L’humanité comme projet

« Voici je te place devant la vie et la mort, et tu choisiras la vie. »*

L’HUMANITÉ COMME PROJET
(Esquisse d’une proposition sans autre prétention que de participer à une réflexion pour l’après.)

En nous débarrassant des nos egos surdimensionnés, nous devenons capables de puiser dans la miraculeuse source d’énergie de Vie que nous avons tous en nous, et de faire que l’impossible devienne le Possible.

La conception purement individualiste, hédoniste et utilitariste de l’existence nous a mené là où nous sommes aujourd’hui. L’erreur serait de penser qu’à l’issue du confinement, nous reviendrons au statu quo ante. Comme s’il s’agissait d’une parenthèse à oublier aussi vite que possible.

Nous sommes face à un défi existentiel, une crise civilisationnelle et, pour le moment, un avenir sans avenir ! Des forces sidérantes, imprévisible et incontrôlables ont réussi à balayer la certitude que nous avions de détenir le pouvoir absolu sur la Terre et la Nature. Le coronavirus nous rappelle que nous sommes de simples mortels éphémères, et que notre immortalité se trouve dans notre humanité, où « humanité » signifie : communauté de destin, et ne se limite pas au genre humain, mais englobe tout le vivant sans exception, y compris notre sublime Terre. Et que si nous voulons nous en sortir, il nous faudra faire preuve d’humanité, ici et maintenant.

Dans cette perspective d’un devenir possible pour l’homme post-coronavirus, l’humanisme consiste en la proposition d’œuvrer pour que l’humanité – présente en puissance mais sans certitude chez homo-sapiens – advienne bel et bien. Et pour cela, à faire appel à l’universalité potentielle d’humanité dans chaque individu.

L’humanisme est donc un projet et, par là-même, une éthique désignant comme bien, beau et bon, ce qui forge l’idéal de la communauté et de la dignité humaine. L’éthique humaniste n’implique pas une attitude complaisante ou infantilisante envers l’homme, ni un anthropocentrisme arrogant et méprisant, mais plutôt la mise en œuvre des conditions nécessaires à l’humanisation – conditions éducatives, appuyées sur une connaissance sans complaisance des caractéristiques de l’homo-sapiens (capable aussi bien du meilleur que du pire), permettant de comprendre ce qui peut faire advenir une l’humanité, opposable à la barbarie sans cesse renaissante.

Nous avons préféré l’économie à l’humain, l’individualisme face au collectif, la compétition à la coopération.
Nous avons à présent le devoir, ou plutôt l’obligation de faire un choix. Poursuivrons-nous dans la voie glaciale et aride de la compétition, ou nous engagerons-nous dans celle de la coopération ? Allons-nous continuer de choisir l’avoir au détriment de l’être ? Donnerons-nous la priorité aux possessions et au paraître comme manière d’être au monde, ou choisirons-nous l’authenticité et le partage pour le bien de tous ?

Je pense que si, une fois la frayeur passée, comme il en va souvent avec notre espèce, nous choisissons de faire comme si de rien n’était, dans la quasi totale indifférence les uns aux autres, nous sommes voués à aller de crise en crise, de désespoir en désespérance, jusqu’à la guerre de tous contre tous.

Mais nous pouvons aussi choisir, dans le but de comprendre, de nous raconter notre propre histoire. Une histoire sans méchants ni gentils, sans héros ni victimes désignées. Sans boucs émissaires.  Nous pouvons faire ce choix, si nous aspirons vraiment à comprendre comment nous en sommes arrivés là.

Car en réalité, nous ne savons plus comment nous en sortir !

Mais si « vivre, c’est naviguer dans une mer d’incertitudes », c’est aussi tout simplement choisir la Vie ! Pour une fois, véritablement, en toute conscience, choisir… l’Humanité comme projet.

Il est beau que, dans la langue française, « humanité » désigne à la fois l’espèce elle-même et le sentiment qu’elle doit inspirer à chacun envers tous les autres. « L’humanité n’est pas qu’un groupe à l’intérieur de l’animalité : c’est un dessein, un projet, un programme ! ».

Et si l’an Un Après-Coronavirus était celle où nous allions faire advenir, ensemble, tous ensemble, par l’union de toutes nos forces vives, un nouveau paradigme, juste et humain ?

J’aime à penser que quoi qu’il advienne, nous nous en sortirons. Mais c’est à la condition que nous acceptions que nous ne savons rien de la manière d’y arriver, et que nous avons tous fondamentalement besoin des autres pour vivre. Que nous nous rappelions qu’au-delà de déclarations occasionnelles sans conséquences réelles, nous n’avions nullement anticipé l’effondrement, et que nous avions « oublié » notre interconnexion à tous. Alors, est-il possible que pour une fois, avec humilité et bienveillance, nous soyons véritablement à l’écoute les uns des autres, manifestant un respect authentique les uns pour les autres, dans la recherche du bien de tous ?
Dans la grâce de l’« après vous », si cher à Levinas ?

Pour moi, la réponse est oui.

On y va ?

*Deutéronome, chapitre 19

« QUI DONC, SI JE CRIAIS, M’ENTENDRAIT… »

« QUI DONC, SI JE CRIAIS, M’ENTENDRAIT… »*

« Je chante, et ton âme frémit en reconnaissant d’anciennes paroles ; une voix qui est en toi, et qui s’était tue depuis bien longtemps. »**

Je donnerai toutes mes aurores, mes plus beau rêves, mon sommeil… pour dissoudre l’ennuitement qui nous plonge soudain hors de la joie, hors du printemps.

Ô ! Qu’elle vienne, qu’elle vienne l’ardente flamme des lendemains qui chantent, nous allumer, nous illuminer de l’intérieur.

Quelle vienne la parole poétique qui dissout les ténèbres, repousse la tristesse, disperse les lourds nuages du désenchantement et de la douleur qui enveloppent nos âmes sidérées.

Qu’ils viennent les mots qui guérissent, les mots pardonnants, les mots consolants, tendres et bienveillants. Les mots lumière qui tisseront un nouveau paradigme, un Nouveau Monde !

Des mots qui inspirent à nous Âmes l’ardent désir de l’Humanité, de la Solidarité, de la Fraternité de chacun envers tous les autres.

Des mots d’AMOUR, en somme !

 

*Rilke – Elégies de Duino.

**Le Sefer Ha Zohar (Livre de la Splendeur)

Tableau : Michelangelo – Saint-Michel, chapelle Sixtine

Acquiescer

« Tous nous serions transformés si nous avions le courage d’être ce que nous sommes ».*

Voilà c’est parti, la bascule a eu lieu. Plus personne ne peut s’échapper à soi-même. Courage, plongeons à l’intérieur de nous-mêmes, là ou séjourne l’enfant que nous n’avons jamais cessé d’être. Allons bâtir un monde nouveau, un nouveau paradigme où nous serons nous-mêmes, simplement nous-mêmes, démasqués car libérés de tout ce qui n’est pas nous. Libres car désenchaîné des apparences trompeuses et des fausses valeurs.

Que cette société qui ne cesse de nous sommer de consommer sans cesse, de désirer toujours plus, d’être toujours davantage fascinés par les possessions les plus inutiles, que cette société-là se désagrège, ce n’est certes pas une mauvaise nouvelle ! Bien au contraire !

La bascule à laquelle nous assistons peut être l’opportunité de réaliser (enfin !?) que l’essentiel, qui est LA VIE même, nous ne l’avons jamais possédé. Cette VIE nous a été donnée en partage, prêtée pour un moment déterminé, même si nous en ignorons la durée, et à l’heure de la rendre, nous n’avons d’autre choix que d’acquiescer.

Il en est ainsi depuis le commencement : rien de nouveau à cela !

Depuis que l’Homme est l’Homme, les fêlés de la Lumière (aussi nommés « les fous de Dieu ! ») l’ont dit dans toutes les langues. Sans grand écho, à vrai dire. Alors, à quoi bon ? À quoi bon rappeler ce qui, même crié, n’est pas entendu ?

À quoi bon ? Vraiment ?

Allons… Ne saisissez-vous donc vraiment pas ? Ne comprenez-vous pas encore ? Auriez-vous le cœur endurci ?

Comme nous le  rappelle Sénèque: « Puisque tout ce que tu aimes et respectes et tout ce que tu méprises sera également réduit en un seul tas de cendres, prends conscience de ta finitude et de la vanité des possessions : tu ne t’attacheras pas trop aux biens matériels qui te seront tous soustraits avec tous tes désirs qui leur sont liés. »

Dans le secret de nous-mêmes, même si nous faisons semblant de ne pas savoir, NOUS SAVONS L’ESSENTIEL. Nous connaissons les vraies valeurs de nos existences terrestres. Ne vous les rappelez-vous pas ? Vraiment ?

LE VRAI, LE BIEN, LE BEAU, LE JUSTE. Sublime semplicità qui trouve son ultime accomplissement dans L’AMOUR !

 

* Marguerite Yourcenar
Tableau : Rembrandt le philosophe en méditation.

 

Temps Suspendu

Nous, les surpuissants, terrassés par l’infiniment petit.

À PARTIR DE MAINTENANT, NOUS ALLONS PEUT-ÊTRE ARRÊTER LA GUERRE DE TOUS CONTRE TOUS. Aller vers ce qui nous unit, si nous voulons, avant même de vivre de telle ou telle manière, déjà tout simplement survivre !

Notre arrogance, notre orgueil d’appartenir à l’espèce dominante en route vers l’immortalité, notre indifférence hautaine et glaciale envers tout ce qui n’est pas MOI, se trouvent brusquement confrontés au constat que nous sommes non seulement mortels, mais éminemment fragiles ! Comme toute œuvre d’art, à vrai dire… Si, si, vous avez bien lu : j’ai parlé d’ŒUVRE D’ART.

Dessillons nos yeux (ceux du cœur, d’abord) et nous verrons LA MERVEILLE qui est la VIE, ce mystère jaillissant de lumière et de beauté. Qu’elle se manifeste à nous comme une œuvre d’Amour qui dépasse notre entendement, ou comme un processus apparement hostile et  indifférent à la souffrance et aux malheurs des Hommes, la VIE toujours en mouvement nous porte vers notre évolution, notre accomplissement. Notre bien.

L’humanité évolue et à chaque étape nous devons lutter contre nous-mêmes, contre notre propre ignorance, contre « l’ennemi » qui est en nous…

À chaque étape, nous devons surmonter des obstacles biologiques, géographiques, atmosphériques, mentaux, afin d’apprendre davantage, de comprendre davantage, ce qu’est la vie et ce que nos sommes, nous les vivantes dans la vie.

À chaque étape, nous avançons. Pas à pas, nous évoluons dans la connaissance, la compréhension, vers le meilleur de nous-mêmes.

Cette fois-ci nous n’allons plus nous battre les uns contre les autres. Cette fois-ci nous avons un ennemi commun. Il n’est ni blanc, ni noir, ni rouge, ni jaune. Il n’est ni riche, ni pauvre, ni d’Occident, ni d’Orient.
NOTRE ENNEMI EST INVISIBLE. Il n’est qu’un virus. Le haïr serait absurde !

Face à cet ennemi universel, il n’y a a pas de bouc émissaire qui tienne. Pas d’autre dieu que L’AMOUR. Pas d’autre solution que la solidarité, la fraternité pleine et entière.
Pas d’autre rêve que celui de s’en sortir, ensemble, tous ensemble !

Maintenant, tout n’est plus quand je veux, si je veux, tout-de-suite. « Moi d’abord », c’est fini ! Nous sommes obligés de coopérer, de nous supporter les uns les autres, de faire cause commune, si nous voulons qu’un demain humain existe encore. Pour chacun de nous, comme pour NOÛS tous.

Je crois cela possible, je crois que nous le pouvons, si nous le voulons.
JE CROIS EN L’HUMANITÉ !
ET VOUS… ?

Invitation au beau geste

Le « beau geste » nous fait sortir de nous-mêmes, de nos limitations, en nous attirant vers le haut !
Un beau geste est toujours également une bonne action. Et réciproquement.
Car celui qui fait le bien fait en même temps le beau.

Pour Bergson, « l’état suprême de la beauté est la grâce, or dans le mot grâce, on entend la bonté, car la bonté est la générosité d’un principe de vie, qui se donne indéfiniment. Donc à travers le mot grâce, beauté et bonté ne font qu’un. »

C’est si vrai : dans notre merveilleuse langue française, « grâce » signifie à la fois la beauté et la bonté.
C’est en ce sens que les deux sont inséparables. La beauté véritable, celle qui sauve, est la divine Grâce en laquelle vérité, beauté et bonté se confondent.
Elle apaise, guérit et restaure l’harmonie. Elle nous émerveille en nous transportant dans la joie !
Authentique, elle ouvre le cœur humain à la nostalgie de la lumière, au désir profond de connaître, d’aimer, d’aller vers l’Autre – vers ce qui est au-delà de soi.

Si nous consentons la beauté/bonté, nous voyons que nous sommes touchés au plus profond de nous-mêmes. Soudain nous sommes à vif, ouverts à l’Ouvert. Nous redécouvrons le sens profond de notre existence, le Mystère qui nous enveloppe, nous porte et nous transporte : l’Amour !

« Cet Amour là dont nous sommes issus
Cet Amour là, dont nous sommes faits » (Ibn El Arabi)

Cet Amour là, auquel nous aspirons parfois sans le savoir.

Finalement, si la beauté/bonté peut « sauver le monde », c’est qu’elle nous ouvre à la vision de l’intérieur, celle qui nous fait voir avec le cœur, où seul l’Amour peut nous conduire. Et à la lumière de cette trans-figuration qui rend visible l’invisible, nous voyons que L’UN EST L’AUTRE.

C’est ainsi que le beau geste devient l’instrument que nous réconcilie, qui nous guérit, nous harmonise avec nous-mêmes, avec le ciel et la Terre !

Oui, la beauté sauvera le monde.
Alors permettez-moi de nous inviter tous à ce beau geste, plein de grâce, qui est d’abord bienveillance les uns envers les autres. Par cette beauté, transmuée en bonté, le meilleur de nous-mêmes se révèle, nous unifie et nous ramène à nos origines, chez NÔUS, là où se résout toute séparation.

Ô crois, ô mon cœur
Le printemps arrive et l’été viendra !
Et nous oublierons tout ce chaos, toute cette douleur. Toute désespérance.
Ô crois, ô mon cœur
La joie reviendra !