Crise = opportunité ! (Effondrement d’un système dépoétisé – 2)

Comme vous le savez probablement, le mot crise trouve son origine dans le mot grec Krisis, qui signifiait « décision ». En chinois, il est composé de deux idéogrammes signifiant « danger » et « opportunité de changement ». Dans un cas comme dans l’autre, « crise » représente « le moment opportun pour la décision », « le temps de choisir ».

Aujourd’hui, nous sommes face à une occasion rarissime, où l’impuissance des « puissants » laisse une assez large place au libre arbitre de chacun.

En d’autres termes :

Il existe aujourd’hui un intervalle (vide) pendant lequel nous avons chacun la possibilité (l’opportunité !) d’influer sur l’avenir par notre prise de conscience individuelle, pourvu que cette prise de conscience se poursuive dans l’action.

Il se peut que nous soyons (enfin) arrivés au « temps du choix », mais voulons-nous vraiment « un autre monde » ? Et sommes-nous disposés à en payer le prix ?

Nous vivons un moment semblable à celui de l’effondrement du système féodal en Europe, entre le milieu du XVe siècle et le milieu du XVIe siècle, et de son remplacement par le système capitaliste. Cette période, qui culmine avec les guerres de religion, voit s’effondrer l’emprise des autorités royales, seigneuriales et religieuses sur les plus riches communautés paysannes et sur les villes.
C’est là que se construisent, par tâtonnements successifs et de façon inconsciente, des solutions inattendues dont le succès finira par « faire système » en s’étendant, peu à peu, sous la forme du capitalisme.

Or parallèlement au capitalisme, cette période voit également naître l’Humanisme, notamment à Florence lorsqu’en 1462, Côme de Médicis commande à Marsile Ficin la traduction en latin de l’œuvre de Platon.
Des philosophes comme le hollandais Érasme ou l’anglais Thomas More s’interrogent sur le sens de la vie. À l’instar de Giovanni Pico de la Mirandolla, ils placent l’être humain au coeur de leurs préoccupations, et ils sont de plus en plus nombreux à se dévouer sincèrement à une quête de la vérité dans laquelle ils n’hésitent pas à prendre de véritables risques, et à dénoncer des préjugés parfois pesants (voir Nicolas Copernic et sa thèse selon laquelle la Terre tourne autour du Soleil et n’est donc pas le centre de l’univers).

De tâtonnements en tâtonnements, nous voilà… aujourd’hui ! Certes, le capitalisme est le système qui a su produire, de façon extraordinaire et remarquable, le plus de biens et de richesses. Mais il faut aussi regarder la somme des pertes – pour l’environnement, pour les sociétés – qu’il a engendrées, avec sa volonté expansionniste et l’automatisation rationaliste de l’existence ! Ce capitalisme-là a mis l’avoir au centre de ses préoccupations, laissant loin derrière l’être humain, devenu pour ainsi dire une marchandise de plus !

Mais si l’humanisme n’est pas (encore) parvenu à « humaniser le capitalisme », la partie n’est peut-être pas encore terminée. Le principe de l’échange est non seulement essentiel à toute civilisation, mais il est la condition même de l’évolution dans la Nature. Dans un monde harmonisé, l’humain et le capital n’ont pas de raison de s’exclure.
Ils sont et doivent être complémentaires. Comme moyen d’action, le capital n’est ni bon, ni mauvais. Il dépend avant tout des êtres humains, et de leur conscience, d’en faire une énergie de solidarité, d’équité !
Cette crise mondiale pourrait être l’occasion pour les Hommes de dépasser leur « moi particulier », égocentrique, répondant aux pulsions de l’utilitarisme restreint et immédiat, pour accéder à un moi universel capable d’adopter une perspective plus vaste et plus globale, faisant de la solidarité l’essence même de l’humanité.

Ne nous illusionnons pas : la crise présente est profonde, bien plus profonde que ne nous le donnent à voir les soubresauts du système financier. Et il est finalement heureux qu’il ne puisse être envisagé d’autre issue qu’une refonte véritable et sincère de la perspective humaine, privilégiant l’être plutôt que l’avoir, l’union plutôt que la division.

L’opportunité est réelle. Le vent solaire souffle. L’occasion est là.

Si on veut la saisir, c’est maintenant !

t.

Effondrement d’un système dépoétisé

Les marchands et les technocrates ont imaginé qu’ils pouvaient se passer de la poésie.
Comment en sont-ils arrivés à pareille bévue ?

Était-il bien raisonnable de transformer le rationalisme, le consumérisme en religion ?

Aujourd’hui, le doute n’est plus permis : en privilégiant la rationalité, la « virilité », le capitalisme sauvage, notre civilisation ne s’est pas dirigée vers le sublime avenir qu’elle croyait engendrer, mais vers sa propre mort ! Croyait-elle vraiment échapper à l’évidence : « toutes les civilisations sont mortelles » ?

Une existence, pour être réellement humaine, doit avoir une signification spirituelle, poétique. La poésie est la base de la société : « Les hommes ont besoin des poètes, car la fonction de la poésie est d’exprimer une vision globale de l’homme et du monde, de donner un sens à la vie. »
Sans eux, une société est sans âme. Elle se réduit à un agrégat d’individualistes, littéralement enfermés dans leur égotique solitude, paralysés par le néant. Mais quel néant ?

Une société qui oublie et méprise la poésie, et qui devient poétiquement stérile, court le risque mortel de l’effondrement. Car la connexion avec l’humain, avec le réel, n’est plus assurée. Les individus survivent biologiquement, certes, mais ils errent, désorientés, hagards, dans un total vide spirituel.

Nous avons, chez nous, perdu tout sens de la poésie.
Le poète est aujourd’hui considéré comme incongruité superflue, et le refus de l’idéal, c’est-à-dire de la poésie, est fièrement revendiqué et cyniquement affiché.

Nous nous vantons d’avoir mis fin aux débordements de l’imagination poétique, de la naïveté romantique, et d’avoir pour ainsi dire réduit à néant toute forme de croyance, tout projet spirituel. Chez nous, être spirituel, cela veut dire être superstitieux, barbare ! Le vrai civilisé, c’est l’homme qui porte sur le monde un regard froid, analytique, dépourvu d’affectivité. Le vrai civilisé est le savant, le technicien, le technocrate, le matérialiste, le financier.
Or, comme le dit Durkheim, « la faculté d’idéaliser, de poétiser, n’est pas une sorte de luxe dont l’homme pourrait se passer, mais une condition de son existence. »

Nous avons réduit au silence les prophètes et les poètes, c’est-à-dire ceux qui unissent toutes choses, ceux qui donnent sens aux choses. Et à force de réduire l’homme à un intellect, un cerveau, un objet de consommation, nous avons réprimé l’âme dans l’homme, l’idéal, la poésie, l’espérance, la fraternité… Chacun pour soi, et tout, tout de suite, « parce que je le vaux bien » !

Mais voilà ! Les bourses s’effondrent et notre culture industrielle hyper-rationalisée avec !

Et parce que nous avons oublié que l’homme ne se réduit pas au producteur/consommateur, qu’il est aussi et avant tout une créature sensible, imaginative et affective, parce que nous avons oublié que sans idéal poétique la vrai vie était absente, les fils de cette civilisation seront peut-être aussi démunis qu’un nouveau-né arrivant dans un monde inconnu, ou qu’un vieillard en partance pour un autre inconnu.

Pourtant, dans un cas comme dans l’autre, la situation effrayante où l’on se croit plongé est l’annonce d’un bonne nouvelle, la meilleure qui soit : la Vie !
Naissance et mort ne sont-ils pas complémentaires ?

Puisse ce monde qui s’écroule renaître en une civilisation fraternelle, poétique, solidaire, en un mot, humaine !

Non, l’Homme ne vit pas que de pain !

En souvenir de l’ami Pierre Thuillier, si cher à mon âme…

t.

Rappel : La Grande Implosion, de Pierre Thuillier, chez Fayard (1995)

Dessin- Hokusai Katsushika ( le Fou de dessin)

Yves Saint Laurent, le faiseur de merveilles

Tout en discrétion, fidèle à toi-même, tu t’es envolé. Les anges ont bien de la chance…. ils auront désormais des vêtements sublimissimes, tissés de la matière dont sont issus les rêves les plus poétiques.
Grâce à toi, j’ai appris l’élégance, et j’ai transmis à ma fille ce que tu nous a appris de plus précieux : le bonheur d’être une femme libérée du conformisme vestimentaire, le plaisir d’être belle pour soi, tout simplement. Tu dis que « les plus beaux paradis sont ceux qu’on a perdus », te voilà de retour au paradis maintenant… Je suis contente que tu puisses entendre à nouveau La Callas chanter et Rudolf Noureïev voler !
Merci infiniment, l’artiste !

« Je pense que je n’ai pas trahi l’adolescent qui montra ses premiers croquis à Christian Dior avec une foi et une conviction inébranlables. Cette foi et cette conviction ne m’ont jamais quitté. Tout homme pour vivre a besoin de fantômes esthétiques. Je les ai poursuivis, cherchés, traqués. Je suis passé par bien des angoisses, bien des enfers. J’ai connu la peur et la terrible solitude. Les faux amis que sont les tranquillisants et les stupéfiants. La prison de la dépression et celle des maisons de santé. De tout cela, un jour je suis sorti, ébloui mais dégrisé. Marcel Proust m’avait appris que « la magnifique et lamentable famille des nerveux est le sel de la terre ». J’ai, sans le savoir, fait partie de cette famille. C’est la mienne. Je n’ai pas choisi cette lignée fatale, pourtant c’est grâce à elle que je me suis élevé dans le ciel de la création, que j’ai côtoyé les faiseurs de feu dont parle Rimbaud, que je me suis trouvé, que j’ai compris que la rencontre la plus importante de la vie était la rencontre avec soi-même. Les plus beaux paradis sont ceux qu’on a perdu. »

Yves Saint Laurent


1936 – 2008

J’ai vu des beautés immenses et délicates
dîné dans des palais éblouissants de capitales tribales
et dormi entre le ciel et le sable du Takla Makan

Je me suis fait l’ambassadeur de rois guerriers
j’ai rencontré des mongols aux poings effroyables
et des pêcheurs de perles mi-hommes mi-poissons

J’ai glissé mes mains sous des voiles interdits
touché l’intouchable
et vécu les nuits sublimes du cantique des cantiques

J’ai dompté des chevaux Kirghiz
franchi le toit du monde et écouté le Dalaï Lama

J’ai coupé le santal de Mysore
incisé le pavot d’Anatolie
et broyé le safran du Madhya Pradesh

Je me suis enivré dans le jardin de roses du poète Saadi
j’ai tourné jusq’au vertige avec les derviches de la corne d’or
et volé comme un aigle avec un vieux shaman à moitié fou

Je connais l’odeur du suint et du cuir, des palais et des temples
l’odeur de toutes les épices, l’odeur de tous les aphrodisiaques
et celle de la peau des femmes et celle de la peau des hommes

Je suis riche, riche, incomparablement riche de ce que j’ai vécu.

Poème d’Yves Saint-Laurent

Le Smocking Yves Saint Laurent lors de son dernier défilé pour la collection hiver 2001-02.

Primus tempus

Nous sommes aux Monts où d’habitude hurle le vent que seule la douceur du printemps apaise. Une lumière de transfiguration auréole le parc et fait jaillir du sol des gouttes d’or. De petites fleurs des champs (à la façon de Botticelli) enveloppent soudainement toute l’étendue, et voilà la Terre parée d’une somptueuse robe de fleurs. C’est l’évidence même : la Terre est un Être vivant. Elle n’est pas simplement esthétiquement vivante, mais concrètement vivante, vibrante, consciente, aimante… Oui ! La Terre est un Ange ! Et son chant est doux. Nulle part ailleurs on n’entendra musique plus tendre que la sienne.

Rencontrer la Terre non point comme un ensemble de faits physiques, mais dans la personne de son Ange, c’est un événement qui ne peut « avoir lieu » que si nous sommes « redevenus des petits enfants »… des enfants qui ont choisi de répondre sur Terre pour les êtres de lumière, pour les fées et les lutins, pour tous les adorables qui peuplent le monde de leur âme !

« Cette perception par l’Imagination active produit non pas une construction arbitraire, fût-elle lyrique, s’interposant devant « le réel », mais fonctionne directement comme faculté de connaissance aussi réelle, sinon plus, que les organes de sens ».

Les eaux, les plantes, les montagnes et le plus infime brin d’herbe savent qu’il n’y a que l’Unité avec l’Unité, l’Unité sortant de l’Unité, l’Unité dans l’Unité et, dans l’Unité, l’Unité éternellement !
Bien qu’il tombe sur l’homme beaucoup de néant sous forme de douleur et de désolation, il demeure dans l’unique lumière, la vraie lumière « cachée » dans son coeur… Conscience unique, non séparabilité, bonté, lumière de joie, lumiére de Gloire… poésie, Amour !!! OUI ! Oui !

Et pourtant…

À travers la brise parfumée qui enveloppe l’étendue résonne soudainement, faiblement, la voix des sans voix… «ON A FAIM».

«Le pauvre ne peut plus manger. » Des émeutes éclatent aux quatre coins du monde, surtout dans les pays en développement où les populations les plus pauvres ne peuvent plus s’acheter de quoi manger.

De l’Asie aux Caraïbes résonne la voix des sans voix : «ON A FAIM».

En Mauritanie, «on a faim».

Au Sénégal, en Côte d’Ivoire, en Egypte, au Mozambique… «on a faim».

Au Cameroun… «on a faim». (En février, les forces de l’ordre ont tiré sur les manifestants faisant 40 morts)

Burkina Faso, «on a faim». (Les citoyens avaient décrété mardi et mercredi de cette semaine la grève générale pour protester contre la hausse des prix du mil)

Au Caire, le pain est si rare qu’il est vendu derrière des barricades. Les prix du lait et du pain ont doublé en un an en Egypte.

Aux Philippines, les autorités ont averti que les citoyens qui stockaient du riz pourraient être accusés de sabotage économique.

En Haïti les émeutes ont été particulièrement violentes cette semaine, faisant au moins 5 morts et une vingtaine de blessés lors des affrontements avec les forces de l’ONU sur place.

L’ensemble des prix alimentaires mondiaux a bondi de 83% au cours des trois dernières années, selon la Banque mondiale. Elle estime que la hausse des prix du blé a atteint 181 %. De plus en plus de personnes passent la journée sans manger.

Et pourtant… des marchés de par le monde abondent en nourriture, et « chez-nous » la saison des régimes d’amaigrissement est arrivée Oui ! des marchés de par le monde abondent en nourriture que des personnes ne peuvent tout simplement plus se payer !

«Le pauvre ne peut plus manger ! ON A FAIM».

La planète bleue chante sa plainte le blues de sa voix déchire le coeur des amoureux.

Je suis toujours aux Monts, c’est le printemps, une lumière douce et dorée nimbe le parc, des oiseaux chantent…et pourtant mon cœur s’est mis à pleurer !
J‘ai eu faim, et vous ne m’avez pas donné à manger; j’ai eu soif, et vous ne m’avez pas donné à boire;
j’étais étranger, et vous ne m’avez pas recueilli; j’étais nu, et vous ne m’avez pas vêtu; j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité.
Cœur, sacré cœur, quand t’avons-nous vu ayant faim, ou ayant soif, ou étranger, ou nu, ou malade, ou en prison, et ne t’avons-nous pas assisté ?
Et le Cœur repondit : Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous n’avez pas fait ces choses à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne les avez pas faites.

t. aka n’importe qui.

Om Mani Padme Aum, Dalaï Lama

Aussi longtemps que durera l’espace, Aussi longtemps que dureront les êtres sensibles, Puissé-je moi aussi demeurer Afin de dissiper les souffrances du monde !


Dalaï,

Tu voyages au gré des vents de D.ieu, et en te voyant j’ai eu l’impression que D.ieu n’était qu’un nom pour le chemin des vents de la compassion et de la Miséricorde. Tu incarnes une autre réalité, éternelle et impérissable, cachée derrière l’apparence, cachée derrière l’apparent gloria mundis ! Tu invites au désarmement dans un monde de guerres, au désencombrement dans un monde rempli de lui-même. Tu invites à la nudité du visage dans un monde de masques, à la tendresse dans un monde où seule la force a valeur de dissuasion. Tu parles le langage de la Paix et tu n’es pas entendu : comment pourrait-il en être autrement… dans ce monde ? Tu dois être triste, infiniment triste et seul, car dans ce monde perdu dans les nuages de l’irréel, les jeux (de la bourse) et le cirque (pour empêcher que la pensée altruiste n’éclose) sont les valeurs quasi absolues de ce monde éphémère, irréel, flottant…

Apparemment, c’est ainsi. Néanmoins dans le monde réel, celui de l’essence et de l’être vrai, c’est toi qui dit le vrai, ce sont tes paroles qui témoignent des valeurs éternelles.
Dans le monde des mirages et des rêves de puissance, le gouvernement chinois fait figure de vainqueur, mais face à la vraie réalité, celle qui seule compte, il a déjà perdu. Sinon comment pourrait-il penser un seul instant que l’on puisse emprisonner le vent, l’esprit, la pensée et le vide ?

Et tandis, que toi et les tiens chevauchent le vent, l’armée chinoise « rampe » sur terre.
Quoi qu’il advienne, depuis la première aube de la conscience, toi et les « tiens », toi et tes semblables, portant des appellations et des figures si différentes que les guerriers de l’ombre ont bien du mal à les reconnaître, oui, quoi qu’il advienne dans ce monde des mirages flottants, vous êtes vainqueurs. Car comme il a été dit, mon frère, l’Amour, la compassion et la Miséricorde sont les triomphateurs de tous les obstacles !

Et comme disent nos amis, entendre l’appel c’est y répondre,
Me Voici, à ton service.
t.aka n’importe qui

Note Bene:
« C’est pourquoi j’ai dit, et je répète avec douceur : ne soyons pas plus tibétains que le dalaï lama », mais soyons avec lui, à son service… au service du dialogue, de la dignité de tous les humains, de la PAIX !