Il est apaisé, celui dont le discours et la conduite s’accordent et qui répudie les rapports hypocrites de ce monde. (Proverbe Zen-Soufi)
Toute démarche humaine consiste à aller de soi-même vers soi-même…
Au départ, nous nous trouvons dans ce que les soufis appellent « les voiles du moi », qui sont tissés de l’ensemble de nos innombrables représentations mentales.
Aime-t-on, hait-on vraiment une autre personne que soi-même ? Je ne le crois guère !
Quoi que je fasse, je ne peux voir le monde et les choses du monde qu’à travers « moi-je ».
Nous ressentons, aimons et haïssons toujours à travers nous-mêmes, et c’est toujours à l’image que nous créons de nous-même et du monde que nous sommes confrontés.
Si l’image est conforme à notre représentation mentale, nous éprouvons ce que nous appelons l’amour, si elle ressemble à son contraire, nous la haïssons. Amour du reflet, haine du reflet…
Mais est-ce vraiment aimer, est-ce vraiment haïr ?
Narcisse ne s’aime pas véritablement à travers l’auto-admiration complaisante de son reflet dans un miroir qui ne lui restitue qu’une image valorisante de lui-même.
L’amour de soi, l’amour authentique de soi, est le fruit d’une reconnaissance de la totalité de notre être, aussi bien de notre côté lumineux que de notre côté ombrageux, ténébreux…
« […] secourir les mendiants, pardonner les offenses, aimer son ennemi au nom du Christ, sont sans nul doute de hautes vertus. Mais… qu’advient-il si je dois découvrir que le dernier de mes frères, le plus pauvre de tous les mendiant, le plus impudent des offenseurs, et jusqu’au démon lui-même, tous, sont en moi, et que j’ai moi-même besoin de l’aumône de ma propre pitié, et que je suis moi-même l’ennemi que je dois aimer ? »*
Mais au fur et à mesure que l’aube se lève, notre esprit commence à comprendre le fonctionnement du monde des sens, monde de représentations, monde d’images, monde de limitations. Notre conscience se dilate, et les voiles sont perçus comme tels.
Nous devinons une lumière au bout du tunnel, nous comprenons qu’il nous serait propice de proposer une trêve à ce pauvre ennemi.
Les voiles devenant plus transparents, notre situation s’éclaircit, ici et maintenant.
Il s’agit dès lors d’établir une alliance, de devenir son propre ami, de se mettre en accord avec soi-même. Car puisque l’amour s’établit sur la ressemblance, s’aimer soi-même nécessite de se ressembler à soi-même, c’est-à-dire de « faire le dedans comme le dehors et le dehors comme le dedans », en sorte que le comportement extérieur soit identique à l’attitude intérieure, que « le discours et la conduite s’accordent », que le paraître soit semblable à l’être.
Cette transformation (transmutation) n’est possible que par l’intermédiaire d’une orientation intérieure, qui consiste à ne pas avoir d’autre but que de se conformer à la réalité en soi.
Ce n’est qu’à cette condition de sincérité (très difficile, car l’aboutissement d’un grand effort personnel) que nous pouvons aller vers nous-mêmes, vers la réalisation du désir profond de notre coeur.
Et que veut le cœur ? Tout coeur aspire à l’amour, et l’amour est justement l’unification, la fusion infiniment simple, intime, directe, avec le principe fondamental de l’Être. Cette plénitude qui est La Paix en Soi, « cette inimitable saveur que l’on ne trouve qu’à soi-même »…**
En fait, l’authentique amour de Soi est l’apaisement, la fin des guerres (y compris de la « guerre sainte »).
Ainsi l’Homme devient une unité, non séparée de soi-même et par conséquent des « autres ».
Et cette unité non séparée de soi-même, cette joie indicible où le temps disparaît, où toute peur disparaît, où la bonté est omniprésente et où l’âme ne fait qu’un avec tout ce qu’elle contemple… c’est Cela l’Amour authentique, c’est Cela la Paix, c’est Cela le « Royaume de D.ieu » !
Ce « Tout » que nous sommes !
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Birds on the Wires from Jarbas Agnelli on Vimeo.
« De l’amour nous sommes issus.
Selon l’amour nous sommes faits.
C’est vers l’amour que nous tendons.
À l’amour nous nous adonnons. »
Ibn El Arabi
*Jung
**Valery