HOMO HOMINI LUPUS ?!
Non, L’homme n’est pas (seulement) un loup pour l’homme.
Homo sum, et humani nihil a me alienum puto.
Même en sachant, pour en avoir fait l’expérience maintes et maintes fois, que l’homme est (aussi) un loup pour l’homme, et que si nous considérons sans angélisme la société humaine dans son ensemble, nous sommes bien obligés de reconnaître que nous sommes continuellement en guerre contre nous mêmes, et que notre pire ennemi, le plus cruel de tous, c’est nous-mêmes ;
Même se je suis consciente que la société humaine s’est édifiée à travers une lutte sans merci et une compétition alimentée par les rivalités et les méfiances, où le principal but est, et a toujours été, comme dirait Thomas Hobbes, le profit, la sécurité et la réputation ;
Même si je sais qu’en temps de guerre et de crise, chacun devient l’ennemi de chacun et que chacun ne cherche in fine qu’un bouc émissaire pour exorciser ses peurs et sa frayeur ;
J’aime à penser et à croire néanmoins que le meilleur de nous-mêmes finira par triompher, en d’autres termes que la force obscure et cruelle en nous sera transmutée, transcendée en une force lumineuse, qui se nomme fraternité, solidarité, Amour !
Dernièrement, des signes avant-coureurs et à mon avis exponentiels de la recherche effrénée d’un bouc émissaire se font de plus en plus pressants… Ne serait-ce que dans le monde politique, familier de tous, un signe aisément visible en fut la cristallisation d’une forme de haine automatique envers la personne de Nicolas Sarkozy, cible expiatoire idéale. Ségolène Royal figure en bonne place à ses côtés, comme d’ailleurs dans le fameux kit des poupées vaudou, mis en vente à cet effet. Et voici maintenant le tour de Rachida Dati, dernier être humain désigné par acclamation comme bouc émissaire consensuel, élue pour être « lapidée » en place publique.
Il se trouve, pour le meilleur et pour le pire, que je suis consciente d’appartenir au genre humain, qu’à ce titre, rien de ce qui touche à un homme ne m’est étranger, et qu’il m’est donc impossible de rester indifférente.
« La première fois, dit saint Augustin, qu’on entendit prononcer à Rome ce beau vers de Térence : Homo sum, et humani nihil a me alienum puto, il s’éleva dans l’amphithéâtre un applaudissement universel ; il ne se trouva pas un seul homme dans une assemblée si nombreuse, composée de Romains et des envoyés de toutes les nations déjà soumises ou alliées à leur empire, qui ne parût sensible à ce cri de la nature. » Ce cri précurseur de l’évangile ! Aujourd’hui, hélas !, je n’entends aucun cri semblable, ou si peu, aucune parole de protestation clairement et explicitement assumée.
Et pourtant, oui, il est urgent d’établir une solidarité réciproque, fraternelle. Urgent d’apprendre à nous Aimer les uns les autres, à rechercher ce qui nous unit et pas seulement et continuellement ce qui nous divise.
Il faut que tous les hommes de bonne Volonté, au lieu de se taire par peur du ridicule ou par commodité, s’insurgent contre toute injustice, fût-elle commise envers le camp adverse ! Or une des plus grandes injustices est celle qui se traduit par la livraison d’un être humain à la vindicte publique, en lui retirant systématiquement et délibérément tous ses attributs et toutes ses qualités humaines, pour mieux justifier notre haine de l’autre et renforcer notre sentiment d’appartenir au côté des bons, des purs, des dignes.
Avec la crise financière qui ne fait que commencer et dont les conséquences seront terribles pour tous, j’ai peur, très peur de cette montée de la haine, bien visible et palpable.
Alors je vous le dis en fraternité, Madame Rachida Dati, l’homme ne pas seulement un loup pour l’homme : il en existe quelques uns qui ne craindront jamais de témoigner de leur solidarité.
Alors, comme je l’ai fait ici pour Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy — contre tant d’avis contraires et au prix de tant de protestations véhémentes ! —, je tenais à le faire également pour vous.
Bon courage, bon vent et bienvenue à votre enfant !
Humainement,
t.
David Oistrakh, Debussy – Clair de lune