Le chant des étoiles

La Situation

Nous sommes au cœur du processus ; il est encore trop tôt pour le comprendre et le dire, car l’expérience vient avant la compréhension. Mais il n’est pas trop tôt pour tenter de prévenir la catastrophe redoutée. Je dirais que la lourde responsabilité de cet effort pour comprendre et pour parer à la situation incombe pour une grande part à notre Amour de l’homme et de la Vie, et au Partage dans tous les sens du terme, particulièrement celui des responsabilités.

Le chant des étoiles

Pour entendre le chant des étoiles, il nous faut accéder à une sorte de résonance par-delà les résonances.

Comment ? Par l’intermédiaire du vide, car c’est le vide qui permet le processus d’intériorisation et de transformation par lequel tout homme, toute chose réalise son « même » et son « autre », et par là atteint la totalité.

J’appelle Vide, tout espace non plein. Tout espace non rempli de Moi !

Pour entendre le chant des étoiles, il nous faut accéder à une sorte de résonance par-delà les résonances.

Musique, inaudible car supra sensible, imprévisible… comme la pluie dans les nuages, musique « enfermée » aussi bien dans la pierre que dans le coeur de l’homme.

Il est dit que nous sommes des poussière d’étoiles. Certes, mais la poussière d’atomes stellaires dont nous sommes composés peut se mettre en résonance avec sa source, et entendre l’Appel musical qui nous indique le chemin de retour chez Soi. Il est aussi dit que, de même que le sable ne rêve que de la mer, la poussière (d’étoile) que nous sommes ne rêve que de la lumière jaillissante au coeur de notre étoile.

Entendre le Chant de l’étoile, c’est revêtir l’habit de pèlerin stellaire et se mettre à danser en rythme, en suivant la partition géométrique et musicale de l’étoile. Entendre le chant du Soleil, c’est faire tourbillonner nos atomes, danser nos atomes.

Les atomes de l’homme rejoignent en dansant le coeur de l’étoile. Le chant de l’homme rejoint en chantant le chant de l’étoile, de notre étoile !

Et c’est ainsi que :

Illuminé du Soleil intérieur, la poussière d’étoile, consciente d’elle-même, goutte de lumière au dedans de la lumière, jaillit en l’être humain, Celui que l’on a tant… attendu !

Soleil au dedans du soleil

Entendre l’appel de l’étoile, c’est y répondre, en chantant et dansant « me voici ! »

Ô Homme nouveau, regarde-toi

Tes atomes dansent, le Soleil danse

La Vie danse

Ô vivant, danse, danse la danse du Vivant !

t.zéro

Musique : Richard Strauss (extrait de Ainsi parlait Zarathustra op. 30 (Also sprach Zarathustra)
Il est inspiré librement par le livre du même nom de Friedrich Nietzsche et le compositeur en voit la transition de l’homme à ses origines jusqu’au « surhomme ». Une citation du philosophe est mise en exergue au début de la partition :
« La musique a trop longtemps rêvé ; nous voulons devenir des rêveurs éveillés et conscients. »

Simplissime simplicité

Un jour, ce qu’il y a au monde de plus silencieux et de plus léger est venu à moi.*

Et si, au lieu de dormir, nous restions éveillés ?

Apprendre à vivre en pleine conscience dans la réalité, au lieu de vivre en aveugle dans l’illusion.

Paraître est une chose, être en est une autre. Il faut apprendre à distinguer entre les deux.

C’est par la beauté que l’on s’achemine vers la liberté.

Réversibilité

Un infime mouvement, la tête penchée imperceptiblement sur l’épaule, et voici que l’apparent s’évanouit et qu’il apparaît, Lui, le support du monde.

À l’envers comme à l’endroit ?

Faire le dedans comme le dehors et le dehors comme le dedans ?
C’est comprendre que le germe et son enveloppe, l’essence et l’apparence, sont une seule et même
énergie, un seul et même…

L’être commence à chaque instant.

L’homme intériorisé ne jette aucun regard sur lui-même.

Qui verrouille les portes ?

Aller à l’Essentiel, peu importe comment, mais y aller !

Point, rien qu’un point, fixe dans la dispersion (des sens). Point qui se renouvelle à chaque souffle, point initial, point final.
Point infinitésimal.
Si grand qu’Il peut assumer des limites sans qu’Il en soit limité.

Chaque jour est un miracle en soi.

La bienveillance suprême exclut toute bienveillance partiale.

Les hommes passent leurs jours à dormir leur vie.

Seul,
Celui que rejette le masque de sa personne peut vivre ouvertement avec son visage originel.

Sans raison, pour le seul plaisir.
Imite la danse des oiseaux quand ils déploient leurs ailes.

Se laisser aller à la dérive, comme une feuille qui flotte sur un ruisseau.
Vagabonder au fil de l’eau, vers l’instant.
Cet instant où l’on s’appartient totalement.

Un indice suffit.

Même dissoute, même dispersée par le vent,
elle fremit dans les feuilles,
flotte dans les nuages,
étincelle dans l’eau,
sourit dans le ruisseau.

La cloche du temple s’est tue.
Dans le soir, le parfum des fleurs
En prolonge le tintement.
**

t.zéro

Le Symorgh

Cent mille oiseaux se rassemblent pour aller à sa recherche… Certains, attachés par leur idolâtrie – le fait d’aimer comme tout ce qui n’est pas le tout –, s’y dérobent et s’excusent. Le rossignol sera retenu par l’amour de la rose ; le paon, par les beautés de la terre ; le canard, par son eau… L’initiatrice, la Huppe, fait ressouvenir aux autres que l’amour aime les choses difficiles ; ils éprouvèrent alors le désir d’entreprendre le voyage, le coeur soulevé par la pensée inassouvie du Symorgh.

La route est longue et dure, semée d’embûches, de chutes, de traversées du désert…

À travers mille épreuves, après avoir franchi les sept vallées du désir, de la recherche, de l’amour, de la connaissance, du détachement, de l’unité de l’extase, de l’extinction du moi, trente seulement arrivent au terme de leur pérégrination ; ils parviennent à la septième vallée dans un total dénuement : sans plumes, nus, le cœur brisé, brûlés de corps et d’âme, devenus comme du charbon en poussière.

C’est alors qu’ayant tout donné, toutes choses leur furent rendues. Ils furent admis à contempler la face du Roi. Et voici qu’il leur dévoila le secret de la pluralité et de l’unité des êtres : dans le reflet de leurs propres visages, ces trente oiseaux contemplèrent la face du Symorgh (signifie « 30 oiseaux » en persan), eux tous ne faisant qu’un, transfigurés par le renoncement à eux-mêmes et à toutes choses. Le Symorgh leur dit :
“Le Soleil de ma majesté est un miroir. Celui qui vient s’y voit tout entier… Quoique vous soyez profondément changés, vous vous voyez vous-mêmes tels que vous étiez déjà… Lorsque vous avez franchi les vallées du chemin redoutable, lorsque vous avez souffert et combattu pour vous dépouiller de vous-mêmes et atteindre la plénitude, vous n’avez agi que par mon action. Anéantissez-vous donc en moi glorieusement et délicieusement, afin que vous vous retrouviez vous-mêmes en moi…???

Les oiseaux s’anéantirent à la fin pour toujours dans le Symorgh : l’ombre se perdit dans le soleil, et voilà tout.

*Nietzsche
**Bashô
***Simorgh in Colloque des oiseaux
Farid al-Din Attar, né en Perse vers 1140, fut l’un des plus grands poètes soufi.

L’important n’est pas d’être vu mais de voir…

Un nouveau dire, lié à un nouvel être.
Et penser que nous appelons “réalité objective » notre perception altérée et limitée des sens !

Dualitude

Dans une quasi infinie distance, l’Amie contempla l’Ami et dit : “Je ne sais rien de vous, et encore moins de votre vision du monde. Vous devez vivre dans un monde si différent…??? Et l’Ami lui repondit : “ Non. Nous vivons exactement dans le même monde. La seule différence, c’est que vous, vous vous voyez dans le monde, tandis que moi, je vois le monde entier en moi. Voilà l’évolution, le glissement infime de perception qu’il reste à accomplir. »

Peut-être nous rendons-nous compte aujourd’hui, comme jamais l’homme ne l’a fait jusqu’ici, que non seulement notre conscience personnelle, mais aussi la structure interne de l’univers n’ont pour lieu de réalisation que le seul événement immédiat.

Le vent du désert balaie la trace des voyageurs.
Seul s’imprime le pas présent.
Le passé, le futur : du sable lissé par le vent.*

Oui ! La vraie Vie, la vraie poésie, commence à des milliers de kilomètres (à dos de vent) de cet enclos des faux-semblants, de ce brouillard cotonneux où sommeille la surface anesthésiée de l’esprit, au-delà de ce monde des ombres errantes…

Le pied qui danse, le son des clochettes
Les chants que l’on chante et les divers pas
Les formes prises par le dieu qui danse
Trouve en toi tout cela et tomberont tes chaînes
**

Tu as vu la clarté des cimes, tu as vu la Lumière ductile Imacculata, et cette découverte a transformé complètement ta vision et ta vie. Tu es déconsidérée aux yeux du monde, tu es allée trop loin pour être comprise… Cela aussi est dans l’ordre des choses.

Maintenant, non plus parcellaire mais complète, tu danses dans la région dépouillée.

Salut anonyme au coeur incandescent, plongé dans le silence de ton vide.
Il n’y a plus rien à dire,
Désemcombré,
À la puissance Zéro tu vis,
Pur étant !
Simple chose que voilà,
Dans la simple chose d’être-là !

t.zéro :-D

*Krishnamurti (Poèmes et Paraboles 1981)
**Danse de Shiva

Nous passerons demain debout sous le vent

Veillant en soi-même d’une veille infinie, avec le temps, l’horreur même devient beauté.

Alors seulement, la prière imperceptible aura produit une onde qui, propagée à l’infini, se résoudra en Acte de Paix ! Oui ! Par la grâce de la prière, nous finirons par voir les nuages de feu se transformer en eau de miséricorde !

Résister, oui !, mais poétiquement !

« L’effort du poète vise à transformer vieux ennemis en loyaux adversaires. À tous les repas pris en commun, nous invitons la liberté à s’asseoir. La place demeure vide mais le couvert est mis. »

Mais toujours, malgré les horreurs, les deuils, les souffrances, les guerres, demeure la poésie et son but ultime de transparence, de transcendance !

« Au plus fort de l’orage, il y a toujours un oiseau pour nous rassurer. C’est l’oiseau inconnu. Il chante avant de s’envoler. »

Dans nos ténèbres, il n’y a pas une place pour la Beauté. Toute la place est pour la Beauté.

Salut à celui qui marche en sûreté à mes côtés, au terme du poème. Il passera demain debout sous le vent.

Shalom, Salam, Pax !
t.

• Arthur Rubinstein – Franz Liszt – Liebestraum n°3 (Rêve d’amour… un document précieux !)
• Citations in Feuillets d’Hypnos, René Char, éditions Poésie / Gallimard , Hypnos est le nom de résistance de René Char.

Israël-Gaza : devoir d’insolence

Égarés, perdus, étrangers à eux-mêmes (et aux autres !), certains hommes aujourd’hui n’ont plus le moindre repère… mais hélas ils n’en cherchent pas non plus, certains qu’ils sont d’être parfaitement établis dans la réalité indiscutable, ayant trouvé le repère ultime, le bon, le seul, l’unique : le manichéisme. Non pas le manichéisme ontologique, médité et argumenté, enseigné par Mani, qui invitait ses adeptes à surmonter le royaume des ténèbres par l’accroissement de l’intensité de la lumière. Leur manichéisme à eux, celui qui exclut, qui décrète qu’il y a les hommes de bien d’un côté et les hommes du mal de l’autre, n’a rien à voir avec celui de Mani qui préconise la douceur, la bienveillance, et de ne pas s’opposer au mal en se croyant hors du mal, mais au contraire en se reconnaissant aussi en lui, et lui en nous, en acceptant sa réalité et sa prise sur nous-même afin de le transformer, le rédimer. Une proposition toute Christique, donc, car ce qui s’esquisse là c’est déjà l’Amour comme rédempteur de l’espèce humaine !

Mais je n’ai pas l’âme métaphysique, cette nuit… J’ai plutôt l’âme d’un oiseau blessé par le refus de ses congénères à prendre leur envol (on voit tellement plus clair d’en haut !), et qui leur demande sans cesse : « Pourquoi ne voles-tu pas ? Quel est donc le poids qui t’empêche de voler avec moi ? Qui t’oblige à rester inerte sur la Terre ? »*

Face à cette déferlante « manichéiste » qui souffle un peu partout, notamment autour de ce fameux conflit israélo-palestinien, face à cette vague incontrôlée qui procure à tous ceux dont elle s’empare une si bonne conscience et l’absolue conviction de détenir la Vérité, d’agir en détenteurs et représentants exclusifs du Bien en défendant à cor et à cri non pas les palestiniens, mais le Hamas (comme si sa Charte n’était pas suffisamment éloquente sur le projet de société qui est le sien), contre un Axe du Mal Absolu incarné par les juifs (comme s’ils ne souffraient pas aussi, soit dit en passant, de cette situation terrible), face à cette certitude indiscutable que « les juifs » ne poursuivent qu’un seul but, celui de tuer, de massacrer, d’exterminer gratuitement des innocents, par simple application de leur nature foncièrement inhumaine, face à tout cela, c’est un fait, l’humain en moi est effrayé, terriblement effrayé !

Non pas pour « moi », mais pour la Bonté Humaine, la Bienveillance Humaine, la Fraternité Humaine, la Vie !

Quelle réponse proposer, quel argument apporter aux Gens du Bien, à tous ceux qui ne doutent pas un seul instant d’être les détenteurs de la vérité, du jugement juste, du bien ? Que dire aux bons, aux toujours bons, immobiles dans leur certitude et tellement satisfaits de ce confortable manichéisme, citoyens d’un monde où l’opinion dicte la vérité aux faits, et pour qui l’univers se divise en deux camps essentiellement inconciliables ? Dans un tel monde, ceux qui n’agissent pas guidés par la seule émotion, qui cherchent et qui doutent, qui tentent de dépasser le simplisme binaire et d’analyser les enjeux et les valeurs défendues par les uns et les autres, tout en tenant compte des conditions locales spécifiques, ceux-là sont considérés d’office comme ennemis de l’humanité, incapables de compassion et réfractaires à la justice et à l’évidence du Bien.

Il est vrai que ce monde de l’image et du zapping dans lequel nous vivons prédispose davantage à la propagande émotionnelle qu’à la réflexion. Quand le « choc des photos » tient lieu d’argument, le discours s’arrête. Mais la justice et la raison s’en trouvent-elles nécessairement renforcées ? Et la recherche des responsabilités, nécessairement partagées et mutuelles, s’en trouve-t-elle facilitée ?

Et les souffrances des êtres humains engendrées par la guerre dédouanent-elles nécessairement ceux qui les dirigent de toute faute et de toute responsabilité, et doivent-elles faire oublier la teneur des idées qu’ils promeuvent ?

Le monde est en guerre, le monde souffre, partout (ou presque), les crises se propagent, s’amplifient et se multiplient. Ce n’est pas le moment d’abdiquer de notre intelligence, de notre raison et de l’universalité de notre humanisme !

Il semble hélas qu’en France, lorsqu’il s’agit de la Palestine, la mesure fasse systématiquement défaut. Pourquoi ?

Est-ce parce que regarder en face ce que le Hamas projette, et risquer d’y voir la négation de tout ce que le siècle des lumières nous a légué, remettrait en cause trop de certitudes et de vérités automatiques ? Est-ce parce qu’il est tout de même difficile d’accepter de trahir ouvertement le meilleur de nous-même, et qu’il est dès lors plus aisé, pour continuer à penser de façon binaire, d’occulter la réalité du Hamas ?

Est-ce parce qu’il est devenu inconvenant et presque scandaleux de dire que, même si Israël aussi a tort, comme tous et comme chacun, il lui arrive aussi d’avoir raison et de mener un combat qui, sur le fond, est utile aux valeurs universelles ?

S’il est un message qu’il me paraisse important de faire passer, en cette circonstance comme en de nombreuses autres, c’est que rien n’est plus dangereux, humainement parlant, que de se considérer comme détenteur de la vérité, comme représentant du bien et de la justice. Il n’y a pas, sur cette Terre, de lumière sans ténèbres. Il n’y a pas d’innocents absolus, ni de coupables absolus. Chercher ce qui nous unit plutôt que, systématiquement, ce qui nous divise : telle est à mon avis la seule solution qui nous reste pour que demain existe encore.

Humainement, donc imparfaitement vôtre,
t.0 ????

t.

« *Ainsi parlait Zarathoustra 


Sinfonia concertante by Mozart, Oistrakh David and Igor Movt 1
Dialogue. L’alto répond au violon.