En labourant son propre champ, elle a compris que le semeur, le moisonneur et la terre à travailler ne font qu’un…
Elle sait maintenant que le travail de jardinage avait pour but de connaitre sa terre, et à travers cette connaissance, de s’accomplir en un jardin véritable.
Le SAVOIR-ÊTRE en est la récolte.
Celui qui ne se connaît pas, et de ce fait ne se transforme pas en se connaissant, ne peut rien connaître. Seul celui qui est formé et transformé, peut être connaissant.
Le savoir-être est la Connaissance, et la Connaissance donne à l’homme son visage et son Nom. Elle remet à l’endroit ce qui était à l’envers.
La jardinière, en labourant sa propre terre, a « reveillé les graines dormantes ».
Elle a respecté les differentes modalités du temps : elle a labouré son champ, laissé la terre se reposer, planté ses graînes, et attendu patiemment la sortie des bourgeons. Elle a pris soin de récolter les graines de certaines plantes, pour pouvoir les replanter, et fait en sorte que les « mauvaises » herbes n’étouffent pas d’autres plantes, sans pour autant les arracher, car elles sont aussi nécessaires à l’équilibre du jardin, à sa permanence… Elle a pris soin de semer des variétés diverses afin que son jardin puisse donner aussi bien des plantes nutritives que des plantes médicinales et des plantes esthétiques. Avec persévérence et un amour infini, elle a veillé à leur entretien. Sans penser aux fruits…
Elle s’est occupée des allées, des portails, ainsi que des palissades du jardin… Elle revenait sans cesse, comme il lui avait été conseillé, au concept-jardin.
Elle a œuvré auprès des abeilles, et avec elles a butiné les fleurs, issues de son propre champ. Elle a été le témoin oculaire du surgissement du miel. Elle a goûté le miel, et en le goûtant, ô merveille, elle s’est savourée elle-même !
Comme le miel, elle a pu être recueillie et concentrée dans un réceptacle qui n’était autre que Soi-même.
Il y a un temps pour tout, et le temps de la cueillette est arrivé.
Un arbre peut-il être un homme, un homme peut-il être un arbre ? *
Cette Terre labourée, cette substance, matière de connaissance, doit être récoltée, faute de quoi elle sera perdue, une fois le réceptacle en cendres dispersé.
Un chant interieur s’élève, venu des essaims d’étoiles bleues, le Vent Solaire en porte les paroles : l’Homme peut hériter de l’Humanité, en veut-il ?
???
t.0
Aabshar, la cascade.
Entre-Dire (Interdire, XIIIe; entredire 1174).
Fruit défendu, Interdit !
Le miel de « la Cour des Abeilles »** est aussi connu comme SAF -Substance Absolue de Fraternité !
** Sarmoun-Sarman
*
Chère femme aux semelles de vent,
votre texte est si riche, et d’une telle portée… Bouleversant à plusieurs titres.
Comme vous le dites, « les représentations nous abusent, mais la réalité n’a pas de décor. »
À la lecture de cette phrase, je me rend compte des dangers de la pensée automatique et des défauts de perspectives, ou plutôt des perspectives incomplètes.
Mes yeux ayant aperçu les mots « réalité » et « décor », mon esprit a fabriqué par anticipation la phrase « le décor n’a pas de réalité ». Automatisme d’autant plus néfaste qu’il manque totalement le propos ! Car ce que vous dites en fait, c’est pratiquement l’inverse ! Et ce renversement de perspective non seulement dénonce la banalité de ma perception ordinaire du problème, mais opère une sorte de mutation mentale.
Si je dis « le décor n’a pas de réalité », je reste focalisé sur le décor. Si vous dites « la réalité n’a pas de décor », vous parlez depuis le réel !
Il est en effet très aisé à mon esprit de dénoncer l’irréalité de tel ou tel décor, et même des décors en général. Mais en pratique, je reste prêt à remplacer un décor par un autre qui serait simplement un peu moins irréel (comme si cela pouvait avoir un sens !). C’est une approche de la réalité à la façon d’un physicien (là, par contre, je sais de quoi je parle 😉 lol), qui traque l’erreur de nos représentations ordinaires du monde, explore leur structure, dégage des concepts généraux qui se rapportent à la manière dont apparaissent et s’organisent les phénomènes qui constituent la réalité physique, évalue leur pertinence et approfondit leur nature et leur portée. Ce faisant, même s’il parvient dans une certaine mesure à en tirer les leçons et à s’élever au dessus d’une appréhension « primitive » de la réalité, il s’en tient en quelque sorte à la première partie de votre phrase : « les représentations nous abusent ».
La seconde partie : « la réalité n’a pas de décor », m’apparaît à présent d’une toute autre nature.
Je ne saurais m’aventurer au moindre commentaire, mais je voulais vous remercier pour ce trait de vérité qui me va droit à l’âme, et fige littéralement la part « physicienne » de mon esprit : on n’approche pas le réel par le versant du décor !
C’est aussi ce que le lis lorsque vous écrivez que la Connaissance « remet à l’endroit ce qui était à l’envers ».
Et puis il y a la question de la transformation et de la récolte !
« Celui qui ne se connaît pas, et de ce fait ne se transforme pas en se connaissant, ne peut rien connaître. »
Étrange persistance de la pensée magique, surtout dans notre monde qui se croit soumis au seul magistère de la vérité et s’imagine immunisé par cette croyance même, étrange persistance de la pensée magique, en effet, que cette conception impersonnelle de l’être, cette attente passive d’une connaissance « extérieure » du réel, qui serait accessible par incantation (même si cette incantation prend parfois des formes qui ne la font pas percevoir comme telle, comme lorsque l’expérimentation scientifique du monde devient une simple interrogation, pour ne pas dire un interrogatoire !, la recherche d’un oracle illuminateur)…
« Le jardinier veritable sait l’inutilité de l’effort dérisoire de tous ceux qui croient encore à la possibilité de préparer la terre pour y déposer la semence, une fois le moment passé. »
Et pourtant nous résistons à l’évidence, et aussi rationnels que nous puissions nous imaginer, nous finissons toujours par échouer devant l’impératif rationnel le plus élémentaire : l’acceptation de ce qui est. C’est fondamentalement vain, mais il y a comme un « confort » pour l’esprit à imaginer qu’on pourrait obtenir la récolte sans le labour. Et si ce n’est pas le cas, il nous reste le « confort » d’imaginer que nous avons déjà la récolte !
Dans ces conditions, comment distinguer entre ce qu’il est trop tard pour nous de faire ou d’obtenir, et ce qui est encore possible.
C’est pourquoi vos paroles sont précieuses: « le travail de jardinage avait pour but de connaitre sa terre, et à travers cette connaissance, de s’accomplir en un jardin véritable ».
Si mon but n’est plus d’obtenir, mais de devenir, non plus de savoir mais de « savoir-être », comme vous dites, alors le réconfort que m’apportait ma pensée magique et mon auto-complaisance devient lui-même très incertain, instable, vacillant. La perspective de la récolte véritable et du labour, l’évidence immédiate de ces règles du jardinage, rendent en réalité ce confort très inconfortable, et lorsqu’on vous lit, que l’on s’allège assez pour que le souffle de vos semelles de vent nous emporte, on se retrouve dans une perspective où le confort, comme auparavant le décor, ne sont plus ni le point de départ, ni le point fixation de notre pensée ou de nos représentations. La vérité dont vos messages esquissent le sillage a une valeur intrinsèque qui transcende cette question, et nous fait accepter que, quoi qu’elle puisse nous enseigner ici et maintenant sur nous-mêmes, il ne saurait y avoir d’attitude plus juste et plus salutaire, au sens plein du terme, que de l’accepter inconditionnellement, comme le jardinier accepte la graine et les saisons.
Et c’est aussi probablement cette valeur intrinsèque qui permet à mon cœur de s’ouvrir en lisant votre appel, et, même s’il n’en saisit pas tous les termes, d’en percevoir l’intensité tout autant que la gravité : « l’Homme peut hériter de l’Humanité, en veut-il ? »
Infiniment !
Chère femme aux semeles de vent,
Je vous dois cet hommage de ne pas m’avoir trompé :
Vous m’aviez promis la beauté : Je l’ai trouvé,
Vous m’aviez annoncé la compassioni : Je l’ai connue,
Vous m’aviez appris la persévérance : je l’ai appris par cœur.
Vous m’aviez rassuré en me montrant la voie à suivre…
Et vous avez tenu parole.
Beaucoup d’inspiration dans cet écrit. Je vous en remercie