Qui donc, si je criais, m’entendrait…

Au dedans du dedans, quelque chose ou quelqu’un me fait signe et m’appelle.

S’arquer doucement vers l’intérieur, se résoudre à se taire,
Entendre l’appel.
Entendre l’Appel, c’est y repondre : Me Voici !

La question de l’écoute est résolue enfin, la question pure a fait place à la pure réponse et l’infinie inquiétude a fait place à la simplissime certitude.

Ce qu’elle a cru perdu, n’était que transfiguré, transcendé.
Incarné.

Mais quelle est cette réalité que l’on nomme transcendance ?
Stupéfaction radicale : c’est dans l’étonnement que la transcendance s’éveille.

L’émerveillement allume l’esprit, qui sans cela reste éteint.
Ô Merveille ! « O merveille, un jardin parmi les flammes ! »
Ebahissement : le Vrai, le Réel, n’est pas voilé ; les yeux, les sens, oui !
La lumière n’est pas une chose extérieure, qui brille au loin, au dehors.
Pour devenir comme des enfants, il faut traverser la lumière.
Pour traverser la lumière, consentir à être transpercé par la lumière, quitter nos certitudes, s’allonger, s’alléger pour devenir envol.

Et puis…
Se jeter dans le vide, constater par soi-même, en soi-même, que dans le vide rien ne tombe, mais que tout, absolument tout, ondoie, vole, voltige, danse !
Plénitude du vide.
Voler comme volent les oiseaux, sentir et ressentir le mouvement qui fait s’ouvrir les fleurs des champs, chanter le ruisseau, apparaître les montagnes, la mer, la Terre, l’Homme.

L’émerveillement du commencement de tout, retour chez soi.
Va, Leckh lekha, vers toi-même !
Oui !
Dans le silence de l’émerveillement, les formes apparentes dévoilent « le pont vers le réel », et ainsi, comme si de rien n’était, comme si tout n’était que métaphore, nous passons du dehors au dedans puis du dedans au transcendent.
Lumière de joie, lumière de gloire.
Lumière, me voici !
 
t.0 ????

Extrait de « Nijinsky, clown de Dios » by Bejart, music by Hugues le Bars, performed by Jorge Donn, 1990

Alpilles : l’élégance intérieure

Champ d'oliviers dans les Alpilles

Partition Provençale

Ici, c’est la petite enfance des Alpes.
La chaîne minérale, comme bercée par la lumière, s’élance doucement vers l’espace.

J’imagine qu’il fallait un appel si formidable qu’une oreille humaine saurait à peine le soutenir, pour amener les humbles Alpilles à croître vers le ciel, et devenir les Alpes majestueuses !

Avec ses crescendos vertigineux, la voix du mistral porte, souffle, insuffle vaillamment cet appel d’en haut.

En s’élançant amoureusement vers l’azur, la masse minérale a accouché de cette Vallée des Merveilles, une vallée de haute montagne à fleur de terre…

Paysage poétique aux lignes épurées, à la terre infiniment travaillée par le vent solaire. Des lignes et des reliefs dans lesquels ne demeure que l’essentielle beauté ! La simplicité majestueuse des oliviers, des cyprès qui s’inclinent élégamment, en discrète révérence à cette terre qui les accueille, qui nous accueille et nous dévoile l’essentiel, le vrai, le réel !

Portés par la lumière, nous découvrons que la vallée entière est avant tout musicale, composée de nuances de verts qui, progressivement, harmoniquement, changent d’intensité et donnent à voir cette œuvre en paysage.

Du mariage du crescendo vertigineux du vent et de l’andante gracieux de la terre est née la lavande. Elle a en elle la fugue hautaine du « père », et l’infinie et si douce humilité de « la mère ». S’ensuit toute une famille provençale de troubadours terriens, comme le thym, le romarin, arrimés fermement à la bienveillante garrigue, qui, allegro ma non troppo, les reçoit en elle.

Terre de Provence ! Terre céleste ! Sensation ineffable de suspension du temps…

« Je » s’absorbe dans le vide de façon imperceptible, et ne voyant pas venir la nuit, n’allume pas ses lumières. Et c’est ainsi que se révèle à ses sens transcendés, non pas le passage du jour à la nuit, mais la graduation harmonique de la lumière en elle-même.

Soleil de minuit, déploiement de la fondamentale, affirmation de l’affirmation, pure paix, pure joie d’être là.

OUI !

Le Oui est un pur chant, chanté silencieusement. Et ce chant, chanté en silence, n’est rien d’autre que la Lumière.

Ici, la lumière monte vers la lumière.
Ici, la lumière descends sur sa lumière.
Ici, c’est…
Lumière sur lumière !

t.0 ????

P.S.: Fin des Démonstrations

Le vide, à sa plénitude, ne démontre plus rien, n’a plus à argumenter, car Il est l’argument ultime !
La lumière, à son zénith, ne démontre plus rien, n’a plus à argumenter, car Elle est l’argument ultime !
La poésie, à son sommet, ne démontre plus rien, n’a plus à argumenter, car Elle est l’argument ultime !
Le chant, à son apogée, ne démontre plus rien, n’a plus à argumenter, car Il est l’argument ultime !
La Joie, à son faîte, ne démontre plus rien, n’a plus à argumenter, car Elle est l’argument ultime !
La Paix, à son accomplissement, ne démontre plus rien, n’a plus à argumenter, car Elle est l’argument ultime !
OUI ! OUI !
Le Oui confirmé, c’est l’affirmation de l’affirmation, et l’affirmation de l’affirmation, c’est la Vie !

photo @natachaqs

N’oublie pas que tu vas mourir

Philosopher, c’est se préparer à la mort.
Mais se préparer à la mort, qu’est-ce que cela signifie, à quoi cela rime-t-il, puisque chacun entame son chemin vers la mort, à l’instant même où il voit le jour ?

Puisque la Vie est tout ce qui est, la mort n’est pas et ne saurait être.
Alors, qu’est-ce que la mort, si elle n’existe pas ? Qu’est-ce que la mort, sinon l’ignorance ? Et l’inconscience de notre propre ignorance…

Même s’il est dit, depuis des millénaires, que notre plus grand obstacle est l’ignorance de nous-mêmes, et que le but de toute existence est la connaissance de soi qui transforme notre moi particulier (lequel fait de nous des prédateurs, orgueilleux, individualistes et indifférents au malheur d’autrui) en un moi universel, par lequel l’humanité n’est plus perçue comme « au dehors », mais comme « au dedans de soi-même ». Se percevoir non pas comme une partie, mais comme la partie et le tout à la fois, indivis, solidaire. Un seul et même organisme, une seule et même conscience, un seul et même être !

Oui, cela a toujours été dit, mais l’homme (à quelques remarquables exceptions près) reste sourd, insensible, indifférent à cette information, pourtant essentielle pour toute expérience de vraie Vie !

Chacun considère que la Terre est le cadre d’une super production personnelle dont le scénario le concerne exclusivement, dans laquelle il est non seulement le metteur en scène, mais aussi l’acteur principal, et qui n’accorde au reste de la planète (tous royaumes confondus) que des rôles de figuration, et encore !
Et si d’aventure, devant la mort d’autrui, un sursaut de lucidité lui faisait entrevoir la vanité de toute existence séparée, ego-centrée, et comprendre que l’important c’est d’aimer et d’être aimé, aussitôt le voile de l’indifférence vient recouvrir sa perception et lui faire à nouveau oublier sa propre mort !

C’est bien connu, ce sont les autres qui meurent, pas nous ! Moi, je suis immortel !

Si d’un certain côté cela est vrai (puisque « quand la mort est là, je ne suis pas, et quand je suis là, la mort n’est pas ! »), d’un autre côté, qui suis-je et qui est l’autre, celui qui meurt ? Est-ce que je le sais vraiment ?

Qui parle, quand Je parle ?
Qui meurt, quand Je meurs ?
Qui vit, quand je vis ?

Connais-toi toi même et tu connaîtras les Dieux et l’Univers

Connais-toi toi même et tu sauras Qui est Le Vivant qui ne meurt jamais !

t.0 ????
 

Pourtant, sous la tutelle invisible d’un Ange,
L’Enfant déshérité s’enivre de soleil,
Et dans tout ce qu’il boit et dans tout ce qu’il mange
Retrouve l’ambroisie et le nectar vermeil

HOME planète

exode
Photo : Sebastião Salgado

Hier, en visionnant sur l’Île Verte, le très beau film de Yann, « HOME« ,  je me suis dit qu’il fallait vraiment le remercier, lui, et tous ceux qui ont permis que le film existe et soit largement diffusé. Il reste néanmoins que le problème majeur de notre situation présente sur Terre, qui contient en lui-même la solution, n’a pas vraiment été abordé… La pollution est mentale avant tout, la dégradation de notre Maison/Home est en rapport direct avec la dégradation de nos valeurs humaines : fraternité, solidarité, respect de la dignité de chacun… L’Occident n’est certes pas la totalité de la planète – heureusement ! –, et la vision occidentale, je dirais même française, est et reste limitée à ses propres limites.

C’est parce que nous sommes individualistes, égoïstes et superbement arrogants, que nous avons érigé l’avoir en valeur suprême, au détriment de l’être : la possession comme mode de vie, comme but ultime. Nous voulons toujours plus et ne sommes jamais satisfaits – dans le matériel comme dans les rapports humains.

C’est cette avidité qui est la source majeure de l’épuisement de notre Home. Nous ne croyons qu’au progrès, qui nous apportera toujours plus, et refusons toute idée de progression intérieure. Nous n’aimons pas la transcendance. Nous vivons à courte vue, ne voyant pas plus loin que le bout de nos désirs de consommer toujours d’avantage, coûte que coûte, jusqu’à la totalité de nos ressources humaines et terrestres. Nous ne transmettons plus rien : ni les ressources de la planète, ni les valeurs culturelles, ni les responsabilités, économiques et politiques, auxquelles on s’accroche jusqu’à son dernier souffle, ni même les moyens financiers accumulés, utiles parfois au développement de nos enfants, mais que le fameux progrès nous permet de dépenser jusqu’au terme d’une vie toujours plus longue, dans le seul but d’une jouissance immédiate et sans limites.

Je sais par expérience que ce perspective est plus difficile à embrasser qu’une perspective somme toute technique sur les conséquences de l’utilisation abusive du pétrole, de l’agriculture intensive, de la déforestation et de l’exploitation insensée des ressources. Ce discours conduit finalement à l’idée que tout ne va pas pour le pire dans le royaume de l’occident, puisque le problème est maintenant identifié et que la science des pays riches a trouvé des solutions, qu’il suffit en quelque sorte d’appliquer : le miracle aura forcément lieu ! La formule « il est trop tard pour être pessimiste » résonne comme une incantation dans le film. Mais il ne s’agit ni d’optimisme, ni de pessimisme : il s’agit de l’état des lieux – sur tous les fronts, y compris humain –, et de notre capacité à en prendre acte. Pour qu’il y ait changement, il faut que l’homme change, et cela dépend de nous, de chacun de nous. Il nous faut non seulement une prise de conscience individuelle, mais un développement de notre conscience qui l’amènera du particulier à l’universel. C’est la condition sine qua non pour que demain existe encore !

Une certitude : c’est de désamour que nous souffrons, ce désamour qui nous a rendu indifférents aux Hommes et à la Terre. Notre avidité aussi y trouve sa source.

Et si la solution n’était rien d’autre que ce mot d’ordre révolutionnaire : « Aimons-nous et aimons-nous les uns les autres » ?

AMEN. ????

t.0

Le Paradis n’est pas perdu, nous sommes dans le Paradis !

Et si la crise n’était pas celle qu’on croit ?

Et si la cause de la crise actuelle n’était que l’immense fatigue d’une civilisation enfermée dans une carapace de fausses valeurs illusoires, où plus rien n’a de sens, où les mots ont perdu leur substance, où chacun vit sans savoir pourquoi il vit ?
Certes, nous faisons tout ce que nous avons envie de faire, et nous avons créé une civilisation de divertissement, avec pour seul moteur notre désir de vivre une vie toujours plus excitante. Mais nous ne sommes jamais satisfaits ! Et pour cause…

Peut-on vivre sans qu’il y ait un sens, sans réelle raison d’exister, à la fois particulière et universelle ?

Sujets consentants d’une servitude volontaire au service de l’assouvissement de toutes nos pulsions, nous avons décidé que le sens de la vie était la recherche de la toute puissance, et la satisfaction de nos désirs. Or nos envies, changeantes et mouvantes comme notre imagination débridée, sont comme des entonnoirs sans fond, jamais comblées. Nous sommes probablement la première civilisation où la seule raison d’exister est de consommer le maximum dans le temps qui nous est imparti – y compris les ressources de la Terre !

Personne (ou presque) n’éprouve plus pour personne la moindre sym-pathie, la moindre solidarité. Chacun pour moi et le vide existentiel pour tous !

Éternels insatisfaits, épuisés de l’intérieur, desséchés, égarés au milieu de nulle part. Notre crise est celle du défaut d’humanité, de l’absence de sens, dans un monde désorienté qui, en niant l’âme du monde, s’est voué au désenchantement et à la mort spirituelle !

Seul, face à son vide existentiel, l’homme occidental est à lui-même sa propre crise !

Et pourtant… Le Paradis n’est pas perdu, nous sommes dans le Paradis !

En contemplant, derrière l’azur, le noir glacial et infini de l’univers, je me dis, comme à chaque fois : qu’elle est belle la Terre, planète océan, belle à en vivre, magnifique Île Verte enveloppée de translucidité nourricière et protectrice de vie.
Terre aimante, point final de nos errances, hôte gracieuse, si fragile et précieuse, accueillante, bienveillante.

Humble et discrète

Terre
Mère
Veilleuse

Île flottante dans l’océan sidéral,

Puissions-nous être de ceux qui ne te trahiront pas,
Puissions-nous être de ceux qui ne nous trahirons pas !


Michelangeli – Ravel Piano Concerto – [2] Adagio assai