Le Chant de la Transparence

Le Chant de la Transparence

Une fois arrivée au sommet de la montagne, je grimpe encore et j’entend (enfin !) le chant de la transparence, harmonieux et pur, qui va se déployant en harmoniques et s’approfondissant à la juste mesure de la fondamentale jusqu’au jaillissement de la matière substantiée.

Me voici face à face, vide et plénitude unie par une presque infinie distance, touchée par tant et tant d’intime silence. L’être, perçu en trans-apparence, comme une sorte d’irréalité (aussi réelle que la réalité peut l’être) et à travers la transparence diaphane, la communion poétique s’accomplit en fait !

Et qui est cet étrange reflet vu ? Est-ce moi ? Est-ce toi ? Ou est-ce la lumière évanescente de nos projections anciennes ?
Me voici enfin au-delà des images, revenue à la nudité primordiale ! L’image a vu le créateur d’ images, et l’ayant vu elle a compris son origine et sa destinée.
Vide, rien que vide, plus de moi, plus de toi ! Rien.

Rien et pourtant… l’ineffable joie est là !

Arrivée au sommet de la montagne, je grimpe encore, encore…

t.
Paysage (partie inférieure), par Sesshû, 1481

Hommage à la quête perpétuelle d’un improbable équilibre

NON à l’Appel des sirènes !

La faiblesse de la volonté (l’akrasie) conduit souvent à vouloir le meilleur et pourtant faire le pire. Comment donc s’assurer de rester en accord avec soi-même ?

Il convient certes de respecter un principe d’humanité et de non-cruauté, équilibrant devoir et pouvoir. Car on ne doit que ce que l’on peut, et il serait inhumain d’exiger l’impossible comme devoir, et tout autant d’interdire le nécessaire (ce qui ne peut pas ne pas être).

Mais il est néanmoins possible de renforcer le lien entre pensée et action : plutôt que de compter sur ses propres forces, nécessairement limitées et soumises à cette « akrasie », se donner des contrôles extérieurs à soi qui vous rappelleront le moment venu vos promesses et votre devoir (choisis et assumés par vous antérieurement).

On peut ainsi augmenter nos chances de rester fidèles et ce que l’on croît, c’est-à-dire accorder notre action à notre pensée, et ainsi préserver notre intégrité même lorsque les sirènes appellent. Pour cela, il faut compter sur l’Ami réel, le Vrai, car l’Ami est là pour ça ! N’est-il pas l’alter ego, le meilleur de nous-mêmes, qui nous rappelle au bon moment le désir de nos coeurs, nos promesses faites à nous-mêmes et notre devoir envers nous-mêmes de les accomplir ?

Livrés à nous mêmes, nos forces sont plus faibles que nous ne l’imaginons, mais heureusement l’ami est là pour nous soustraire à la fascination et nous détourner du chant des sirènes.

Allons-nous renoncer à nos engagements envers nous-mêmes et nos semblables, notre planète ? Allons-nous oublier notre promesse (donc notre devoir) d’unité ? L’union est plus forte que la division. La devise fondatrice « Liberté, égalité et fraternité » peut aussi agir comme un rappel.

Voilà pourquoi, à des moments critiques, nous rappeler les uns aux autres nos choix et nos combats de toute une vie reste le meilleur service que nous puissions rendre à la vie et à nous-mêmes.

Allons encore et toujours vers ce qui nous unit.
À vos consciences, les Amis ! (Aux urnes, citoyens !)

Humainement,
t.

Peintre de la Sirène (attribué au)
Ulysse et les sirènes (détail)
stamnos à figures rouges
Ve siècle av. J.-C.
Londres, British Museum

L’humain à venir

Himalaya

Hommage au juste milieu (aussi connu comme Force d’unification)

Quand l’homme vient au monde, il est souple et faible ; quand il meurt, il est raide et fort.
Quand les arbres et les plantes naissent, ils sont souples et tendres; quand ils meurent, ils sont secs et arides.
La raideur et la force sont les compagnes de la mort ; la souplesse et la faiblesse sont les compagnes de la vie.

 

J’ai l’impression que la grande Révolution des cœurs et des esprits, souhaitée depuis tellement de temps, se pointe à l’horizon. Combien de fois ai-je cheminé vers ce même horizon « nouveau » ! On ne compte plus ses appellations contrôlées : Communisme, Contre Culture, Mai 68, mouvement de libération de tout et de rien, et j’en passe… Mais chaque fois qu’on croyait s’approcher de l’horizon, il s’éloignait ! Et c’est ainsi que des générations entières se sont detournées de l’essence même de leurs rêves, de leurs aspirations. Finalement, quelle désillusion !

Mais qu’elle est salutaire, cette désillusion qui dessille nos yeux.

Pour celle que j’étais alors, feu, ardente et impétueuse, la « voie du milieu » était celle des tièdes, des timorés. Je les aimais bien (de loin), mais ne souhaitais surtout pas leur ressembler. Préjugé !

Ah, les apparences ! Qu’il a raison celui qui dit que ce n’est pas des apparences qu’il faut se méfier, mais du regard qu’on porte sur elles !

Aujourd’hui c’est une évidence qu’il est en tout un juste milieu, comme dit Horace, et que c’est cette voie du juste milieu qui nous conduira vers l’unification et la guérison de nous-mêmes et de notre planète ! Une autre évidence : elle n’est pas tiède mais chaleureuse, humaine, printanière, vivifiante !

Et que dit la Voie du Milieu ?

Elle considère la délicatesse, la souplesse, la faiblesse et la tendresse comme des valeurs fondamentales. Depuis la plus haute antiquité, toutes les traditions ont enseigné le rejet des extrêmes. Il est dit : Le Parfait a évité ces deux extrêmes ; il a trouvé le sentier du Milieu qui ouvre les yeux, engendre la connaissance et mène à la paix, la clairvoyance, l’Illumination.

Le Tao, voie du millieu par excellence, s’appuie sur ce symbole :

Ying Yang

Nommé « le Symbole du Tout », il est divisé en deux parties égales : le Yin et le Yang. Et il symbolise non pas deux, mais trois forces.
Le Yin, ou élément doux, calme, passif, négatif, sombre.
Le Yang, élément fort, agressif, actif, positif, clair.
Et entre ces deux forces, la « Voie du Milieu », ou « Voie du sage », est la résultante de l’énergie du + et du -, le neutre entre le positif et le négatif…

Dans ce sens, le Tao symbolise la réunification de l’homme, l’unification des forces. La présence du point blanc dans la partie noire, et du point noir dans la partie blanche, montre que chaque-un des hommes a en lui un principe féminin et un principe masculin.

Bref, ce symbole nous signifie que, homme ou femme, notre comportement doit s’adapter sans cesse – à l’instar de la Vie ! – à la situation. Dans certains cas, il faut être soit « homme » – c’est-à-dire fort, agressif, compétitif (Yang) –, soit « femme » : doux, calme, coopératif (Yin).
Le tracé sinusoïdal traversant le Tao verticalement et qu’on appelle « Voie du Milieu », est le symbole de l’adaptation à la situation. Il est l’élément le plus important du Tao : la « Troisième Force.

Donc celui qui s’adapte au moment, au lieu et aux gens, est l’homme du milieu, l’homme du moment présent, le conciliateur, l’unificateur, le sage ! Et comme je l’ai dit plus haut, toutes les traditions, sans exception (laïques ou religieuses), n’ont d’autre but que l’avénement de cet Humain-à-Venir ! Celui qui nous menera vers ce qui nous unit, celui que nous conseillera non pas de renier nos divergences, mais de dialoguer. Ensemble, tous ensemble pour trouver une solution à ce qui nous divise…

Et cet homme à venir, celui que nous attendons tous, cet homme-là nous attend depuis toujours. Du dedans du dedans de nous-même il nous appelle ! Il est l’unificateur, le conciliateur, l’humain. Notre être Réel en Réalité et en Vérité !

Or, entendre l’appel, c’est y répondre « Me Voici ! »

A nous de franchir cette presque infinie distance qui nous sépare du meilleur de nous-même. Sommes-nous prêts à répondre ? Le voulons-nous ?

Entre le Oui et le Non, la réconciliation. Entre les deux, non pas la tiédeur, mais l’infinie tendresse. La beauté, la miséricorde du juste milieu ! La Paix !

t.

Notes:
Samyutta-Nikâya – Les discours groupés du Boudha
Lao Tseu ,Tao-te-King Ed. Librio
Les soufis et l’ésotérisme, Payot, Paris

Évangile selon Matthieu – Le sermon sur la montagne (chap. 5 à 7)