
Je chante, et ton âme frémit en reconnaissant d’anciennes paroles ; une voix qui est en toi, et qui s’était tue depuis bien longtemps*…
Vivre quotidiennement la page blanche, avec amour et désintéressement, permet au Tout de se transfigurer.
Le sublime (ou ce que nous appelons ainsi) tient à l’essence de notre être.
Comment échapper au superficiel, à la bassesse, à la malveillance, à cette force qui nous pousse à avoir toujours plus de pouvoir, à vouloir tout posséder, maîtriser et mépriser ?
Par la poésie, c’est-à-dire par cette surprise qui fait qu’à chaque souffle l’on découvre une harmonique, un aspect nouveau à ce qui semble complètement monocorde, superficiel et malveillant.
La vraie parole poétique est silencieuse.
Non pas dire ou écrire, mais vivre la poésie, ce chant intérieur.
Vivre sans laisser de traces de son passage !
Bâtir des œuvres, remporter des victoires sans y inscrire son nom.
Accepter non seulement de mourir pour soi, mais aussi de mourir pour les autres, disparaître à jamais…
Que valent la reconnaissance, la fortune et les honneurs, au regard de la richesse intérieure ?
Au regard de la plénitude du vide ?
Ô naïf !
Tu es parti à la recherche de la forme et tu t’es égaré. Tu ne peux pas la trouver parce que tu as abandonné la réalité.
Parfois on l’appelle “arbre???, parfois “soleil???, tantôt “mer???, tantôt “nuage???.
Quiconque cherche le nom seul est perdu. Pourquoi t’attacher au nom ?**
On regarde. On ne voit rien. On l’appelle l’Invisible.
On écoute. On n’entend rien. On l’appelle l’Inaudible.
On palpe. On ne touche rien. On l’appelle l’Imperceptible.
Cela s’appelle la forme du sans-forme, l’image du sans-chose.
Où la solitude pourrait-elle être, puisque nous portons en nous-mêmes quelqu’un qui nous suit partout et nous soutient sans cesse ?
Où pourrait se trouver le Vide, quand la Présence, cette Plénitude du Vide, est omniprésente ?
Tu te crois Homme parce que tu me crois D.ieu.
Tu me crois D.ieu parce que tu te crois Homme.
Il n’y a point de maître dans la conscience, mais uniquement des sujets, tous souverains, qui s’entre-saluent.
Il n’y a point d’autre dans la conscience, mais uniquement des variations sur un même « je » qui s’entre-saluent.
Lorsque toute la souffrance a été dite, que tous les reproches au créateur ont été faits, alors, soudain, apparaît l’interchangeabilité du « toi » et du « moi ».
« Je » ne peut être un autre !
*Le Sefer Ha Zohar (Livre de la Splendeur), t. II, p, 165-166.
** *Djalâl-al-Dîn Al-Rûmi (1207-73), Mathnawî
karesansui ou jardin de roche.
Jardin Zen du temple Ryoanji – Kyoto
