Vagabondage à corps perdu

Voyage en Italie

Portrait en Toscane (Toscana, Toscany)

L’esprit réclame de l’unité, une connaissance immédiate qui fasse naître l’unité. Il désire faire autre chose que les petitesses de toutes sortes qui l’oppressent sans répit, de tous les côtés, jour après jour. L’esprit désire l’ouvert, l’illimité, la transparence. Le voilà prisonnier de la pesanteur des faux semblants, des idéologies des bien-pensants, de la médiocrité érigée en modèle, d’une pensée linéaire, d’un monde où l’étroitesse et la platitude débouchent sur une impasse où seule la mort est délivrance.

Et l’Esprit prisonnier dans l’homme devient comme un ivrogne (sur)vivant dans un brouillard continuel, sans rien voir, ni entendre, ni sentir, ni ressentir. Somnambule, amnésique, désenchanté de tout. Et tellement las ! Désorienté, il ne cherche plus à aller au-delà des possibilités de sa propre nature.

L’humain ne rêve plus de l’Humain : l’homme se rêve D.ieu. Mais comme il a « tué » D.ieu, il n’a pas d’autre modèle que ses puissantes machines dépourvues d’âme.

Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, l’homme refuse et réfute la transcendance !

Et puisque la transcendance est le propre de la Vie en Elle-même, l’homme, tel que nous connaissons, se meurt…

Il est urgent et vital de re-sacraliser le monde et de restituer à la vie sa transcendance originelle. Plus réel que le monde dit réel, le monde de la Poésie est notre dernière chance de salut. Ultime ressource, ultime porte vers l’Être, le Vrai ! Il nous faut retrouver cette porte pour permettre à la Vie de continuer à jaillir, car c’est par elle que passe l’axe vertical de la transcendance, dont le « monde du dehors » est totalement dépourvu.

Ah ! Se désencombrer en simplifiant l’esprit, quitter le discours pour retrouver la parole d’avant la parole, le souffle, l’inspiration. Consentir à être comme une lame qui s’affûte jusqu’à n’être plus rien… Effacer, s’effacer dans l’infiniment vide… juste-là !

Percevoir la Terre, les Hommes et les choses de la Terre, non plus comme des Hommes et des choses, mais comme des Présences.

Percevoir le sacré, non plus comme théologie, mais comme poésie, et la Vie, la vraie, comme l’expérience poétique optimale de la conscience éveillée à elle-même, au sein de sa propre création.

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Toscana, Toscane, Toscany

© @natachaqs et @sachaqs

Alpilles : l’élégance intérieure

Champ d'oliviers dans les Alpilles

Partition Provençale

Ici, c’est la petite enfance des Alpes.
La chaîne minérale, comme bercée par la lumière, s’élance doucement vers l’espace.

J’imagine qu’il fallait un appel si formidable qu’une oreille humaine saurait à peine le soutenir, pour amener les humbles Alpilles à croître vers le ciel, et devenir les Alpes majestueuses !

Avec ses crescendos vertigineux, la voix du mistral porte, souffle, insuffle vaillamment cet appel d’en haut.

En s’élançant amoureusement vers l’azur, la masse minérale a accouché de cette Vallée des Merveilles, une vallée de haute montagne à fleur de terre…

Paysage poétique aux lignes épurées, à la terre infiniment travaillée par le vent solaire. Des lignes et des reliefs dans lesquels ne demeure que l’essentielle beauté ! La simplicité majestueuse des oliviers, des cyprès qui s’inclinent élégamment, en discrète révérence à cette terre qui les accueille, qui nous accueille et nous dévoile l’essentiel, le vrai, le réel !

Portés par la lumière, nous découvrons que la vallée entière est avant tout musicale, composée de nuances de verts qui, progressivement, harmoniquement, changent d’intensité et donnent à voir cette œuvre en paysage.

Du mariage du crescendo vertigineux du vent et de l’andante gracieux de la terre est née la lavande. Elle a en elle la fugue hautaine du « père », et l’infinie et si douce humilité de « la mère ». S’ensuit toute une famille provençale de troubadours terriens, comme le thym, le romarin, arrimés fermement à la bienveillante garrigue, qui, allegro ma non troppo, les reçoit en elle.

Terre de Provence ! Terre céleste ! Sensation ineffable de suspension du temps…

« Je » s’absorbe dans le vide de façon imperceptible, et ne voyant pas venir la nuit, n’allume pas ses lumières. Et c’est ainsi que se révèle à ses sens transcendés, non pas le passage du jour à la nuit, mais la graduation harmonique de la lumière en elle-même.

Soleil de minuit, déploiement de la fondamentale, affirmation de l’affirmation, pure paix, pure joie d’être là.

OUI !

Le Oui est un pur chant, chanté silencieusement. Et ce chant, chanté en silence, n’est rien d’autre que la Lumière.

Ici, la lumière monte vers la lumière.
Ici, la lumière descends sur sa lumière.
Ici, c’est…
Lumière sur lumière !

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P.S.: Fin des Démonstrations

Le vide, à sa plénitude, ne démontre plus rien, n’a plus à argumenter, car Il est l’argument ultime !
La lumière, à son zénith, ne démontre plus rien, n’a plus à argumenter, car Elle est l’argument ultime !
La poésie, à son sommet, ne démontre plus rien, n’a plus à argumenter, car Elle est l’argument ultime !
Le chant, à son apogée, ne démontre plus rien, n’a plus à argumenter, car Il est l’argument ultime !
La Joie, à son faîte, ne démontre plus rien, n’a plus à argumenter, car Elle est l’argument ultime !
La Paix, à son accomplissement, ne démontre plus rien, n’a plus à argumenter, car Elle est l’argument ultime !
OUI ! OUI !
Le Oui confirmé, c’est l’affirmation de l’affirmation, et l’affirmation de l’affirmation, c’est la Vie !

photo @natachaqs

N’oublie pas que tu vas mourir

Philosopher, c’est se préparer à la mort.
Mais se préparer à la mort, qu’est-ce que cela signifie, à quoi cela rime-t-il, puisque chacun entame son chemin vers la mort, à l’instant même où il voit le jour ?

Puisque la Vie est tout ce qui est, la mort n’est pas et ne saurait être.
Alors, qu’est-ce que la mort, si elle n’existe pas ? Qu’est-ce que la mort, sinon l’ignorance ? Et l’inconscience de notre propre ignorance…

Même s’il est dit, depuis des millénaires, que notre plus grand obstacle est l’ignorance de nous-mêmes, et que le but de toute existence est la connaissance de soi qui transforme notre moi particulier (lequel fait de nous des prédateurs, orgueilleux, individualistes et indifférents au malheur d’autrui) en un moi universel, par lequel l’humanité n’est plus perçue comme « au dehors », mais comme « au dedans de soi-même ». Se percevoir non pas comme une partie, mais comme la partie et le tout à la fois, indivis, solidaire. Un seul et même organisme, une seule et même conscience, un seul et même être !

Oui, cela a toujours été dit, mais l’homme (à quelques remarquables exceptions près) reste sourd, insensible, indifférent à cette information, pourtant essentielle pour toute expérience de vraie Vie !

Chacun considère que la Terre est le cadre d’une super production personnelle dont le scénario le concerne exclusivement, dans laquelle il est non seulement le metteur en scène, mais aussi l’acteur principal, et qui n’accorde au reste de la planète (tous royaumes confondus) que des rôles de figuration, et encore !
Et si d’aventure, devant la mort d’autrui, un sursaut de lucidité lui faisait entrevoir la vanité de toute existence séparée, ego-centrée, et comprendre que l’important c’est d’aimer et d’être aimé, aussitôt le voile de l’indifférence vient recouvrir sa perception et lui faire à nouveau oublier sa propre mort !

C’est bien connu, ce sont les autres qui meurent, pas nous ! Moi, je suis immortel !

Si d’un certain côté cela est vrai (puisque « quand la mort est là, je ne suis pas, et quand je suis là, la mort n’est pas ! »), d’un autre côté, qui suis-je et qui est l’autre, celui qui meurt ? Est-ce que je le sais vraiment ?

Qui parle, quand Je parle ?
Qui meurt, quand Je meurs ?
Qui vit, quand je vis ?

Connais-toi toi même et tu connaîtras les Dieux et l’Univers

Connais-toi toi même et tu sauras Qui est Le Vivant qui ne meurt jamais !

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Pourtant, sous la tutelle invisible d’un Ange,
L’Enfant déshérité s’enivre de soleil,
Et dans tout ce qu’il boit et dans tout ce qu’il mange
Retrouve l’ambroisie et le nectar vermeil

L’errant voyageur

Nous sommes l’Être en devenir,
Et…
L’être en transition, limités et inachevés, certes, mais transpercés par l’Éternel

Atome d’un instant, atome d’éternité
Source infiniment ouverte d’où jaillit la Présence

Errants

Nous voici, tous : dans une caravane de rêve !

L’errance infinie de la caravane
trouve son point d’arrêt
dans le coeur de l’homme.

Il y a un temps pour tout, et tout temps est transit !

Chanson du Rappel

Tu es à jamais voyageur… Nuitamment tu parcours la route qui mène d’un monde à l’autre.
« Tout entier oreilles », tu franchis les ponts et les passerelles par la grâce de la fondamentale.

Tu es à jamais voyageur…
Tu ne peux t’établir nulle part ailleurs qu’en toi-même

Tu es à jamais voyageur, universel voyageur
Que de voyages n’as-tu accomplis ? À peine arrivé, tu ne tardes à partir…

Tourne et retourne, Amie !
Tourne et retourne en toi-même.

Suis les scintillements des lumières
Poursuis ta route sereinement

Le chemin apparaîtra à mesure de tes pas
Tu sais déjà que « Celui qui voyage en Soi ne gagne que Soi-même ».

Que la transcendance est immanente à la conscience
Elle-même, Soi-même, Cela, le Sans-Nom…

Errant voyageur,
Errant navigateur,
Entre deux mondes tu voyages.
Tu connais les pièges du monde extérieur et tu ne te contentes pas de ses contours.
Tu sais le caractère éphémère de la vie du dehors.

Toi qui perçois les mondes de l’intérieur,
Toi qui contemples l’intérieur de la créature,
Toi qui perçois
L’âme de l’univers

Double transcendance du Sujet et de l’Objet
Tu es
À jamais voyageur, universel voyageur

Errant voyageur,
Déroutant voyageur
Pourquoi partir à Sa recherche puisque qu’Elle est Omniprésente ?

t.0 ????


Bach – Goldberg Variations: Aria (Glenn Gould)

HOME planète

exode
Photo : Sebastião Salgado

Hier, en visionnant sur l’Île Verte, le très beau film de Yann, « HOME« ,  je me suis dit qu’il fallait vraiment le remercier, lui, et tous ceux qui ont permis que le film existe et soit largement diffusé. Il reste néanmoins que le problème majeur de notre situation présente sur Terre, qui contient en lui-même la solution, n’a pas vraiment été abordé… La pollution est mentale avant tout, la dégradation de notre Maison/Home est en rapport direct avec la dégradation de nos valeurs humaines : fraternité, solidarité, respect de la dignité de chacun… L’Occident n’est certes pas la totalité de la planète – heureusement ! –, et la vision occidentale, je dirais même française, est et reste limitée à ses propres limites.

C’est parce que nous sommes individualistes, égoïstes et superbement arrogants, que nous avons érigé l’avoir en valeur suprême, au détriment de l’être : la possession comme mode de vie, comme but ultime. Nous voulons toujours plus et ne sommes jamais satisfaits – dans le matériel comme dans les rapports humains.

C’est cette avidité qui est la source majeure de l’épuisement de notre Home. Nous ne croyons qu’au progrès, qui nous apportera toujours plus, et refusons toute idée de progression intérieure. Nous n’aimons pas la transcendance. Nous vivons à courte vue, ne voyant pas plus loin que le bout de nos désirs de consommer toujours d’avantage, coûte que coûte, jusqu’à la totalité de nos ressources humaines et terrestres. Nous ne transmettons plus rien : ni les ressources de la planète, ni les valeurs culturelles, ni les responsabilités, économiques et politiques, auxquelles on s’accroche jusqu’à son dernier souffle, ni même les moyens financiers accumulés, utiles parfois au développement de nos enfants, mais que le fameux progrès nous permet de dépenser jusqu’au terme d’une vie toujours plus longue, dans le seul but d’une jouissance immédiate et sans limites.

Je sais par expérience que ce perspective est plus difficile à embrasser qu’une perspective somme toute technique sur les conséquences de l’utilisation abusive du pétrole, de l’agriculture intensive, de la déforestation et de l’exploitation insensée des ressources. Ce discours conduit finalement à l’idée que tout ne va pas pour le pire dans le royaume de l’occident, puisque le problème est maintenant identifié et que la science des pays riches a trouvé des solutions, qu’il suffit en quelque sorte d’appliquer : le miracle aura forcément lieu ! La formule « il est trop tard pour être pessimiste » résonne comme une incantation dans le film. Mais il ne s’agit ni d’optimisme, ni de pessimisme : il s’agit de l’état des lieux – sur tous les fronts, y compris humain –, et de notre capacité à en prendre acte. Pour qu’il y ait changement, il faut que l’homme change, et cela dépend de nous, de chacun de nous. Il nous faut non seulement une prise de conscience individuelle, mais un développement de notre conscience qui l’amènera du particulier à l’universel. C’est la condition sine qua non pour que demain existe encore !

Une certitude : c’est de désamour que nous souffrons, ce désamour qui nous a rendu indifférents aux Hommes et à la Terre. Notre avidité aussi y trouve sa source.

Et si la solution n’était rien d’autre que ce mot d’ordre révolutionnaire : « Aimons-nous et aimons-nous les uns les autres » ?

AMEN. ????

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