Hommage au jardinier

Le « vrai » jardinier se reconnaît à son humilité et sa patience.

Avec persévérance et infinie tendresse, il retourne la terre, creuse, plante, veille et surveille afin de subvenir aux besoins des multiples espèces qui lui ont été confiées. Car les plantes sont comme des hommes, elles sont hautement imprévisibles et obstinées… Il faut au jardinier d’innombrables essais, sur des terrains variés, sous des expositions diverses, pour faire apparaître enfin le petit bourgeon qui annonce une possible fleur, porteuse de parfums et des fruits. L’espérance du fruit n’étant pas le fruit, le jardinier avisé sait qu’à la moindre « contrariété », le petit bourgeon tourne le dos de sa tige à la lumière et qu’il faut alors à la lumière des « rondes de douceur » pour atteindre la tige contrariée par ce qu’elle juge tantôt comme une trop grande, tantôt comme une trop faible exposition lumineuse.

Et que dire des racines nues que le jardinier a enfouies au plus profond de la terre, et qui, se croyant abandonnées, négligées, mises à l’écart, loin de la lumière et des regards, voire méprisées par l' »insensible » jardinier, n’ont de cesse de le harceler de plaintes culpabilisantes et quelquefois haineuses ! Quelques espèces aiment aussi la compagnie exclusive d’autres espèces qui les mettent en valeur, et s’insurgent contre le jardinier qui leur explique qu’en dépit de leur beauté et de leur luxuriance, celles-ci sont parfois de « mauvaises » herbes qui étouffent d’autres plantes qui pourraient pourtant offrir un remède ou une nourriture précieuse, et dont les gens et le jardin dans son ensemble ont besoin. Le vrai jardinier sait reconnaître la nécessité de la diversité des plantes de « son » jardin. Il sait qu’un jardin véritable doit comporter aussi bien des plantes esthétiques, nutritives, médicinales… Mais faire comprendre cela aux plantes, cela peut prendre une presque éternité !

Et voilà pourquoi le vrai jardinier se reconnaît à sa patience et son humilité !

Persévérant il arrose, repique, récolte les graines, plante et replante. Et comme il en va toujours avec les hommes et les plantes, un jour le jardinier meurt lui aussi. Chaque jardinier ne dure que le temps d’une rose, mais c’est grâce à chaque un d’eux, et au bénéfice de l’humanité toute entière, que les vrais jardins existent et que génération après génération, nous pouvons contempler ce qu’un jardin est véritablement !

t.

Photo : Jardin de l’Alhambra

7 réflexions sur “Hommage au jardinier

  1. À nouveau, je suis très touchée par ce texte poético-jardinier. J’ai le sentiment profond que si l’on comprenait réellement ce qui est dit, tout serait possible, cela paraît si simple ! En ce sens, il est essentiel de percevoir cet écosystème intime, de connaître la subtilité de ses principes, les accepter profondément de la racine, jusqu’à la feuille, de la graine, jusqu’à la fleur. La beauté végétale est l’une des plus belles en ce monde, elle est éphémère, enchanteresse, lumineuse. Elle manifeste le Vert, ce qui nourrit. Un appel à se cultiver et cultiver ce qui nous entoure 🙂

  2. Belle âme-fleur,

    De temps en temps, disent les jardiniers, il émerge dans un jardin béni un arbre dont les racines contiennent une nourriture savoureuse, dont la sève étanche toute soif, dont les feuilles guérissent toute maladie, dont les fleurs exhalent un parfum d’immortalité et les fruits prennent les saveurs du désir de notre coeur. Il est dit que les graines de cet arbre sont immortelles.

    En passant… une seule certitude à ce sujet : de mémoire de jardinier, on n’a jamais vu mourir un tel arbre béni !

    Certains affirment même que le jardin du paradis en est uniquement composé…

    En te remerciant de toi,
    t.

  3. Et aussi….

    « L’existence humaine ressemble à ce « jardin imparfait » dont parle Montaigne: ni entièrement déterminée par les forces qui la produisent, ni infiniment malléable par la volonté des puissants. Elle est ce lieu où nous apprenons à fabriquer de l’éternel avec du fugitif. »
    Tzvetan Todorov (LE JARDIN IMPARFAIT)

  4. Merci de nous convier avec tendresse dans notre propre jardin et de nous en dire la sève. Je le prends comme un poème pratique pour se rappeler à soi-même comment très concrètement nous sommes faits et comment nous pouvons grandir, en suivant les règles de l’horticulture, en répondant à l’appel de la lumière, mais surtout avec la bienveillance des veilleurs. Béni soit le jardinier, sa patience de tous les instants, son infrangible foi dans le devenir des graines humaines, sa vraie écoute, son attention, bref pour sa capacité d’aimer les jardins du monde.
    En reconnaissance…

  5. Un humble salut à l’amateur de jardin. la terre entière devrait être un jardin si la sagesse était de ce monde!

  6. Aimons, découvrons notre jardin intérieur, notre jardin des trésors flamboyants,
    Pour faire éclore les instants de lumière, pour mon plus grand étonnement !
    Sans le jardinier, un triste jardin !
    En effet « Beni soit le Jardinier »

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