L’humain à venir

Himalaya

Hommage au juste milieu (aussi connu comme Force d’unification)

Quand l’homme vient au monde, il est souple et faible ; quand il meurt, il est raide et fort.
Quand les arbres et les plantes naissent, ils sont souples et tendres; quand ils meurent, ils sont secs et arides.
La raideur et la force sont les compagnes de la mort ; la souplesse et la faiblesse sont les compagnes de la vie.

 

J’ai l’impression que la grande Révolution des cœurs et des esprits, souhaitée depuis tellement de temps, se pointe à l’horizon. Combien de fois ai-je cheminé vers ce même horizon « nouveau » ! On ne compte plus ses appellations contrôlées : Communisme, Contre Culture, Mai 68, mouvement de libération de tout et de rien, et j’en passe… Mais chaque fois qu’on croyait s’approcher de l’horizon, il s’éloignait ! Et c’est ainsi que des générations entières se sont detournées de l’essence même de leurs rêves, de leurs aspirations. Finalement, quelle désillusion !

Mais qu’elle est salutaire, cette désillusion qui dessille nos yeux.

Pour celle que j’étais alors, feu, ardente et impétueuse, la « voie du milieu » était celle des tièdes, des timorés. Je les aimais bien (de loin), mais ne souhaitais surtout pas leur ressembler. Préjugé !

Ah, les apparences ! Qu’il a raison celui qui dit que ce n’est pas des apparences qu’il faut se méfier, mais du regard qu’on porte sur elles !

Aujourd’hui c’est une évidence qu’il est en tout un juste milieu, comme dit Horace, et que c’est cette voie du juste milieu qui nous conduira vers l’unification et la guérison de nous-mêmes et de notre planète ! Une autre évidence : elle n’est pas tiède mais chaleureuse, humaine, printanière, vivifiante !

Et que dit la Voie du Milieu ?

Elle considère la délicatesse, la souplesse, la faiblesse et la tendresse comme des valeurs fondamentales. Depuis la plus haute antiquité, toutes les traditions ont enseigné le rejet des extrêmes. Il est dit : Le Parfait a évité ces deux extrêmes ; il a trouvé le sentier du Milieu qui ouvre les yeux, engendre la connaissance et mène à la paix, la clairvoyance, l’Illumination.

Le Tao, voie du millieu par excellence, s’appuie sur ce symbole :

Ying Yang

Nommé « le Symbole du Tout », il est divisé en deux parties égales : le Yin et le Yang. Et il symbolise non pas deux, mais trois forces.
Le Yin, ou élément doux, calme, passif, négatif, sombre.
Le Yang, élément fort, agressif, actif, positif, clair.
Et entre ces deux forces, la « Voie du Milieu », ou « Voie du sage », est la résultante de l’énergie du + et du -, le neutre entre le positif et le négatif…

Dans ce sens, le Tao symbolise la réunification de l’homme, l’unification des forces. La présence du point blanc dans la partie noire, et du point noir dans la partie blanche, montre que chaque-un des hommes a en lui un principe féminin et un principe masculin.

Bref, ce symbole nous signifie que, homme ou femme, notre comportement doit s’adapter sans cesse – à l’instar de la Vie ! – à la situation. Dans certains cas, il faut être soit « homme » – c’est-à-dire fort, agressif, compétitif (Yang) –, soit « femme » : doux, calme, coopératif (Yin).
Le tracé sinusoïdal traversant le Tao verticalement et qu’on appelle « Voie du Milieu », est le symbole de l’adaptation à la situation. Il est l’élément le plus important du Tao : la « Troisième Force.

Donc celui qui s’adapte au moment, au lieu et aux gens, est l’homme du milieu, l’homme du moment présent, le conciliateur, l’unificateur, le sage ! Et comme je l’ai dit plus haut, toutes les traditions, sans exception (laïques ou religieuses), n’ont d’autre but que l’avénement de cet Humain-à-Venir ! Celui qui nous menera vers ce qui nous unit, celui que nous conseillera non pas de renier nos divergences, mais de dialoguer. Ensemble, tous ensemble pour trouver une solution à ce qui nous divise…

Et cet homme à venir, celui que nous attendons tous, cet homme-là nous attend depuis toujours. Du dedans du dedans de nous-même il nous appelle ! Il est l’unificateur, le conciliateur, l’humain. Notre être Réel en Réalité et en Vérité !

Or, entendre l’appel, c’est y répondre « Me Voici ! »

A nous de franchir cette presque infinie distance qui nous sépare du meilleur de nous-même. Sommes-nous prêts à répondre ? Le voulons-nous ?

Entre le Oui et le Non, la réconciliation. Entre les deux, non pas la tiédeur, mais l’infinie tendresse. La beauté, la miséricorde du juste milieu ! La Paix !

t.

Notes:
Samyutta-Nikâya – Les discours groupés du Boudha
Lao Tseu ,Tao-te-King Ed. Librio
Les soufis et l’ésotérisme, Payot, Paris

Évangile selon Matthieu – Le sermon sur la montagne (chap. 5 à 7)

8 réflexions sur “L’humain à venir

  1. Oui! je réponds oui et présente à cette voix voie de la réconciliation avec le meilleur de nous-mêmes, avec le Soi lui-même.
    Oui pour franchir cette « presque infinie distance » à portée de Coeur.
    Me reviennent en mémoire ces mots :
    « Que ton Oui soit un Oui et que ton Non soit un Non » et je me demande : est-ce que pour cheminer vers cette Voix du Juste Milieu, ne faut-il pas déja que nos Oui soient de vrais Oui et nos Nons de vrais Nons ?
    Il me semble parfois que dans notre ignorance, nous confondons « milieu » avec la fuite, la lâcheté, « justesse » avec tiedeur, voire hypocrisie ….. que nous avons peur de nous situer clairement et donc on retse dans le flou, le vague, l’approximatif, bref le peut-être …. Impossibilité d’Etre tant qu’on reste dans le peut être ….
    Et pour cheminer vers la Voix du Juste Milieu qui contient et accueille le Oui et le Non, ne devons-nous pas expérimenter d’abord que le Oui soit un Oui et le Non soit un Non ?

  2. @Tatiana : Ce billet est très juste, merci pour ton accueil et ta chaleur humaine, nous avons plein de choses à apprendre, Avec toute mon amitié, Virginie

  3. Bonsoir,

    Votre pseudo est enchanteur à la première lecture, semelles de vent, humain de passage dans l’air du temps.

    Heureux hasard qui m’a conduit jusqu’ici, dans cette même recherche d’une voie de sagesse, la voie du milieu qui se dessine…

    Sans doute notre histoire n’est pas la même, mai 68 concernait mes parents et le communisme est tombé de son mur alors que j’étais au collège. Pour le moins, cette même interrogation, préoccupation pour l’avenir conjugué au présent.

    Cordialement,
    Héloïm

  4. Oui, tous les chemins divergent pour aider les rencontres… Merci de votre passage à l’instant même où je comptais vous écrire.
    Je vous laisse un texte en écho à cet humain à venir. Un texte né de l’émulsion d’une autre belle rencontre : avec Quitterie. (Il est aussi sur le blog) Nous nous verrons bientôt, Tatiana. Merci d’être là.

    L’ULTIME CLIVAGE

    Il y a un espace en l’homme,
    quelque part au loin de l’homme,
    et pourtant si proche.

    Au coeur de l’homme, tout au centre,
    il y a comme une lumière qui vibre.

    Elle est parfois lointaine lueur, étoile, sourire fragile de l’espérance.

    Parfois lumière franche, crue, déchirant le ciel de l’âme en un coup de tonnerre,
    celui de la rencontre, avec l’autre, cet autre soi-même,
    celle qui fait chavirer l’âme et nous précipite dans une incandescence en miroir.

    Il y a ce vaste espace au coeur de l’homme, à la fine pointe de l’être.

    Quand une femme, quand un homme le met au jour, cette femme-là, cet homme-là est sauvé.

    Cet espace est celui de la Foi qui déplace les montagnes ;

    Cet espace est celui de l’Être et de la Transparence ;

    Cet espace est de résistance ;

    Cet espace échappe à toute fixité.

    Cet espace est nu comme la grâce,
    vulnérable comme un nouveau-né,
    fragile comme un oeuf dans la main d’un enfant.

    Cet espace de la conscience est accessible à chaque instant
    d’un seul geste intérieur.

    Un geste qui apaise et ouvre le chemin,
    un geste qui réconcilie l’inconciliable,
    un geste qui sait unir les contraires, embrasse tous les paradoxes et contradictions dont nous sommes cousus.

    Un geste qui naît de la différence et de l’inconnu,
    de l’accueil en nous de l’ombre, génitrice de toutes les lumières.

    Un geste d’une telle souplesse, d’une telle multiplicité que rien ne peut l’arrêter.
    Un geste d’envol,
    un geste d’ancrage au coeur de cet envol.

    Une intention consciente.

    Un geste qui aime.

  5. C’est un beau poème Rodolphe.

    Et au milieu coule la source Tatiana, si semblable en chacun où que soit sa culture, simplement en rappel de l’essentiel, de la beauté magique du monde dans l’amour et le partage.
    Y aurait-il un porteur lumineux dans l’absolu, si évident qu’il en devient invisible ? Au milieu parfois, parfois ailleurs selon nos divagations errantes ; les certitudes du coeur se cueillent en des lieux surprenants. 😉
    Tendresses belle amie…

  6. Salut en humanité,

    Merci infiniment à Valostine et Virginie, ainsi qu’à Héloïm (quel beau nom!)
    Rodolphe, cher Rodolphe, comme dit le poète : Dans une presque infini distance, ils touchent leur proximité.

    Muskull mon ami, je suis tres contente d’avoir de tes nouvelles, même si il n’y a pas de distance entre le coeur et le coeur. 😉

  7. La Rose et le Réséda

    Celui qui croyait au ciel
    Celui qui n’y croyait pas
    Tous deux adoraient la belle
    Prisonnière des soldats
    Lequel montait à l’échelle
    Et lequel guettait en bas
    Celui qui croyait au ciel
    Celui qui n’y croyait pas
    Qu’importe comment s’appelle
    Cette clarté sur leur pas
    Que l’un fut de la chapelle
    Et l’autre s’y dérobât
    Celui qui croyait au ciel
    Celui qui n’y croyait pas
    Tous les deux étaient fidèles
    Des lèvres du coeur des bras
    Et tous les deux disaient qu’elle
    Vive et qui vivra verra
    Celui qui croyait au ciel
    Celui qui n’y croyait pas
    Quand les blés sont sous la grêle
    Fou qui fait le délicat
    Fou qui songe à ses querelles
    Au coeur du commun combat
    Celui qui croyait au ciel
    Celui qui n’y croyait pas
    Du haut de la citadelle
    La sentinelle tira
    Par deux fois et l’un chancelle
    L’autre tombe qui mourra
    Celui qui croyait au ciel
    Celui qui n’y croyait pas
    Ils sont en prison Lequel
    A le plus triste grabat
    Lequel plus que l’autre gèle
    Lequel préfère les rats
    Celui qui croyait au ciel
    Celui qui n’y croyait pas
    Un rebelle est un rebelle
    Deux sanglots font un seul glas
    Et quand vient l’aube cruelle
    Passent de vie à trépas
    Celui qui croyait au ciel
    Celui qui n’y croyait pas
    Répétant le nom de celle
    Qu’aucun des deux ne trompa
    Et leur sang rouge ruisselle
    Même couleur même éclat
    Celui qui croyait au ciel
    Celui qui n’y croyait pas
    Il coule il coule il se mêle
    À la terre qu’il aima
    Pour qu’à la saison nouvelle
    Mûrisse un raisin muscat
    Celui qui croyait au ciel
    Celui qui n’y croyait pas
    L’un court et l’autre a des ailes
    De Bretagne ou du Jura
    Et framboise ou mirabelle
    Le grillon rechantera
    Dites flûte ou violoncelle
    Le double amour qui brûla
    L’alouette et l’hirondelle
    La rose et le réséda

    Louis Aragon

  8. RENCONTRE

    Quand tu viens, les méandres du temps s’alignent rectilignes,
    De cet impact détruisant le sommeil il n’est de centre que nous-mêmes,
    La conscience éperdue de n’avoir plus de murs enceignant sa maison
    S’éparpille soudain comme nichée malhabile sous le cri du faucon…

    Quand tu viens, le rêve subjugué s’emballe, folle cavale ivre de vent,
    Malgré l’effroi montant, brouillard nocturne, des abîmes côtoyés…
    Mais ce don est aussi une main ferme, elle ouvre les chemins
    Chatoyants de l’instant. Quite après, ébloui par toutes ces
    Trajectoires merveilles à perdre tes signes de vue, un instant…

    Quand tu viens, tout est à reconquérir, notre lecture est usée,
    Du nouveau territoire il n’est d’obscurité que celle que nous portons,
    Certitudes anciennes, instruments dérisoires, elles ne savent plus
    Qui du pôle est guidé…
    La peur de s’égarer, aiguillon tyrannique, pousse vers l’action
    Quand l’abandon doit être…

    Si le guide à notre folie a su éviter l’errance maladive,
    Il saura aussi préserver le jardin,
    Là-bas
    Après l’opacité immatérielle de la brume.

    S’il a été des lieux vus,
    Si des pas ont dansé sur les chemins du rêve,
    Il n’est que de garder précieuse la vision,
    La prudence raffermit les agrès salvateurs…

    Mais le rêve reste rêve s’il n’est répétition du cœur
    De la parole qui ouvre…

    ‘Levant d’Île’, t.

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