Les jaillissements de Lumière

Hommage à la Douzième porte

Ô formes d’éternité, me voici.

Je suis une parcelle des parcelles de la Grande Âme Incandescente, une parcelle des parcelles de la Divinité.

Je suis l’éternel Amant de la Divine Amie.

Avant toute création, Elle existait. Avant toute forme, Elle existait.

Quand il n’y avait rien, Elle était. Quand le Rien n’était pas nommé, Elle était.

Quand le Chaos était roi, Elle était. Quand le Chaos devint l’Ordre, Elle était.

Quand les Destin n’était pas, Elle était. Quand le Destin montra sa face, Elle était.

Quand on ne l’a pas trouvée, Elle est. Quand on ne la voit pas, Elle est.

Elle n’est pas à droite. Elle n’est pas à gauche. Elle n’est pas dessus. Elle n’est pas dessous. Elle est dedans,
ELLE EST DEDANS,
ELLE EST DEDANS.

Condensée dans les éthers, Elle est lumière.

Condensée dans la matière, Elle est chaleur.

Condensée dans les corps, Elle est mouvement.

Condensée dans les cieux, Elle est nuage.

Condensée dans la terre, Elle est feu, Elle est glace, Elle est source vive.

Condensée dans la graine, Elle est l’arbre.

Condensée dans le germe, Elle est moi-même, je suis Elle et Elle est moi.

Donc, salut à la Parcelle des Parcelles de la Grande Dame Incadescente, par-delà la façade de l’Infini, salut l’âme pure dans `sa’ recherche du Divin Dessous, salut à l’éternel Amant de la Divine Amie.

Donc, salut au possesseur des clefs du Mystère, au maître des philtres et des talismans, à cet Enchanteur de vérité sur les chemins de vérité.

Donc, salut à ce roi d’un empire intérieur, assis sur les rives du rêve et de l’enchantement, au fond de la retraite où brûle l’esprit immortel.

Donc, salut à ce prince du sentiment qui possède dans sa poitrine le briquet du génie, et le clou de l’équilibre fixé dans son coeur.

Donc, salut à ce ressuscité dans les veines duquel habite la vérité à la manière des parfums, et dont le coeur est un magasin d’aromates des Échelles de l’Encens.

Donc, salut par millions de saluts à la Forme resurgie divine, salut à ce dieu renouvelé qui s’est rencontré avec l’ipséité de l’Unique, qui s’est fondu dans les Formes Divines.

Passe, tu es pur.

Désormais, plus de surprise, plus de surprise, plus de décomposition, plus de ténèbres.

Désormais, rien que vérité, rien que vigueur, rien que vie, santé, force.

Désormais rien que félicité paix, béatitude.

Excellent, excellent.

Passe, tu es pur.

 
 
in Le Livre de La Vérité de Parole
J.C. Mardrus
Transcription des Textes Egyptiens Antiques
Troisième jour de Juin MCMXXIV.

Photo : Ricardo Lopes

Ce que m’a dit la Rose

Hommage au saisissement

notredamerosace.jpg

L’événement supérieur est l’événement poétique, car la parole poétique, n’appartenant pas à la pensée mais à l’Être, est le lieu où les deux océans se rencontrent, où la pensée s’unifie. Le poète est celui qui non seulement sait parler aux arbres, aux étoiles et aux ruisseaux, mais qui s’est trouvé en se perdant, s’est saisi en s’abandonnant à l’inconnaissable ! Un ami a dit qu’il s’agissait de rentrer, de passer par l’intérieur et en passant par l’intérieur se retrouver au dehors. De quel « dehors » parle-t-il, puisque toute Vie est intérieure ?

S’agirait-il de cette perception supra-sensible où la conscience de soi assimilée se perçoit se reflétant, et non plus comme objet extérieur à soi ? S’agirait-il de cette Contemplation de son propre état intérieur, de son âme, si chère à Rilke, où l’être est à la fois celui qui perçoit et cela qui est perçu, non plus savoir, connaissance, idée, mais à la fois regardant et regardé, regard ? S’agirait-il de cette perception harmonique où la Rose n’est perçue seulement comme une idée, puisqu’elle me regarde la regardant et que son regard et mon regard ne font plus qu’un ?

En d’autres termes, puisque la rose qui est dans la rose et cela qui regarde la rose ne font plus qu’un, il s’établirait là la perception harmonique des rapports musicaux, où, comme dit Corbin, la perception progressant d’une octave à l’octave supérieure se révélerait comme une seule et même perception, une seule et même mélodie, mais qualitativement différente et pluridimensionnelle. La Rose m’a dit : c’est Cela même et :

Seule la perception musicale est en mesure de réaliser cette communion ! Seule la Parole poétique peut suggérer cet état de corporéité spirituelle, et c’est cela La Poésie ! Lieu où l’esprit et le corps ne font qu’un.
Et puis, la Rose m’a dit aussi…

Hommage au Vide !


Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours été amoureuse du vide, de la plénitude du vide. Il faut dire que j’ai été élevée dans les grands espaces où le ciel et la terre se confondent dans une étreinte si intime que l’on ne peut jamais distinguer l’un de l’autre. D’ailleurs, l’un est l’autre, mais ceci est une autre histoire…
Ah! L’ivresse de ces espaces habités par la seule lumière et du vent qui danse sur les plaines fleuries, sur la terre rougissante d’allégresse. Et puis, cette soudaine présence jaillit de nulle part qui discrètement murmure au-dedans du rien, des chants qui font poindre les sources d’eau vive. Des chants qui font chanter les pierres et rendre aimants les animaux sauvages. Chant qui nous permet de disparaître dans le paysage et de devenir nuage, oiseau, pluie, lumière… Aujourd’hui, je ne sais dire qui au juste souhaite rendre hommage au vide. Lui qui contient tout et n’est contenu par rien, lui le Sans Forme qui permet néanmoins le processus d’intériorisation et de transformation par lequel tout chose et tout être réalise son même et son autre, et par là atteint la totalité, la plénitude du Rien justement ! Suprême délicatesse lui l’Évident à l’Etendue Illimitée. Il se déplace tout en restant sur place et ainsi Il Est là comme s’Il n’était que métaphore, comme s’Il n’était que par façon de parler…

Infinie gratitude à cet Humble Rien, Inclinaison amoureuse au Vide, d’où jaillit la Lumière qui est la Vie, qui Est…

Regardant sans voir, on l’appelle Invisible; Ecoutant sans entendre, on l’appelle Inaudible; palpant sans atteindre on l’appelle Imperceptible; voilà trois choses inexplicables qui confondues font l’unité. Son haut n’est pas lumineux, son bas n’est pas ténébreux. Cela serpent indéfiniment indistinctement jusqu’au retour au Non-Chose. On le qualifie de Forme de ce qui n’a pas de forme et d’Image de ce qui n’a pas d’image …
Lao-tzu

Chevaucher le vent

Après avoir reçu les instructions de son maître, Lie-tseu était retourné chez lui  » en montant sur le vent « . Un disciple vint le trouver mais il attendit plusieurs mois, sans que Lie-tseu lui adresse la parole. Il partit donc, mais revint quelques temps plus tard. Lie-tseu lui dit :  » Au début, je t’avais cru intelligent, maintenant je vois à quel point tu es stupide ! Assieds-toi, je vais t’apprendre ce que j’ai appris de mon maître. Trois ans après que je me fus mis à son service, mon esprit n’osait plus distinguer le vrai du faux, ma bouche n’osait parler de l’utile et du nuisible; pour la première fois, j’obtins de mon maître un regard. Au bout de cinq ans, je réfléchis de nouveau sur le vrai et le faux et ma bouche put reparler de l’utile et du nuisible; alors, pour la première fois, le visage de mon maître s’éclaira et il sourit. Au bout de sept ans, je pus libérer mes pensées des notions de vrai et de faux, je pus libérer ma parole, elle ne concernait plus l’utile et le nuisible. Alors, mon maître m’invita à m’asseoir auprès de lui sur sa natte. Au bout de neuf ans, l’extérieur et l’intérieur était confondus, mes yeux furent comme mes oreilles, mes oreilles comme mon nez, mon nez comme ma bouche, tous mes sens étaient identiques. J’eus le sentiment que mon esprit se figeait, que mon corps se désagrégeait, que mes os et ma chair se dissolvaient… et finalement je ne savais si je portais le vent ou si le vent me portait. »

Rentre en toi

au lieu où il n’y a rien

et prends garde que rien n’y vienne !

Pénètre au-dedans de toi

jusqu’au lieu où nul penser n’est plus

et prends garde que nul penser ne s’y lève !


Là où rien n’est,

le Plein !

Là où rien n’est vu,

Vision de l’Etre !

Là où rien n’apparaît plus,

apparition du Soi

Cela même qui n’a pas de forme!


Pensée Zen Soufi

Note Bene:
Je voudrais dire ici ma gratitude à Lao Tzu, Shih-t’ao… Et à la civilisation orientale (dans le sens corbinien du terme) qui m’ont appris avec patience et bienveillance, non pas à chercher à combler le vide, mais à atteindre un état de vacuité qui permet de se relier avec notre intime, notre Être intérieur, à cet essentiel qui communique avec le meilleur de nous-mêmes,

Qu’il vienne, qu’il vienne, le temps où l’on s’éprenne du Vide… Amen !
photo : bruce@TaosPhotoGallery.com

Son nom est Personne !

Que nous dit Fernando Pessoa ?

Que le poète vole à corps perdu à travers son néant, se meut extralucidement à l’intérieur de lui-même jusqu’à ce que, sortant de son moi, il atteigne la vacuité créatrice, vide anonyme d’où jaillit la poèsie.

Je ne suis rien Jamais je ne serai rien.
Je ne puis vouloir être rien.
Cela dit, je porte en moi tous les rêves du monde.

Que nous dit Fernando Pessoa ? Ce que personne ne nous dit.

« Enfant, j’avais déjà tendance à créer autour de moi un monde fictif, à m’entourer d’amis et de connaissances qui n’avaient jamais existé – (je ne sais pas bien entendu s’ils n’ont pas existé ou si c’est moi qui n’existe pas »)

Il nous dit qu’il y a une fêlure en lui, et si on ne comprend pas ce que fêlure veut dire il faut passer … Passe, oiseau passe …
Il nous dit la simplicité de ce qui est ; les choses sont les choses, qui sont les choses. Il nous dit que c’est avec une simplicité comparable qu’on a la chance d’accéder à la simplicité première. » Il nous dit que « comme l’essence de la pensée n’est pas d’être dite, mais d’être pensée,/Ainsi l’essence de la réalité c’est d’exister, et non d’être pensée,/Ainsi tout ce qui existe, tout bonnement existe.
[…] « tout sentir de toutes les manières, et n’être à la fin rien d’autre que l’intelligence de tout – quand l’homme s’élève à un tel sommet, il est libre comme sur tous les sommets, seul comme sur tous les sommets, uni au ciel, auquel il n’est jamais uni, comme sur tous les sommets. »

Passe, oiseau passe, et enseigne-moi à passer…

FERNANDO PESSOA (Personne, en français, et c’est son vrai nom !)
Et il pratiqua toute sa vie l’effacement de soi…

Extraits:

Le Gardeur de troupeaux

Rien ne m’attache à rien.
J’ai envie de cinquante choses en même temps.
Avec une angoisse de faim chamelle
j’aspire à un je ne sais quoi –
de façon bien définie à l’indéfini…
Je dors inquiet, je vis dans l’état de rêve anxieux
du dormeur inquiet, qui rêve à demi.

On a fermé sur moi toutes les portes abstraites et nécessaires,
on a tiré les rideaux de toutes les hypothèses que j’aurais pu voir dans la rue,
il n’y a pas, dans celle que j’ai trouvée, le numéro qu’on m’avait indiqué.

Je me suis éveillé à la même vie pour laquelle je m’étais endormi.
Il n’est jusqu’aux armées que j’avais vues en songe qui n’aient été mises en déroute.
Il n’est jusqu’à mes songes qui ne se soient sentis faux dans l’instant où ils étaient rêvés.
Il n’est jusqu’à la vie de mes voeux – même cette vie-là – dont je ne sois saturé.
Je comprends par à-coups ; j’écris dans les entre-deux de la lassitude,
et c’est le spleen du spleen qui me rejette sur la grève.
Je ne sais quel avenir ou quel destin relève de mon angoisse sans gouvernail ;
je ne sais quelles îles de l’impossible Sud attendent mon naufrage,
ou quelles palmeraies de littérature me donneront au moins un vers.

Non, je ne sais rien de cela, ni d’autre chose, ni de rien…
et, au fond de mon esprit, où rêve ce que j’ai rêvé,
dans les champs ultimes de l’âme, où sans cause je me remémore
(et le passé est un brouillard naturel de larmes fausses),
par les chemins et les pistes des forêts lointaines
où je me suis imaginé présent,
s’enfuient taillées en pièces, derniers vestiges
de l’illusion finale, mes armées de songe, défaites sans avoir été,
mes cohortes incréées, en Dieu démantelées.

Je te revois encore,
ville de mon enfance épouvantablement perdue,
ville triste et joyeuse, où je rêve une fois encore…
Moi ? mais suis-je le même que celui qui vécut ici, avant d’y retourner,
d’y retourner, d’y revenir,
d’y revenir, et d’encore y retourner ?
Ou bien sommes-nous tous les Moi que je fus ici ou qui furent
une série de comptes-êtres liés par un fil-mémoire,
une série de rêves faits par moi de quelqu’un à moi extérieur ?
Je te revois encore
d’un coeur plus lointain et d’une âme moins à moi.

Je te revois encore – Lisbonne et Tage -,
avec le reste passant inane de toi et de moi-même,
étranger ici comme partout,
accidentel dans ma vie comme dans mon âme,
phantasme errant à travers des chambres de souvenirs,
au bruit des rats et des planches qui grincent
dans le château maudit de la vie qu’il faut vivre…

Je te revois encore,
ombre qui passe à travers des ombres, et qui brille
un instant d’une lumière funèbre et inconnue,
et qui entre dans la nuit ainsi que se perd le sillage d’un navire
dans l’eau que l’on cesse d’entendre…

Je te revois encore, mais moi, hélas, je ne me revois pas !
Il s’est brisé, le miroir magique où je me revoyais identique,
et en chaque fragment fatidique je ne vois qu’une parcelle de moi.
une parcelle de toi et de moi !…

Le gardeur de troupeaux

Jamais je n’ai gardé de troupeaux
mais c’est tout comme si j’en gardais
Mon âme est semblable à un pasteur,
elle connaît le vent et le soleil
et elle va la main dans la main avec les Saisons
suivant sa route et l’œil ouvert
Toute la paix d’une nature dépeuplée
auprès de moi vient s’asseoir
Mais je suis triste ainsi qu’un coucher de soleil
est triste selon notre imagination
quand le temps fraîchit au fond de la plaine
et que l’on sent la nuit entrer
comme un papillon par la fenêtre

Mais ma tristesse est apaisement
parce qu’elle est naturelle et juste
et c’est ce qu’il doit y avoir dans l’âme
lorsqu’elle pense qu’elle existe
et que des mains cueillent des fleurs à son insu

D’un simple bruit de sonnailles
par-delà le tournant du chemin
mes pensées tiennent leur contentement.
Mon seul regret est de les savoir contentes,
car si je ne le savais pas
au lieu d’être contentes et tristes,
elles seraient joyeuses et contentes

Penser dérange comme de marcher sous la pluie
lorsque s’enfle le vent et qu’il semble pleuvoir plus fort

Je n’ai ni ambition ni désirs.
Être poète n’est pas une ambition que j’ai,
c’est ma manière à moi d’être seul.

Et s’il m’advient parfois de désirer
par imagination pure, être un petit agneau
(ou encore le troupeau tout entier
pour m’éparpiller sur toute la pente
et me sentir mille choses heureuses à la fois)
c’est uniquement parce que j’éprouve ce que j’écris au
coucher du soleil,
ou lorsqu’un nuage passe la main par-dessus la lumière
et que l’herbe est parcourue des ondes du silence.

Lorsque je m’assieds pour écrire des vers,
ou bien, me promenant par les chemins et les sentiers,
lorsque j’écris des vers sur un papier immatériel,
je me sens une houlette à la main
et je vois ma propre silhouette
à la crête d’une colline,
regardant mon troupeau et voyant mes idées,
ou regardant mes idées et voyant mon troupeau
et souriant vaguement comme qui ne comprend ce qu’on dit
et veut faire mine de comprendre.

Je salue tous ceux qui d’aventure me liront,
leur tirant un grand coup de chapeau
lorsqu’ils me voient au seuil de ma maison
dès que la diligence apparaît à la crête de la colline
Je les salue et je leur souhaite du soleil,
et de la pluie, quand c’est de la pluie qu’il leur faut,
et que leurs maisons possèdent
auprès d’une fenêtre ouverte
un siège de prédilection
où ils puissent s’asseoir, lisant mes vers.
Et qu’en lisant mes vers, ils pensent
que je suis une chose naturelle-
par exemple, le vieil arbre
à l’ombre duquel, encore enfants
ils se laissaient choir, las de jouer,
en essuyant la sueur de leur front brûlant
avec la manche de leur tablier à rayures.

(extrait de Le Gardeur de troupeaux d’ Alberto Caeiro)
Èditions Unes, 1986, traduit du Portugais par Rémy Hourcade et Jean-Louis Giovannoni.

Célébrer la poésie, c’est célébrer Rimbaud !

Jean-Nicolas-Arthur Rimbaud
Charleville, 20 octobre 1854 – Marseille, 10 novembre 1891

« La vraie vie est absente », fait-il dire à l’une des deux voix du dialogue entre la « Vierge folle » et l’« Époux infernal », dans Une saison en enfer.
Je pense que ce qu’il veut dire, c’est que « La vrai vie n’est absente » que dans l’esprit de l’homme normalisé, où l’humanité se fond et se confond avec la raison, l’utilité, l’intérêt, l’ordre établi… Bref, sur tout ce que l’on voudra, jamais sur la poésie !
Mais l’homme « normal » et « raisonnable » a-t-il raison ?
Et si l’essence de l’homme n’était que poésie, de sorte que la vraie vie ne se manifesterait qu’en présence de la poésie, dans la Présence poétique ?
Cela voudrait dire que celui qui croît pouvoir se passer de la poésie passe tout simplement à côté de la Vraie Vie !
Et cette Vraie Vie, où se trouve-t-elle sinon dans la plongée au-delà des apparences, au-delà des certitudes sécurisantes, au-delà de l’ordre établi ? Dans l’insolente insouciance rimbaldienne, justement !
Folie, chaos ? Non ! Simplement un face à face avec la Liberté, là où, devenant consciente d’elle-même, la conscience naît à la Vraie Vie.

Et des lors, on se retrouve…

[…] baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d’astres, et lactescent

[…]

Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants : je sais le soir,
L’Aube exaltée ainsi qu’un peuple de colombes,
Et j’ai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir…

Cru voir quoi ?
Le sentiment d’éternité que procure le spectacle de « la mer / allée avec le soleil »…

Sensation

Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :
Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.

Je ne parlerai pas, je ne penserai rien,
Mais l’amour infini me montera dans l’âme ;
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, heureux- comme avec une femme.

Arthur Rimbaud

__________________________