Arrivé au sommet de la montagne, ne t’arrête pas !

   

Avant
les montagnes sont des montagnes et les rivières des rivières

Pendant
les montagnes ne sont plus vraiment des montagnes et les rivières ne sont plus vraiment des rivières

Après
les montagnes sont à nouveau des montagnes et les rivières à nouveau des rivières…

Dénuement du verbe

Infinité de fréquences harmoniques

Vacuité des sens

Perplexité

Le Vrai, le Réel ne peut être dit

Indicible imminence, Sensation, Vide…

Beauté parfaite

Bonté

Présence
 
  
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Photo : Mont Huangshan ynwa2005, creative commons

Sonate d’automne pianissima

 
Deviens tel un enfant,
rends-toi sourd et aveugle!
Tout ton être
doit devenir rien,
dépasse tout être et tout néant!
Laisse le lieu, laisse le temps,
et les images également!
Si tu vas par aucune voie
sur le sentier étroit,
tu parviendras jusqu’à l’empreinte du désert.*

Paraître et disparaître

Ceux qui chevauchent le vent sont si imprévisibles, si libres, si difficiles à comprendre dans leur démarche, qu’ils ont été de tout temps persécutés, crucifiés, parce que leur être singulier, dérangeant, intempestif, était envié, détesté, haï. Au fil du temps, ils sont devenus insupportables. On s’estimait bafoué, agressé par leur naturel, leur aisance et leur « désinvolture ». Leur si grand éclat paraissait obscurcir tout le reste, et « l’amour à l’envers » qu’ils inspiraient s’est métamorphosé en passion inquisitoriale.

Et dès lors, la Sainte Inquisition à tué tous ceux qui n’étaient pas conformes à sa norme. La Sainte Inquisition ayant, par persuasion offensive, imposé son imprimatur sur toute forme, « ceux qui chevauchent le vent » ont, d’un commun accord, renoncé à toute forme, formulation, formalisme…

N’ayant pas de forme, ils ne peuvent pas être perçus
N’ayant pas de formulation spécifique, ils ne peuvent pas être reconnus
Ne cherchant pas la reconnaissance, ils restent invisibles

Voilà pourquoi ceux qui chevauchent le vent semblent avoir disparus !

 

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*Maître Eckhart 

  

Tchaikovsky – October: Autumn Song – Victor Goldberg

Qui donc, si je criais, m’entendrait…

Au dedans du dedans, quelque chose ou quelqu’un me fait signe et m’appelle.

S’arquer doucement vers l’intérieur, se résoudre à se taire,
Entendre l’appel.
Entendre l’Appel, c’est y repondre : Me Voici !

La question de l’écoute est résolue enfin, la question pure a fait place à la pure réponse et l’infinie inquiétude a fait place à la simplissime certitude.

Ce qu’elle a cru perdu, n’était que transfiguré, transcendé.
Incarné.

Mais quelle est cette réalité que l’on nomme transcendance ?
Stupéfaction radicale : c’est dans l’étonnement que la transcendance s’éveille.

L’émerveillement allume l’esprit, qui sans cela reste éteint.
Ô Merveille ! « O merveille, un jardin parmi les flammes ! »
Ebahissement : le Vrai, le Réel, n’est pas voilé ; les yeux, les sens, oui !
La lumière n’est pas une chose extérieure, qui brille au loin, au dehors.
Pour devenir comme des enfants, il faut traverser la lumière.
Pour traverser la lumière, consentir à être transpercé par la lumière, quitter nos certitudes, s’allonger, s’alléger pour devenir envol.

Et puis…
Se jeter dans le vide, constater par soi-même, en soi-même, que dans le vide rien ne tombe, mais que tout, absolument tout, ondoie, vole, voltige, danse !
Plénitude du vide.
Voler comme volent les oiseaux, sentir et ressentir le mouvement qui fait s’ouvrir les fleurs des champs, chanter le ruisseau, apparaître les montagnes, la mer, la Terre, l’Homme.

L’émerveillement du commencement de tout, retour chez soi.
Va, Leckh lekha, vers toi-même !
Oui !
Dans le silence de l’émerveillement, les formes apparentes dévoilent « le pont vers le réel », et ainsi, comme si de rien n’était, comme si tout n’était que métaphore, nous passons du dehors au dedans puis du dedans au transcendent.
Lumière de joie, lumière de gloire.
Lumière, me voici !
 
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Extrait de « Nijinsky, clown de Dios » by Bejart, music by Hugues le Bars, performed by Jorge Donn, 1990

Vagabondage à corps perdu

Voyage en Italie

Portrait en Toscane (Toscana, Toscany)

L’esprit réclame de l’unité, une connaissance immédiate qui fasse naître l’unité. Il désire faire autre chose que les petitesses de toutes sortes qui l’oppressent sans répit, de tous les côtés, jour après jour. L’esprit désire l’ouvert, l’illimité, la transparence. Le voilà prisonnier de la pesanteur des faux semblants, des idéologies des bien-pensants, de la médiocrité érigée en modèle, d’une pensée linéaire, d’un monde où l’étroitesse et la platitude débouchent sur une impasse où seule la mort est délivrance.

Et l’Esprit prisonnier dans l’homme devient comme un ivrogne (sur)vivant dans un brouillard continuel, sans rien voir, ni entendre, ni sentir, ni ressentir. Somnambule, amnésique, désenchanté de tout. Et tellement las ! Désorienté, il ne cherche plus à aller au-delà des possibilités de sa propre nature.

L’humain ne rêve plus de l’Humain : l’homme se rêve D.ieu. Mais comme il a « tué » D.ieu, il n’a pas d’autre modèle que ses puissantes machines dépourvues d’âme.

Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, l’homme refuse et réfute la transcendance !

Et puisque la transcendance est le propre de la Vie en Elle-même, l’homme, tel que nous connaissons, se meurt…

Il est urgent et vital de re-sacraliser le monde et de restituer à la vie sa transcendance originelle. Plus réel que le monde dit réel, le monde de la Poésie est notre dernière chance de salut. Ultime ressource, ultime porte vers l’Être, le Vrai ! Il nous faut retrouver cette porte pour permettre à la Vie de continuer à jaillir, car c’est par elle que passe l’axe vertical de la transcendance, dont le « monde du dehors » est totalement dépourvu.

Ah ! Se désencombrer en simplifiant l’esprit, quitter le discours pour retrouver la parole d’avant la parole, le souffle, l’inspiration. Consentir à être comme une lame qui s’affûte jusqu’à n’être plus rien… Effacer, s’effacer dans l’infiniment vide… juste-là !

Percevoir la Terre, les Hommes et les choses de la Terre, non plus comme des Hommes et des choses, mais comme des Présences.

Percevoir le sacré, non plus comme théologie, mais comme poésie, et la Vie, la vraie, comme l’expérience poétique optimale de la conscience éveillée à elle-même, au sein de sa propre création.

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Toscana, Toscane, Toscany

© @natachaqs et @sachaqs

Alpilles : l’élégance intérieure

Champ d'oliviers dans les Alpilles

Partition Provençale

Ici, c’est la petite enfance des Alpes.
La chaîne minérale, comme bercée par la lumière, s’élance doucement vers l’espace.

J’imagine qu’il fallait un appel si formidable qu’une oreille humaine saurait à peine le soutenir, pour amener les humbles Alpilles à croître vers le ciel, et devenir les Alpes majestueuses !

Avec ses crescendos vertigineux, la voix du mistral porte, souffle, insuffle vaillamment cet appel d’en haut.

En s’élançant amoureusement vers l’azur, la masse minérale a accouché de cette Vallée des Merveilles, une vallée de haute montagne à fleur de terre…

Paysage poétique aux lignes épurées, à la terre infiniment travaillée par le vent solaire. Des lignes et des reliefs dans lesquels ne demeure que l’essentielle beauté ! La simplicité majestueuse des oliviers, des cyprès qui s’inclinent élégamment, en discrète révérence à cette terre qui les accueille, qui nous accueille et nous dévoile l’essentiel, le vrai, le réel !

Portés par la lumière, nous découvrons que la vallée entière est avant tout musicale, composée de nuances de verts qui, progressivement, harmoniquement, changent d’intensité et donnent à voir cette œuvre en paysage.

Du mariage du crescendo vertigineux du vent et de l’andante gracieux de la terre est née la lavande. Elle a en elle la fugue hautaine du « père », et l’infinie et si douce humilité de « la mère ». S’ensuit toute une famille provençale de troubadours terriens, comme le thym, le romarin, arrimés fermement à la bienveillante garrigue, qui, allegro ma non troppo, les reçoit en elle.

Terre de Provence ! Terre céleste ! Sensation ineffable de suspension du temps…

« Je » s’absorbe dans le vide de façon imperceptible, et ne voyant pas venir la nuit, n’allume pas ses lumières. Et c’est ainsi que se révèle à ses sens transcendés, non pas le passage du jour à la nuit, mais la graduation harmonique de la lumière en elle-même.

Soleil de minuit, déploiement de la fondamentale, affirmation de l’affirmation, pure paix, pure joie d’être là.

OUI !

Le Oui est un pur chant, chanté silencieusement. Et ce chant, chanté en silence, n’est rien d’autre que la Lumière.

Ici, la lumière monte vers la lumière.
Ici, la lumière descends sur sa lumière.
Ici, c’est…
Lumière sur lumière !

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P.S.: Fin des Démonstrations

Le vide, à sa plénitude, ne démontre plus rien, n’a plus à argumenter, car Il est l’argument ultime !
La lumière, à son zénith, ne démontre plus rien, n’a plus à argumenter, car Elle est l’argument ultime !
La poésie, à son sommet, ne démontre plus rien, n’a plus à argumenter, car Elle est l’argument ultime !
Le chant, à son apogée, ne démontre plus rien, n’a plus à argumenter, car Il est l’argument ultime !
La Joie, à son faîte, ne démontre plus rien, n’a plus à argumenter, car Elle est l’argument ultime !
La Paix, à son accomplissement, ne démontre plus rien, n’a plus à argumenter, car Elle est l’argument ultime !
OUI ! OUI !
Le Oui confirmé, c’est l’affirmation de l’affirmation, et l’affirmation de l’affirmation, c’est la Vie !

photo @natachaqs