C’était il y a trois mois ! Une éternité. Lorsque le ciel nous est tombé sur la tête…

C’était il y a trois mois ! Une éternité. Lorsque le ciel nous est tombé sur la tête…

« L’espérance est un risque à courir. C’est même le risque des risques. L’espérance n’est pas une complaisance envers soi-même. C’est la plus grande et difficile victoire qu’un homme puisse remporter sur son âme. »
— Georges Bernanos.

Lundi verra l’amorce du déconfinement de toutes les incertitudes.

Les conditions sont-elles réunies, les forces vives sont-elles disponibles pour aller vers ce qui nous unit, pour chercher une sortie à cette immense détresse dont nous sommes encore loin de voir la fin ? Un autre monde est-il possible, et si oui, comment y arriver ?

Il nous faudra une réelle humilité, celle qui consiste à appeler les choses et la situation par leur nom. Un grand effort personnel et collectif seront nécessaires dans tous les domaines, un travail intellectuel ouvert à tous les vents, une immense créativité, pour imaginer et actualiser un monde autrement.

Il nous faudra surmonter notre arrogance, notre suffisance, notre orgueil démiurgique, et avoir le courage, l’audace de dire : « JE NE SAIS PAS, mais ensemble, tous ensemble nous saurons ! »

À partir de lundi, nous rentrons dans une zone d’épais brouillard, où le chemin se dévoilera à mesure que nous marcherons. Nous devrons faire face à un inconnu changeant, qui exigera de nous une capacité d’adaptation immédiate. Ferons-nous face à un déconfinement progressif, évolutif, à des confinements à répétition, ou aux deux à la fois ?

Venant de partout à la fois et agissant tous en même temps, les contestataires allumeront-ils des foyers et des contrefeux simultanés et contradictoires, avec le non dialogue comme étendard ? Ou bien, face aux délabrements en chaîne (économique, social, psychologique…), la solidarité et l’union seront-elles les guides qui nous feront avancer et sortir de l’épais brouillard, vers la lumière ?

La réponse à ces questions dépendra en premier lieu de la prise en considération de tous. Vraiment tous. D’une écoute respectueuse de tous, par tous. De la coopération nationale et internationale, non seulement pour la survie des corps et des biens, mais pour que vive l’esprit des lumières et l’âme qui l’éclaire. Pour qu’ENFIN l’humanité soit en tous, et pour tous !

 

Illustration : Ernst Fuchs

Communauté humaine, communauté de destin

Communauté humaine, communauté de destin / humanité comme projet 2

« Il faut encore avoir du chaos en soi pour pouvoir enfanter une étoile qui danse. » Ainsi parlait Zarathoustra

Je fais le pari qu’un nouveau monde surgira de ce chaos absurde dans lequel nous sommes plongés, mais sans imaginer pour autant que ce soit pour bientôt. Le confinement actuel nous montre et nous démontre que les vieux réflexes du « monde d’avant » sont bel et bien vivaces, ancrés au plus profond. Remettre en cause nos dogmes, nos certitudes, notre égoïsme, notre indépendance, n’ira pas de soi : il nous faudra infiniment de pédagogie, de patience et de persévérance pour faire percevoir et comprendre à chacun l’ampleur dramatique et la gravité des conséquences que nous subirons TOUS si nous n’acceptons pas de recentrer nos priorités pour prendre en compte le bien commun et l’intérêt général – au nom même de l’individualisme que nous croyons défendre en les négligeant ! Quand le bateau coule brutalement, on est obligé d’accepter qu’on ne s’en sortira pas… tout seul !

L’équipage doit être guidé par un esprit de coopération, de solidarité sans faille, au nom de l’intérêt général : le bien de tous, mon bien, ton bien, notre bien !

Communauté humaine, communauté de destin.

Sommes-nous prêts à envisager cet avenir, à nous unir pour ressembler nos forces, notre créativité, notre amour, pour donner naissance à ce nouveau monde, étoile humaine sortie du chaos ? OUI ET NON !

Le bien commun est menacé et les conséquences en sont déjà dramatiques. Même si nous parvenons à nous en sortir à moyen terme, si nous ne renouvelons pas nos solidarités dans tous les domaines, si nous ne nous changeons pas nous-mêmes, nous ne nous relèverons pas de la prochaine crise. Qui viendra.

Nous ne sommes donc pas encore en guerre, mais en état d’urgence. Dans ces conditions, nous n’avons pas le temps de former de nouveaux marins : nous ne pouvons compter que sur les marins déjà aguerris, et sur ceux qui ont le désir de la mer. Forcément, nous ne serons qu’un petit nombre. Forcément…

Alors, il nous faut les chercher, et nous ressembler pour agir tout de suite au nom du sauvetage de notre navire et de notre humanité !

Notre entreprise-citoyenne sera composée de tous ceux qui on déjà compris que notre bien commun est menacé : crises sanitaires, écologiques, climatiques, économiques, sociales, financières, migratoires, démocratiques…

Voilà notre présent.

Nous voilà brutalement, URGEMMENT, invités à réfléchir et à agir, ici et maintenant. Le monde d’après dépend de notre faculté d’adaptation, de nos actions immédiates, de notre esprit de coopération, de nos solidarités.

DE TOUS CEUX QUI ONT COMPRIS ET SE SONT DÉJÀ MIS EN ROUTE, DÉPEND « LE MONDE D’APRÈS » !

ON Y VA ?

L’humanité comme projet

« Voici je te place devant la vie et la mort, et tu choisiras la vie. »*

L’HUMANITÉ COMME PROJET
(Esquisse d’une proposition sans autre prétention que de participer à une réflexion pour l’après.)

En nous débarrassant des nos egos surdimensionnés, nous devenons capables de puiser dans la miraculeuse source d’énergie de Vie que nous avons tous en nous, et de faire que l’impossible devienne le Possible.

La conception purement individualiste, hédoniste et utilitariste de l’existence nous a mené là où nous sommes aujourd’hui. L’erreur serait de penser qu’à l’issue du confinement, nous reviendrons au statu quo ante. Comme s’il s’agissait d’une parenthèse à oublier aussi vite que possible.

Nous sommes face à un défi existentiel, une crise civilisationnelle et, pour le moment, un avenir sans avenir ! Des forces sidérantes, imprévisible et incontrôlables ont réussi à balayer la certitude que nous avions de détenir le pouvoir absolu sur la Terre et la Nature. Le coronavirus nous rappelle que nous sommes de simples mortels éphémères, et que notre immortalité se trouve dans notre humanité, où « humanité » signifie : communauté de destin, et ne se limite pas au genre humain, mais englobe tout le vivant sans exception, y compris notre sublime Terre. Et que si nous voulons nous en sortir, il nous faudra faire preuve d’humanité, ici et maintenant.

Dans cette perspective d’un devenir possible pour l’homme post-coronavirus, l’humanisme consiste en la proposition d’œuvrer pour que l’humanité – présente en puissance mais sans certitude chez homo-sapiens – advienne bel et bien. Et pour cela, à faire appel à l’universalité potentielle d’humanité dans chaque individu.

L’humanisme est donc un projet et, par là-même, une éthique désignant comme bien, beau et bon, ce qui forge l’idéal de la communauté et de la dignité humaine. L’éthique humaniste n’implique pas une attitude complaisante ou infantilisante envers l’homme, ni un anthropocentrisme arrogant et méprisant, mais plutôt la mise en œuvre des conditions nécessaires à l’humanisation – conditions éducatives, appuyées sur une connaissance sans complaisance des caractéristiques de l’homo-sapiens (capable aussi bien du meilleur que du pire), permettant de comprendre ce qui peut faire advenir une l’humanité, opposable à la barbarie sans cesse renaissante.

Nous avons préféré l’économie à l’humain, l’individualisme face au collectif, la compétition à la coopération.
Nous avons à présent le devoir, ou plutôt l’obligation de faire un choix. Poursuivrons-nous dans la voie glaciale et aride de la compétition, ou nous engagerons-nous dans celle de la coopération ? Allons-nous continuer de choisir l’avoir au détriment de l’être ? Donnerons-nous la priorité aux possessions et au paraître comme manière d’être au monde, ou choisirons-nous l’authenticité et le partage pour le bien de tous ?

Je pense que si, une fois la frayeur passée, comme il en va souvent avec notre espèce, nous choisissons de faire comme si de rien n’était, dans la quasi totale indifférence les uns aux autres, nous sommes voués à aller de crise en crise, de désespoir en désespérance, jusqu’à la guerre de tous contre tous.

Mais nous pouvons aussi choisir, dans le but de comprendre, de nous raconter notre propre histoire. Une histoire sans méchants ni gentils, sans héros ni victimes désignées. Sans boucs émissaires.  Nous pouvons faire ce choix, si nous aspirons vraiment à comprendre comment nous en sommes arrivés là.

Car en réalité, nous ne savons plus comment nous en sortir !

Mais si « vivre, c’est naviguer dans une mer d’incertitudes », c’est aussi tout simplement choisir la Vie ! Pour une fois, véritablement, en toute conscience, choisir… l’Humanité comme projet.

Il est beau que, dans la langue française, « humanité » désigne à la fois l’espèce elle-même et le sentiment qu’elle doit inspirer à chacun envers tous les autres. « L’humanité n’est pas qu’un groupe à l’intérieur de l’animalité : c’est un dessein, un projet, un programme ! ».

Et si l’an Un Après-Coronavirus était celle où nous allions faire advenir, ensemble, tous ensemble, par l’union de toutes nos forces vives, un nouveau paradigme, juste et humain ?

J’aime à penser que quoi qu’il advienne, nous nous en sortirons. Mais c’est à la condition que nous acceptions que nous ne savons rien de la manière d’y arriver, et que nous avons tous fondamentalement besoin des autres pour vivre. Que nous nous rappelions qu’au-delà de déclarations occasionnelles sans conséquences réelles, nous n’avions nullement anticipé l’effondrement, et que nous avions « oublié » notre interconnexion à tous. Alors, est-il possible que pour une fois, avec humilité et bienveillance, nous soyons véritablement à l’écoute les uns des autres, manifestant un respect authentique les uns pour les autres, dans la recherche du bien de tous ?
Dans la grâce de l’« après vous », si cher à Levinas ?

Pour moi, la réponse est oui.

On y va ?

*Deutéronome, chapitre 19

« QUI DONC, SI JE CRIAIS, M’ENTENDRAIT… »

« QUI DONC, SI JE CRIAIS, M’ENTENDRAIT… »*

« Je chante, et ton âme frémit en reconnaissant d’anciennes paroles ; une voix qui est en toi, et qui s’était tue depuis bien longtemps. »**

Je donnerai toutes mes aurores, mes plus beau rêves, mon sommeil… pour dissoudre l’ennuitement qui nous plonge soudain hors de la joie, hors du printemps.

Ô ! Qu’elle vienne, qu’elle vienne l’ardente flamme des lendemains qui chantent, nous allumer, nous illuminer de l’intérieur.

Quelle vienne la parole poétique qui dissout les ténèbres, repousse la tristesse, disperse les lourds nuages du désenchantement et de la douleur qui enveloppent nos âmes sidérées.

Qu’ils viennent les mots qui guérissent, les mots pardonnants, les mots consolants, tendres et bienveillants. Les mots lumière qui tisseront un nouveau paradigme, un Nouveau Monde !

Des mots qui inspirent à nous Âmes l’ardent désir de l’Humanité, de la Solidarité, de la Fraternité de chacun envers tous les autres.

Des mots d’AMOUR, en somme !

 

*Rilke – Elégies de Duino.

**Le Sefer Ha Zohar (Livre de la Splendeur)

Tableau : Michelangelo – Saint-Michel, chapelle Sixtine

Acquiescer

« Tous nous serions transformés si nous avions le courage d’être ce que nous sommes ».*

Voilà c’est parti, la bascule a eu lieu. Plus personne ne peut s’échapper à soi-même. Courage, plongeons à l’intérieur de nous-mêmes, là ou séjourne l’enfant que nous n’avons jamais cessé d’être. Allons bâtir un monde nouveau, un nouveau paradigme où nous serons nous-mêmes, simplement nous-mêmes, démasqués car libérés de tout ce qui n’est pas nous. Libres car désenchaîné des apparences trompeuses et des fausses valeurs.

Que cette société qui ne cesse de nous sommer de consommer sans cesse, de désirer toujours plus, d’être toujours davantage fascinés par les possessions les plus inutiles, que cette société-là se désagrège, ce n’est certes pas une mauvaise nouvelle ! Bien au contraire !

La bascule à laquelle nous assistons peut être l’opportunité de réaliser (enfin !?) que l’essentiel, qui est LA VIE même, nous ne l’avons jamais possédé. Cette VIE nous a été donnée en partage, prêtée pour un moment déterminé, même si nous en ignorons la durée, et à l’heure de la rendre, nous n’avons d’autre choix que d’acquiescer.

Il en est ainsi depuis le commencement : rien de nouveau à cela !

Depuis que l’Homme est l’Homme, les fêlés de la Lumière (aussi nommés « les fous de Dieu ! ») l’ont dit dans toutes les langues. Sans grand écho, à vrai dire. Alors, à quoi bon ? À quoi bon rappeler ce qui, même crié, n’est pas entendu ?

À quoi bon ? Vraiment ?

Allons… Ne saisissez-vous donc vraiment pas ? Ne comprenez-vous pas encore ? Auriez-vous le cœur endurci ?

Comme nous le  rappelle Sénèque: « Puisque tout ce que tu aimes et respectes et tout ce que tu méprises sera également réduit en un seul tas de cendres, prends conscience de ta finitude et de la vanité des possessions : tu ne t’attacheras pas trop aux biens matériels qui te seront tous soustraits avec tous tes désirs qui leur sont liés. »

Dans le secret de nous-mêmes, même si nous faisons semblant de ne pas savoir, NOUS SAVONS L’ESSENTIEL. Nous connaissons les vraies valeurs de nos existences terrestres. Ne vous les rappelez-vous pas ? Vraiment ?

LE VRAI, LE BIEN, LE BEAU, LE JUSTE. Sublime semplicità qui trouve son ultime accomplissement dans L’AMOUR !

 

* Marguerite Yourcenar
Tableau : Rembrandt le philosophe en méditation.