Hommage à l’homme qui a donné Platon à l’Occident

Marsilio Ficino (1422-1499)

L’homme est cet oiseau qui croit ramper parce qu’il voit son ombre glisser à la surface du monde.

Né en 1433 à Figline in Valdarno, fils d’un médecin renommé. Il suit son père à Florence lorsque celui-ci va exercer à l’hôpital Santa Maria Nuova, et se destine lui-même à la médecine, mais ses études lui font découvrir la philosophie, vers laquelle l’humaniste C. Landino le pousse également vers 1456. Protégé par Pierozzi (archevêque de Florence) puis par Cosme de Médicis à partir de 1459, il se consacre à la traduction. Il traduit d’abord, en 1463, le Poimandres et d’autres textes du corpus hermétique. A la mort de Cosme (1464) il passe sous la protection de Pierre, puis de Laurent le Magnifique (à partir de 1469). Ce dernier lui donne les moyens de fonder à Carregio l’Académie Platonicienne. En 1473 il est ordonné prêtre. En 1474 il publie le De Christiana Religione, puis en 1482 la Theologia Platonica, deux textes qui tentent la concordance du néoplatonisme et du christianisme. En 1484 il publie son oeuvre maîtresse : la traduction de la totalité des Dialogues de Platon. Il achève en 1486 celle des Ennéades de Plotin, qui ne sera publiée qu’en 1492. Entre 1492 et 1494 Laurent de Médicis, puis Politien, puis Pic meurent. Ficin lui-même meurt en 1499, après avoir traversé l’époque savonarolienne (il a composé une Apologie très dure contre Savonarole).*

Tout en étant consciente que c’est un autre temps, un autre lieu et d’autres hommes, je suis d’accord avec Ficino pour dire que la pensée platonicienne est, encore aujourd’hui, l’une des rares pensées à pouvoir rassembler les esprits épris des vérités latentes dans les traditions humaines.

Les humanistes sont depuis fort longtemps les porte-parole de la liberté de croyance et d’opinion, œuvrant sans cesse pour un monde tolérant, solidaire et fraternel. Pour les humanistes florentins, l’homme est un lieu de passage » où se comprend et se concrétise le secret qui lie la Création au Créateur, le « secret de Dieu. Ficino dit que si le monde est un, la vérité est une : tous ceux qui la cherchent, même par des voies qu’on estime impraticables, philosophes et savants de toute obédience, hommes de toute religion, juifs, chrétiens, musulmans, cherchent la même chose, ont quelque chose en commun, qu’il faut dénicher et protéger. Orienter nos efforts vers la rennaissance de cet humanisme, épris de culture et du goût des autres, voilà une bien belle œuvre, un beau projet de Vie ! Si l’homme est bien ce lieu de passage, alors comme disent les soufis, le service de l’homme est bel et bien le service de Dieu ; et si nous nous acquittons de notre tâche envers les hommes, nous exécutons la volonté divine.

D’après Ficino, ce qui permet à l’âme de mettre en oeuvre sa fonction médiatrice d’unification du cosmos, c’est l’amour qu’il décrira aussi dans son Commentaire sur le Banquet de Platon.
Peu importe dès lors vers Qui va notre croyance. Le Nom importe peu, car au fond chacun cherche exactement la même chose : l’Amour !

Il me semble que s’engager dans des voies contraires à l’humanisme, c’est se condamner sans remède à une pensée sectaire, certainement dogmatique et sans issue.

t.

Murmure de sable

– Tu dois laisser le vent t’emporter à ta destinarion.
– Mais comment est-ce possible ?
– En te laissant absorber par le vent.
*

J’aime à penser que je suis vide et vaste.
J’aime à penser que je suis air et vent.
J’aime à penser que je suis le paysage traversé par l’air et le vent.
J’aime à penser que je ne suis personne.

Mais surtout, j’aime ne pas penser mais… Être.
Être, simplement Être ! Là.

t.

*Le Conte des Sables, in Contes Derviches, Idries Shah, Courrier du Livre, Paris.
Photo: Desert de Gobi

Le Chant de la Transparence

Le Chant de la Transparence

Une fois arrivée au sommet de la montagne, je grimpe encore et j’entend (enfin !) le chant de la transparence, harmonieux et pur, qui va se déployant en harmoniques et s’approfondissant à la juste mesure de la fondamentale jusqu’au jaillissement de la matière substantiée.

Me voici face à face, vide et plénitude unie par une presque infinie distance, touchée par tant et tant d’intime silence. L’être, perçu en trans-apparence, comme une sorte d’irréalité (aussi réelle que la réalité peut l’être) et à travers la transparence diaphane, la communion poétique s’accomplit en fait !

Et qui est cet étrange reflet vu ? Est-ce moi ? Est-ce toi ? Ou est-ce la lumière évanescente de nos projections anciennes ?
Me voici enfin au-delà des images, revenue à la nudité primordiale ! L’image a vu le créateur d’ images, et l’ayant vu elle a compris son origine et sa destinée.
Vide, rien que vide, plus de moi, plus de toi ! Rien.

Rien et pourtant… l’ineffable joie est là !

Arrivée au sommet de la montagne, je grimpe encore, encore…

t.
Paysage (partie inférieure), par Sesshû, 1481