que nous savons en premier lieu, c’est qu’il s’agit d’une aventure collective – planétaire !
Sachons donc nous rassembler davantage. Nous ne sortirons du labyrinthe inextricable et des crises en cascade dans lesquelles la pandémie de Covid nous a plongés que par la solidarité. Une solidarité réelle et pratique. Sociale. Humaine. Économique. Cette solidarité est selon moi le fil d’Ariane qui peut seul nous guider vers la sortie, et un nouveau départ.

Je suis consciente de ce que cela paraîtra dérisoire et donc inutile aux yeux de tous ceux qui ont fini par se désespérer d’avoir déjà tant espéré. De tous ceux qui se sont désenchantés d’eux-mêmes et du monde. De tous ceux qui préfèrent commenter le désastre, qui regardent et laissent faire, et qui, sidérés par l’effondrement de leur propre monde, n’attendent même plus la fin des temps. Mais « là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve ! »

Face au chaos, face à notre perte de repères, nous avons une occasion unique de plonger au-dedans de nous-mêmes. Ce chaos, regardons-le en face, face to face ! Considérons l’état des lieux sans états d’âme. Appelons les choses par leur nom. Sans nous complaire dans la contemplation du désastre. Sans chercher des boucs émissaires pour ce que nous vivons. Mettons-nous simplement en route pour chercher la sortie, et pour trouver des solutions, ensemble. Et acceptons aussi que les responsabilités sont partagées. Que notre monde est le reflet de ce que nous sommes, qu’il est fait à notre image, et surtout qu’en définitive, le plus grand obstacle est, fut et sera… nous-mêmes ! Nous sommes et le problème, et la solution ! L’espoir est là !

EN ROUTE !

Bien sûr, nous ne serons pas nombreux pour commencer. L’expérience nous apprend qu’il en va souvent ainsi avec les hommes : hésitations, renoncement face à trop d’incertitudes et d’inconnues, défaitisme, « bonnes raisons » de l’abandon par mille justifications qui n’ont d’autre but que de cacher une incapacité à supporter les épreuves en cours. Mais il suffira qu’un tout petit nombre persévère, jusqu’au bout, pour que nous trouvions le chemin qui nous conduira hors du labyrinthe, pour entamer une ère nouvelle. Tâchons d’être de ce petit nombre !

Nous n’avons besoin de rien d’autre que de confiance. Confiance en le meilleur de nous-mêmes. Confiance en notre humanité et notre intelligence.
Alors nous rejoindrons l’oiseau sur la plus haute branche. Et nous nous envolerons. Ensemble, tous ensemble ! Vers une humanité plus belle, plus bienveillante, plus vraie !

 

*Israël Ben Eliezer, le Baal-Shem-Tov (Maître du Saint Nom).

Photo de Sigurdur William Brynjarsson.

 

Saurais-je me souvenir ?

Saurais-je me souvenir ?

Soudain, de ce silence. Ce sublime silence !
Plénitude du vide. Vibration musicale de la lumière. Frémissement dans le vent du feuillage des platanes.
Et puis, et puis… le retour des oiseaux et leur danse dans l’air irisé.

Avec la Seine là-bas, derrière, embrassant amoureusement Saint Louis. L’Île !
Boulevard paisible, comme en contemplation devant le panthéon serein, tel un vaisseau enveloppé de brume…

Mon jardin suspendu, dans l’immobilité du temps, comme une prairie remplie de fleurs des champs, me rappelle à chaque instant que la beauté (bonté) sauve le monde.
Ses oliviers me transportent en Provence. Ça y est, j’y suis ! J’en suis ! Parfum de lavande fleurie. Merveille.

Et puis ce goéland, qui m’apporte des nouvelles de la mer et de ses falaises.
Trois mois de voyage immobile, avec ces merveilleux nuages… qui passent…

Déconfinement ?
Tout le monde ou presque semble se laisser aller à faire n’importe quoi. Comme avant ?
Pas encore le cœur à la balade. Pas même au « Luco ».
Ce qui fut n’est plus. Ce qui sera n’est pas encore.
Oui, je suis prête pour l’inconnu, pour les batailles qui s’annoncent ! Mais j’y vais doucement !
Festina lente !

Fin’amor , gratitude infinie, à mes inoubliables compagnons de bord : @natachaqs, @sachaqs, @parizot, @jardinhugo, à jamais !