Et toi Rilke, tu portes cela…

Tu portes tout cela et avec quelle beauté tu le portes.

Aujourd’hui, je célèbre Rainer-Maria Rilke, celui qui m’apprit du fin fond de ma solitude, l’inclinaison Amoureuse. Son souvenir est maintenant devenu pareil à cette brise qui rouvre comme une rose de Jérico, le cœur desséché des solitaires.

Cher Rilke, toi qui te cache si farouchement dans les villes nuages, sais que pour être visité, il nous faut faire de la place, toute la place à l’Ouvert. Se dépouiller jusqu’à la trans-apparence et se faire humus translucide, afin que puisse éclore en nous, la Lumière du Vide, source infinie d’Amour, de Paix et de tendresse.

Et ainsi, enveloppé de rien, accueilli dans les bras aimants du vent solaire, renaître brise légère qui console et fait sourire le cœur des Amoureux !

Et c’est parce qu’aujourd’hui, le désert s’est refleuri et que la source vibrante chante à nouveau que j’ai tenu à t’inviter ici même et dire avec tes mots à toi, l’éternelle beauté de Celui qui Est !

[…]

Qui donc serait à même de jamais instiller en toi
ce mélange qui secrètement nous trouble?
Tu possédes les splendeurs de toutes sortes,
et nous,nous sommes rompus à ce qu’il y a de plus mesquin.

Quand nous pleurons, nous ne sommes que touchants,
et quand nous regardons, nous sommes tout ou plus éveillés.
Notre sourire n’est guère séducteur,
et même quand il séduit, qui s’y attache?

N’importe qui. Ange, est-ce une plainte? Ais-je l’air
de me plaindre?
Mais que serait-elle donc, cette plainte mienne?
Non, non : je crie, je frappe deux morceaux de bois l’un contre l’autre,
Et je n’ai pas le sentiment d’être entendu.
J’ai beau faire du bruit; tu ne m’en entendras pas mieux:
ne me sentirais-tu pas rien que parce que je suis ?
Envoie, envoie ta lumière! Fais que les étoiles me considèrent
D’avantage. Car je suis en train de me dissoudre

Rainer-Maria Rilke, extrait de Poème à la Nuit, aux Editions Verdier.

Photo de Natacha Quester-Séméon, plage de Trouville, Mémoire Vive.

La fontaine

Je ne veux qu’une seule leçon, c’est la tienne,
fontaine, qui en toi-même retombes, –
celle des eaux risquées auxquelles incombe
ce céleste retour vers la vie terrienne

Autant que ton multiple murmure
rien ne saurait me servir d’exemple;
toi, ô colonne légère du temple
qui se détruit par sa propre nature

Dans ta chute, combien se module
chaque jet d’eau qui termien sa danse.
Que je me sens l’élève, l’émule
de ton innombrable nuance !

Mais ce qui plus que ton chant vers toi me décide
c’est cet instant d’un silence en délire
lorsqu’à la nuit, à travers ton élan liquide
passe ton propre retour qu’un souffle retire

Rainer Maria Rilke- 1875 – 1926
Recueil Vergers

célébrer Henry Corbin – 1903 -1978

Tu es l’Ami que l’on ne renie pas !

Henry Corbin (1903-1978), orientaliste et philosophe, est l’un des
penseurs les plus éminents du XXème siècle. Disciple d’Etienne Gilson
et de Louis Massignon, à qui il succéda dans la chaire d’Etude de
l’Islam de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes de la Sorbonne, il fut
aussi l’un des piliers fondamentaux –avec C.G. Jung et M. Eliade, entre
autres- du cercle « Eranos » de 1949 à 1977, directeur du Département
d’Iranologie de l’Institut Franco-Iranien de Téhéran de 1946 à 1970,
professeur durant plus de trente ans à l’Université de Téhéran et
membre fondateur de l’Université Saint-Jean de Jérusalem.

Henry Corbin et son Ange

Puissions-nous être de ceux qui opéreront la réjuvenation du monde

Comment parler d’un Être d’une suprême générosité, qui à l’instar d’un autre qui a offert « son corps en nourriture », a tissé à travers sa vie un pont réunissant les deux rives et permettant ainsi aux exilés occidentaux de pouvoir retourner vers leur Orient des Lumières ?

Il est dit que la parole des Anges est musicale. Henri Corbin est devenu un Ange. Ne peut-on donc désormais s’adresser à lui qu’à travers le chant ? Si tel est le cas, et je le pense, la seule façon de le célébrer au présent est de faire chanter ses mots.

Seule la technique musicale, nous le savons, est en puissance à la fois de susciter et de résoudre les dissonances… Que le dernier mot appartienne donc ici à quiconque possède, comme le voulait Plotin, une âme d’amant, de philosophe et de musicien.

[…] Tu es l’Ami que l’on ne renie pas.

Dussent les temps se prolonger, dussent les années de ma vie se succéder, je n’en aurais sur toi que plus de certitude, pour toi que plus d’Amour, en toi que plus de confiance.

Inclinaison Amoureuse à l’ami de l’Ami !

Association des Amis de Henry et Stella Corbin
http://www.amiscorbin.com/index.htm

Henry Corbin, l’Envers d’un Siècle de Ténèbres
http://www.humains-associes.org/No8/HA.No8.Durand.html

Firenze

FraangelicoCélébrer
une ville est toujours une entreprise fort hasardeuse et difficile, et
combien plus encore lorsqu’il s’agit de Firenze ! La radicale
subjectivité d’une telle célébration en fait toujours, à quelques
exceptions prés, une ode solitaire et narcissique à soi même ! Avec une
témérité aussi impardonnable qu’inévitable, j’oserai dire, au risque de
tomber dans la banalité la moins poétique, que nul ne peut échapper à
célébrer Florence ! Et celle qui écrit ces lignes encore moins…
Pourquoi ? Parce que comme tant d’autres avant et après elle, elle a
trouvé en Florence l’autre moitié d’elle-même.

Il est
d’ailleurs assez curieux — car bien évidement tout cela n’était
prémédité –, et particulièrement heureux que la célébration de cette
Cité tout enveloppée de poésie, vienne ici juste après la célébration
de Rilke, qui l’a tellement aimée. N’écrivit-il pas que contrairement
à Venise où les palais comme des jolies femmes se reflètent
perpétuellement dans les miroirs des canaux (…) et qui sans doute
n’ont jamais éprouvé d’autre désir que d’être beaux, de faire étalage
de tous ces privilégies et d’en jouir […] à Florence il en va tout
autrement : Florence ne s’ouvre pas comme Venise à l’hôte de passage

Florence
est tout en intériorité, discrète, secrète et néanmoins rayonnante
d’intensité ! Seuls les fideli d’amore les plus éperdus parviennent
s’accorder à son chant lumineux.
Mais une fois gagnée sa confiance,
cette ville humaniste, ouverte à la sublime beauté, s’offre avec une
générosité inouïe à nos coeurs d’enfants émerveillés, telles violettes
après la pluie !!

NB: justement, je suis ce jour en partance
pour Firenze, afin d’y célébrer l’avènement de la nouvelle année. Je la
souhaite à tous à son image.
À bientôt, depuis elle…

Fra Angelico – couvent de Saint Marc de Michelozzo – Firenze

Canti de Laurent le Magnifique

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Canti de Laurent le Magnifique

Quant’e bella giovinezza
che si fuge tuttavia.
Chi vuol’ esser lieto, sia
di doman non c’è certezza

Qu’elle est belle la jeunesse
qui pourtant s’enfuit.
Qui veut être heureux, sache
qu’on n’est sûr du lendemain

 

Photo de Natacha Quester-Séméon Alpilles Sud/Toscana Française