À toi généreuse lumière
et toi respectable ténèbre
qui ne put désarmer mon bras
de ses traits de lumière
brandis sans hargne et sans triomphe
aux sphères toujours claires
Mais qui fut, dans la joie rétrospective
de la confrontation des résistances
et des érections en l’appel de l’Être,
le témoin sûr de mes naissances…
Des idées comme il en vient aux fous, aux mendiants, aux poètes
L’oeil dans l’eau de l’espace
Et l’aube dans la tête
Des idées
Comme prêtent leur corps aux almées qui les dansent
Désirées d’évidence
Des idées… et des âmes
pour s’en émerveiller
Des idées et des âmes aux frontières ouvertes
Aux lignes épousées
Des vides et des âmes
et des îles offertes
Des idées d’Idées sublimes comme commune transcendance
aux êtres érigés
Des idées d’Âme
Des idées d’âmes qui se reconnaissent
comme aux cathédrales célestes
les innocences réservées
Et toujours l’Être, UN
Toujours avant, toujours, UN, seul, l’Être
Nul mouvement nul souffle ni son approche annoncée
Ni la venue d’un devenir, nul prélude, nulle arrivée
Avant, UN, toujours l’être
Dans l’A d’avènement, tout occupé à être ce Verbe avant tout langage,
ce passage ouvert, ouvrant, oeuvrant mais délivré de tout avoir-à-venir, calme comme la mort inexistante, immouvant comme la durée
qui ne parvient pas même à débuter, transi dans la vérité implacable
de l’impossibilité du mouvement,
LÀ, UN
Idéel idéal de tout Être
Ni l’immuable ni le mouvant;
absent à l’idée même du mouvement
Hors du sens, ajourné,
LÀ, UN, L’ÊTRE,
Repos de nulle fatigue, de nul précèdement…
Et puis soudain qui s’ouvre… déferlante de vérité, toute en une
apparition, toute en une infime ouverture : la Terre !
Entière irruptée, passée par le chas d’un instant, délivrée
Elle, telle qu’en sa vérité intime, sa précise totalité, précieuse,
précipitée en son âme concise, son Nom de majesté,
comme s’érige un monde, la Terre !
émise en scène, éprise forme.
Achevée toute et Une, par le menu de son histoire instantanée,
s’offrant à elle-même en mon esprit émerveillé, soudain récupéré :
la Terre, comme une Idée, comme une Âme.
La Terre – une Âme, une Idée.
Et mon Âme-coeur devant Elle, éternellement éveillée…
* * *
Ç’avait été au coeur de la poésie qui révèle, sans attente,
sans désir ni recherche, le corps et l’esprit retournés vers les Vides
de la conscience. L’Être m’habitant se tenait — comme alors
en toute occasion tolérée par ma semblance matérielle — inexistant
au manifeste, tout livré à l’ouverture du Monde, vierge au repos des rotatives célestes, prêt-à-imprimer…
Et l’impression survint d’où les âmes se font connaître :
la vie, le coeur d’un monde où il allait bien falloir naître,
et faire naître la vie, le coeur, le Monde.
Ainsi Terre me fut présentée, donc offerte.
En l’éclat d’un instant pas même écoulé,
dans la marge des vides où se nomment les âmes,
la Planète, cette planète, de roches animées,
du socle des limons, d’océans éprouvés, me fut connue.
Telle qu’on ne peut plus rien jamais d’elle ignorer.
Toute en cette unique impression — hymne où nous fîmes connaissance.
Tout de Terre, de tout temps : les pluies solides de l’espace, les feux mouvants de ses entrailles, les forces animées, les vies, toutes en
Elle renouées, toutes en Terre sublimées, procaryotes, eucaryotes,
vies de l’eau, de l’air et du feu, vies des rochers déjà taillées en chair, en élytres, en os. Savanes, banquises, déserts, forêts et mers, nimbes, nuées, les vies advenues, révolues, éteintes, les vies exténuées.
Tout de Terre, oui tout me fut su, dans la stricte mesure et l’exacte occurrence — nulle insignifiance, nulle pénombre — de la moindre écaille de lumière, l’inattendu secret d’une papille de dinosaure au vent de l’haleine océane, le souffle débordant d’un volcan sur l’hiver ; et tout ce qui advint, ou s’abstint d’advenir, influença, força, veilla, aima la Terre. Amours chantées au Vide. Éperdues de Soleil. Toute la succession des formes, des essences et des connaissances ayant prêté leur chair à la pesanteur terrestre, d’espèces en individus, de germes d’idées en poèmes, dans la transhumance des siècles au travers des saisons de l’Être, depuis la neuve récurrence aux créatives arabesques, jusqu’aux ivresses vagabondes, aux vacarmes impénétrants.
Tout fut exposé, ordonné, daté, organisé dans l’inextricable
écheveau des causes, des effets, des heureux synchronismes
et fatales coïncidences.
Comment le dire enfin ?
Tout fut au monde mis — sans le cri des enfantements,
Présent brûlant de toute éternité,
Tout ce que d’elle il ne sera jamais possible de connaître
sans la connaître
Elle, simplement, justement, la Terre, cet Être qu’elle Est, plus que l’Idée d’Elle… son Âme.
Lors les portes des cieux s’estompèrent
dans les rouages du secret
Et de maints silences fus embaumé.
* * *
Alors, d’elle-même, l’Information me reconduisit par les trames tissées de l’espace et du temps. Qui me trouvèrent à l’instant…
L’âme encore embaumée, d’une perspective adéquate
je les voyais encore, ourlés, balancer amplement dans le souffle
éternel de l’innocente joie.
Ainsi
À l’inverse d’un autre qui vint, vit et vainquit,
Voilà que j’avais vu
Et lors, d’Amour conquis — de grâces, d’harmonies
qui ne me plus quittèrent
Je suis venu sur Terre.
Et demeure en son lit…
Pourtant les rivages sont lourds où se brisent les mers sans âme.
Et j’entends le silence invoquer le vacarme
Déjà ce monde m’est connu pour les noms qui s’y désincarnent
et les horizons éperdus…
Le souvenir des saisons humaines vaguement se disperse,
brumes évaporées à l’absence et ne restent
que voix effritées qui se blessent et se répètent leurs oublis.
Dieu qu’ont-ils fait du vide en ce corps embaumé,
de ce temple ignoré qui se dément et se défait de toi,
se délie, se dévoie ?
L’érosion souffle aussi sur les âmes
et ne laisse que ruines
et sable d’édifices.
Mais qu’importe, j’avais
Dans les arcanes du secret
Les mots et les êtres qui dansent
J’avais, qu’importe, les sommets
Les feus des silences ancrés aux mers infinies de la paix
Et aux oracles qui les pensent
J’avais les chanteurs les poètes
aux harmonies toujours abstraites
et les musiques emparées
J’avais Verdi et son Aïde
Qui me venait comme une autre Alaïde
Toujours aux porches du silence
où vient résonner l’évidence
de l’Amour
J’avais là — je savais — la source et la semence
La voûte des échos où les rêves commencent
Et j’ai rêvé les vents, j’ai rêvé sur la Terre
Les chants et les chemins animés et sincères
Et l’idée m’en revint
comme revient la mer
Que les coeurs seront pleins
et les âmes sont prêtes
Les chants se lèveront
et sera sur la Terre
l’Humanité des cieux qui tant la désirèrent
* * *
Lors s’en retourneront les anges à leurs sphères
L’oeil dans l’eau de l’espace
Et l’aube dans la tête
Mais ce n’est qu’une idée
comme il en vient aux fous, aux mendiants, aux poètes…
Il était par le monde vaste des rivages accessibles, des idées et des âmes éprises,
que nulle forme ne garda. Il était, il est et sera. Changeantes destinées se suivent.
Mais le ciel te ressemblera…
Étienne Parizot
Physicien & poète
Photo de Natacha Quester-Séméon, Leica M7, memoire-vive.org
je préfère largement le dialogue de Michel Cassé avec le ciel que celui de ceux qui ont découvert la nouvelle exoplanète,
apprement ceux là parlent un drôle de langage avec les étoiles