Heureux les pauvres en esprit, car le royaume de la Paix est à eux

Ce que les hommes de ce monde prennent pour de l’intelligence, les hommes simples en esprit n’y voient bien souvent que folie, et par contraste, ils se considèrent eux-mêmes comme des idiots. J’ai toujours aimé ces simples en esprit, ces grands rêveurs naïfs qui ont toujours su que nous ne sommes que des passants dans ce monde, et que quoi qu’il arrive notre départ est déjà programmé. De ce fait, ils ne cherchent pas la possession d’honneurs, de richesses, et ne cherchant pas la possession, ils ne sont pas possédés !

Fils et filles de l’instant, ils naviguent dans la jungle humaine avec une crédulité qui voile pour eux la méchanceté de certains hommes. Innocents, ils sont souvent pris comme une proie facile par la meute des loups qui, même s’ils sont rassasiés, veulent encore et toujours acérer leurs griffes et se jettent avec cruauté sur ce qu’ils considèrent comme de simples instruments de jeu !

Mais l’idiotie de ces simples en esprit les empêche de tomber dans le piège de la haine et de la désolation. Ils n’ont pas besoin de pardonner, car dans leur imbécillité, ils ne se sont jamais vu offensés !

Je pense sincèrement que si cette espèce d’idiots devait disparaître du monde, l’émerveillement, la beauté, la poésie et la bonté… disparaîtraient aussi !

Alors, hommage soit rendu à tous ces pauvres en esprit, ces idiots célestes qui ne sont décidément pas de ce monde, mais qui le portent à bout d’âme sans même le savoir.

t.

Ryoanji Temple Rock Garden

Je n’ai rencontré que d’ardentes étoiles…

C’est comme si la lumière éclaboussait de feu les feuilles, pensent les arbres en leur immobile splendeur…

Saisie par l’inconnu, absorbée dans l’inconnu, il m’a fallu tout recommencer. À partir de zéro ! Vagabonde de la vacuité, je suis cendre brûlante, couleur d’opale, plongée dans un bienheureux nuage d’inconnaissance. Je ne sais rien, je découvre tout… J’apprends !
Néanmoins, le regard que je porte, je l’apporte de profondeurs presque jamais visitées. Il est vif, il est neuf, il est spontané et… naturellement malhabile.

J’apprends à nommer en écoutant le chant du vent, et nulle part je n’ai entendu musique plus douce que la sienne !

C’est l’arrivée de l’automne, me dit-on. Je me penche sur le balcon, au-dessus des ondes vertes frémissantes aux contours dorés, et j’attends avec joie d’accueillir l’automne ! Mais, qu’est-ce que l’automne ? Comment puis-je le reconnaître, puisque je ne le connais pas…
Automne : autonne, XIIIe; lat. autumnus : Saison qui succède à l’été et précède l’hiver, caractérisée par le déclin des jours, la chute des feuilles (dans le climat de la zone tempérée nord : 22/23 septembre-21 décembre).

L’automne succède à l’été et précède l’hiver !? Cela suppose que je sais l’été, que je sais l’hiver. Or, non ! Je débarque, et naturellement je ne comprends rien. Si ici l’on ne peut comprendre une chose que par rapport à une autre, c’est manifestement un monde où l’on ne navigue que du connu au connu…

Et si l’on n’a rien à quoi se rapporter, on ne comprend pas ! Est-ce bien cela ?
Jamais dans le neuf ? Mais, et l’inconnu, quand il vous visite, vous faites quoi avec ?

J’arrive et je souhaiterais apprendre de vous. Mais à partir du connu, ce n’est pas possible : je ne sais rien ! Je ne sais pas de quoi vous parlez, je ne connais pas vos mots ni vos concepts…

Je suis l’étrangère, je suis en transit, je ne suis pas de ce monde. Infiniment petite, je suis impermanente telle un nuage… Je ne connais rien d’autre que le mouvement des fougueuses étoiles aux jaillissements insaisissables…

Et si vous ne voulez pas apprendre de cela, apprenez-moi ce que vous êtes, et dans quel monde nous sommes ici.
Comment faire pour communiquer avec vous ?

t.

Eh ! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étrangère ?

– J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages!

Baudelaire

source de cette merveilleuse photo

Dualitude

Tu es comme si Tu n’avais créé que des métaphores et comme si Tu n’étais que par façon de parler…



J’ai contemplé Ta Beauté, et j’étais transpercé par Ta trans-apparence .

Depuis mon coeur est rempli de vide et de silence.

O perplexité !

À qui ces paroles sont-elles adressées, est-ce à Toi, est-ce à moi ?

L’espace danse, le temps danse, l’uni-vers danse.

Toutes les choses sont en mouvement parce qu’il n’existe dans l’univers que Ta Danse !

L’immobilité de l’espace n’est qu’apparente car en Toi tout danse.

Et cette danse est le voyage de l’être en Soi, de Toi en Toi.

À qui ces paroles sont-elles adressées, est-ce à Toi, est-ce à Moi ?

O Toi qui es absent là, nous T’avons trouvé ici !

t.

Tableau: John Everett Millais – 1829 – 1896

Le chemin du vent ardent

Vivre ce n’est pas un discours, vivre c’est prendre le chemin du vent. Or on ne prend le chemin du vent qu’en dansant, car c’est en dansant qu’on arrive à la nudité qui est le sauf-conduit pour la vraie vie ! Au-delà, il nous faut nous laisser guider par le son de la flûte du roseau qui, comme nous le confie Rumi, émet un son de feu et non de vent. L’ardent désir de la vraie vie nous fera in fine prendre feu et ainsi déchirer les voiles qui nous ont tenu éloignés de l’Ami, le Vrai, le Réel ! Le son de la flûte, son feu, remonte si loin en arrière dans le temps qu’il finit par transformer le temps en espace, et l’espace en lumière, et la lumière en absolue transparence.
Ecoute donc, écoute la flûte de roseau et sa plainte, car en même temps qu’elle chante la séparation, elle est le son, l’échelle musicale qui conduit à l’union…

t.

Photo:
Deux amas d’étoiles , M46 et M47, dans la constellation de la Poupe, dans Argo

Entrez, c’est ouvert !

Fenêtre sur cour

En contemplant la fenêtre de « ma » cour intérieure, un bruissement d’abeilles s’est répandu dans l’enceinte entre deux immeubles enclochés. Le souffle a suspendu son envol à la vue de ce qui lui semblait être un frémissement d’ailes musicales à travers un son diaphane, cristallin. En prêtant l’oreille intérieure, le constat s’est fait que ce n’était pas tout à fait cela. Il s’agissait de quelque chose de plus silencieux que le silence, de plus léger que le souffle, quelque chose au-delà de la gamme des sons, au-delà de la portée de la lumière !

Quelque chose d’avant la Parole !

Ce dont on ne peut parler, il faut le taire, nous conseille l’ami Wittgenstein. Que reste-t-il, que nous reste-t-il pour communiquer, échanger, dire de ce dont on ne peut pas parler ? Il nous reste tout et rien, il nous reste l’Ouverture, la contemplation non plus de notre image, mais de l’Ouvert.

Comme dit Maximov, tout n’est que cendre et poussière, tout, sauf le temple à l’intérieur de nous. Il est à nous, avec nous dans les siècles des siècles.

Entrez, et constatez par vous mêmes ce dont on ne peut pas parler !

t.

Photo: Sacha QS.