Au bonheur des vies gracieuses

Emporte une rose du jardin
Elle durera quelques jours,
Emporte un pétale de mon jardin de Roses.
Il durera l’Eternité.
*

Hommage à la Rose

Parce que tout d’abord elle est présente à l’instant présent, elle est simplement là dans le « là » de l’être, évidence gracieuse ! Et puisqu’elle est, et qu’elle sait qui elle est, nul besoin des vains bavardages des donneurs de leçons de vie, encore moins des questionnements stériles.

La Rose est sans raisons, sans discours, sans interprétations…

Elle est et elle sait qui elle est. Paix dans la paix, orage dans l’orage, Lumière dans la Lumiére, ténèbres dans les ténebres, Ceci dans Cela et Cela dans Ceci.

Toute au bonheur de la Vie Gracieuse, la rose est présence dans l’instant où l’Éternel-Instant joue le je de l’éphémère!

La Rose est sans pourquoi,
fleurit parce qu’elle fleurit,
n’a souci d’elle-même,
ne désire être vue.**

Et dans cette joie de n’être que soi, dans cette plénitude de naître à soi, la Rose s’éveille et s’émerveille… de s’émerveiller encore !

*Saâdi –Gulistan, ou, Le jardin des roses
** Angelus Silesius – Le Pèlerin chérubinique

La Mort du Clown

HOMMAGE À CAREQUINHA !


18 juillet 1915 / 5 avril 2006

Il est mort le clown, il s’est envolé au moment même où l’aube pointait ses doigts de rose. D’ailleurs, un clown ne meurt pas, il est justement cueilli comme une fleur, car un clown, comme chacun sait, a pour mission l’enchantement cosmique de tous, étoiles comprises !

Inutile de préciser que ce clown n’est pas un simple clown comme il en existe par milliers… « Petit Chauve » était le clown le plus fulgurant, sidérant, extraordinaire de toute la galaxie clownesque, car il était « mon clown à moi », le clown de mon enfance ! Il a vécu 90 ans d’innocence et d’allégresse, dit-on, et je le crois volontiers, d’autant plus qu’il était (qu’il est) — et ce n’est pas moi que le dit — réellement heureux et gai, naturellement heureux et gai ! D’ailleurs pour pouvoir sans répit, jusqu’à avant-hier, faire jaillir à la fois des gerbes d’étincelles des yeux des petits et des moins petits et des carillons de rires et de folles fontaines de pure allégresse, il faut non seulement être « comme un enfant » mais… être D.ieu lui-même … Bon d’accord, disons qu’il faut être comme un Dieu. Et c’est justement cela qu’il était pour celle que j’étais et même pour celle que je suis devenue !

Il aurait aimé être enterré habillée en clown, mais bon, la bêtise des hommes n’a ni limites ni frontière…

http://pt.wikipedia.org/wiki/Carequinha

Hommage au Vide !


Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours été amoureuse du vide, de la plénitude du vide. Il faut dire que j’ai été élevée dans les grands espaces où le ciel et la terre se confondent dans une étreinte si intime que l’on ne peut jamais distinguer l’un de l’autre. D’ailleurs, l’un est l’autre, mais ceci est une autre histoire…
Ah! L’ivresse de ces espaces habités par la seule lumière et du vent qui danse sur les plaines fleuries, sur la terre rougissante d’allégresse. Et puis, cette soudaine présence jaillit de nulle part qui discrètement murmure au-dedans du rien, des chants qui font poindre les sources d’eau vive. Des chants qui font chanter les pierres et rendre aimants les animaux sauvages. Chant qui nous permet de disparaître dans le paysage et de devenir nuage, oiseau, pluie, lumière… Aujourd’hui, je ne sais dire qui au juste souhaite rendre hommage au vide. Lui qui contient tout et n’est contenu par rien, lui le Sans Forme qui permet néanmoins le processus d’intériorisation et de transformation par lequel tout chose et tout être réalise son même et son autre, et par là atteint la totalité, la plénitude du Rien justement ! Suprême délicatesse lui l’Évident à l’Etendue Illimitée. Il se déplace tout en restant sur place et ainsi Il Est là comme s’Il n’était que métaphore, comme s’Il n’était que par façon de parler…

Infinie gratitude à cet Humble Rien, Inclinaison amoureuse au Vide, d’où jaillit la Lumière qui est la Vie, qui Est…

Regardant sans voir, on l’appelle Invisible; Ecoutant sans entendre, on l’appelle Inaudible; palpant sans atteindre on l’appelle Imperceptible; voilà trois choses inexplicables qui confondues font l’unité. Son haut n’est pas lumineux, son bas n’est pas ténébreux. Cela serpent indéfiniment indistinctement jusqu’au retour au Non-Chose. On le qualifie de Forme de ce qui n’a pas de forme et d’Image de ce qui n’a pas d’image …
Lao-tzu

Chevaucher le vent

Après avoir reçu les instructions de son maître, Lie-tseu était retourné chez lui  » en montant sur le vent « . Un disciple vint le trouver mais il attendit plusieurs mois, sans que Lie-tseu lui adresse la parole. Il partit donc, mais revint quelques temps plus tard. Lie-tseu lui dit :  » Au début, je t’avais cru intelligent, maintenant je vois à quel point tu es stupide ! Assieds-toi, je vais t’apprendre ce que j’ai appris de mon maître. Trois ans après que je me fus mis à son service, mon esprit n’osait plus distinguer le vrai du faux, ma bouche n’osait parler de l’utile et du nuisible; pour la première fois, j’obtins de mon maître un regard. Au bout de cinq ans, je réfléchis de nouveau sur le vrai et le faux et ma bouche put reparler de l’utile et du nuisible; alors, pour la première fois, le visage de mon maître s’éclaira et il sourit. Au bout de sept ans, je pus libérer mes pensées des notions de vrai et de faux, je pus libérer ma parole, elle ne concernait plus l’utile et le nuisible. Alors, mon maître m’invita à m’asseoir auprès de lui sur sa natte. Au bout de neuf ans, l’extérieur et l’intérieur était confondus, mes yeux furent comme mes oreilles, mes oreilles comme mon nez, mon nez comme ma bouche, tous mes sens étaient identiques. J’eus le sentiment que mon esprit se figeait, que mon corps se désagrégeait, que mes os et ma chair se dissolvaient… et finalement je ne savais si je portais le vent ou si le vent me portait. »

Rentre en toi

au lieu où il n’y a rien

et prends garde que rien n’y vienne !

Pénètre au-dedans de toi

jusqu’au lieu où nul penser n’est plus

et prends garde que nul penser ne s’y lève !


Là où rien n’est,

le Plein !

Là où rien n’est vu,

Vision de l’Etre !

Là où rien n’apparaît plus,

apparition du Soi

Cela même qui n’a pas de forme!


Pensée Zen Soufi

Note Bene:
Je voudrais dire ici ma gratitude à Lao Tzu, Shih-t’ao… Et à la civilisation orientale (dans le sens corbinien du terme) qui m’ont appris avec patience et bienveillance, non pas à chercher à combler le vide, mais à atteindre un état de vacuité qui permet de se relier avec notre intime, notre Être intérieur, à cet essentiel qui communique avec le meilleur de nous-mêmes,

Qu’il vienne, qu’il vienne, le temps où l’on s’éprenne du Vide… Amen !
photo : bruce@TaosPhotoGallery.com

Célébrer Hermann Hesse, c’est célébrer les valeurs intemporelles et la Liberté !

Lorsque nous nous sommes rencontrés, nous marchions vers l’Orient. Loin, très loin du Loup et des Steppes…Seule à seul nous chevauchions le vent ensemble, là où « le faiseur de pluie » se plaisait à nous envelopper de rosée. Transpercés d’éclairs étincelants de beauté auntant que de doutes, nous cheminions sur les routes de la connaissance. Nous étions et sommes toujours d’accord pour dire que : « Analyser le monde, l’expliquer, le mépriser, cela peut être l’affaire des grands penseurs. Mais pour nous une seule chose importe, c’est de pouvoir l’aimer, de ne pas le mépriser, de ne le point haïr tout en ne nous haïssant pas nous-mêmes, de pouvoir unir dans notre amour, dans notre admiration et dans notre respect, tous les êtres de la terre sans nous en exclure. »

Nous avons joué au « Jeu des Perles de Verre », et une fois encore nous nous sommes accordés sur le fait que « l’enjeu de l’éveil, c’était non la vérité et la connaissance, mais la réalité, le fait de la vivre et de l’affronter », et que dès lors « on ne découvrait pas des lois, mais des décisions, on ne pénétrait pas dans le coeur du monde, mais dans le coeur de sa propre personne ». Non, nous n’étions pas des savants et nous ne le sommes pas plus aujourd’hui… Nous savions que « l’art suprême consistait en ceci : se laisser aller, consentir à sa propre chute », car entre deux souffles il y a la grande respiration, où « chaque vie est une expiration du souffle divin, chaque mort une inspiration ». Nous savions aussi que « celui qui sait se plier à ce rythme et qui ne refuse pas sa propre disparition, celui-là n’éprouve aucune peine à mourir ni à naître : l’angoisse n’est réservée qu’à la créature qui se débat ! » « Chacun de nous n’est rien de plus qu’humain, rien de plus qu’un essai, une étape. »

Pèlerins d’Orient, il nous coûtait de n’être pas encore nés…
Vagabonds des étoiles, nous marchions dans la vallée, au bord du fleuve nous nous sommes arrêtés… Tu t’en souviens, tu t’es soudainement exclamé : « je suis passé par ici avec Sidartha ». « Et comment était-il ? », t’avais-je répondu. « Satisfait », m’as-tu dit.

« Satisfait, il contemplait l’eau du fleuve qui coulait et jamais il n’y avait pris tant de plaisir. Jamais il n’avait discerné d’une façon si agréable et si claire la voix et l’enseignement de cette eau fuyante. Il crut comprendre que le fleuve avait quelque chose de particulier à lui dire, quelque chose qu’il ignorait encore et qui l’attendait. Le sentiment qu’il éprouvait pour lui, c’était à la fois de l’amour, du charme, de la gratitude. Dans son coeur, il écoutait parler la voix qui s’était réveillée et qui lui disait : « Aime-les, ces eaux. Demeure auprès d’elles. Apprends par elles ! ». Oui, il apprendrait par elles, il devinerait leurs secrets, il acquerrait le don de comprendre les choses, toutes les choses, et de pénétrer dans leur mystère. »

Ensuite, tu es resté un long moment silencieux et tu as fini par dire que : « cette expérience de la vie ne fait pas partie des objectifs du langage, car elle n’est pas communicable, elle est et reste. » La sagesse qu’un sage cherche à communiquer a toujours un air de folie », as-tu dit avant de te taire. Oui, avant de te taire…

Aujourd’hui, au coeur de l’automne, je sais que « le ciel, comme le voit le prêtre, ça n’existe pas. Le ciel est bien plus beau, bien plus beau. » Et qu' »en vérité, il n’y a de jeunes et de vieux que parmi les hommes moyens. Les êtres qui possèdent des dons et se différencient des autres sont tantôt jeunes, tantôt vieux, comme ils sont tantôt joyeux, tantôt tristes. Le seul attribut réservé aux plus vieux est le pouvoir de manier avec plus de liberté, d’aisance, d’expérience, de bonté, la faculté d’aimer.  »

Tu sais, tu as bien raison : « Le bonheur, ce n’est pas d’être aimé. Chaque être humain a de l’amour pour lui-même, et pourtant, ils sont des milliers à vivre une existence de damné. Non, être aimé ne donne pas le bonheur. Mais aimer, ça, c’est le bonheur ! » Mais de tout cela et davantage nous reparlerons (toi et moi) de l’autre côté du rideau de rosée translucide et dorée où tu te trouves.

Tu sais, j’accepte comme toi, avec grâce, la vieillesse. Elle est à la fois grave, radieuse et juvénile ! Et si je ne fais pas encore « L’Éloge de la vieillesse », ça viendra en temps voulu. Sachez aussi, très, très cher ami, que non seulement j’ai appris à rire, mais j’ai aussi cessé de me prendre au sérieux !

Siddhârta.
Le Jeu des perles de verre
Le Voyage en Orient
Le Loup Des Steppes
Narcisse et Goldmund
Éloge de la Vieillesse…

Le jeu des perles de verre (amazon.fr)
Wikipédia : Hermann_Hesse
Notice biographique – Bibliographie – Feuillets d’album

Célébrer Sayd Bahodine Majrouh, c’est célébrer la Liberté de Rire Avec Dieu !

Ce moi fasciné, incomplet, entravé dans ses chaînes, étranger à sa source, ignorant de sa fin, abstrait, isolé, dérisoire, n’hésite pas à se prendre pour la réalité suprême. Il chasse Dieu hors de soi, et s’installe en tyran.
Majrouh


I
l est conseillé, lors de la plus longue nuit, d’allumer une chandelle dans l’obscurité. Or nous sombrons dans l’obscurantisme. Voila pourquoi il est aujourd’hui essentiel de célébrer Sayd Bahodine Majrouh, car à travers lui nous célébrons la Liberté de Rire Avec Dieu !

Sayd Bahodine Majrouh, considéré comme le plus grand poète afghan, a été assassiné à Peshawar le 11 fevrier 1988, par les talibans (les mêmes qui ont assassiné Massoud ! ), à la veille de son soixantième anniversaire. Ancien doyen de la Faculté de Kaboul, Sayd Bahodine Majrouh était un conteur inspiré, l’une des voix les plus rebelles d’Afghanistan. Il était un soufi d’islam. Il est l’auteur, entre autres, d’une immense épopée intitulée
« Ego-Monstre », chant épique, conte poétique décliné en mille paraboles.
C’est une œuvre visionnaire, faite d’émerveillement et de
révolte, de chant et de critique sociale.

Sayd Bahodine Majrouh,
salué pour sa tolérance et son esprit visionnaire, n’a cessé d’alerter
contre les hystéries de l’Histoire : dogmatismes, fanatismes, intégrismes en tous genres ne pouvaient être pour lui porteurs ni d’espoir, ni de vérité. Cela n’a pas empêché — au contraire ? — des fanatiques musulmans intégristes de l’assassiner d’une anonyme et lâche rafale de mitraillette. Son exigence de Liberté et d’universalisme lui a coûté la Vie !

Sans rien renier de ses héritages d’Orient et d’Occident, il était nourri aussi bien de Rumi et de Khayyam que de Montaigne et de Diderot.

« Les forces de bêtise et de haine qui ont tué Majrouh n’ont cessé depuis de prospérer en Afghanistan et ailleurs. Ces forces dont il avait, revendiquant d’emblée le rôle désespéré de l’éveilleur qui chemine au plus noir de la nuit, annoncé la venue puis l’essor. »

Il est mort parce qu’il avait refusé de se plier aux dogmes des talibans et de tous les adeptes de tyrannies qui décrètent la mort de tous ceux que ne pensent pas comme eux, musulmans ou non-musulmans.

Sayd Bahodine Majrouh
Az khud-i-ma hasten!
(Tu es l’un des nôtres)