Pacifiste ou lâche, comment savoir ?

Raphaël, L’École d’Athènes, fresque, Vatican.

J’avais 10 ans et j’étais chez mon grand-père Oscar, au milieu de ses terres. Oscar, un grand seigneur dont la puissance me semblait illimitée. J’avais le sentiment d’être devant un espace tellement ouvert que la Liberté y était chez elle ! J’ai été élevée au milieu de garçons qui se battaient sans cesse, pour prouver qu’ils étaient de VRAIS hommes, avec un H majuscule ! Qu’ils étaient « les vrais héritiers ».

Quand nous jouions au foot, ils s’amusaient à me jeter le ballon dans la figure, à me taper dessus. J’étais l’indésirable maillon faible qu’il fallait exclure (y compris de l’héritage : ils ne comprenaient pas, les bougres, qu’être riche d’argent n’était pas le but de ma vie !).

Un jour, lors d’une de leurs joutes ils m’ont fait tomber lâchement de mon cheval. À terre, je les regardais sans vraiment comprendre, avec mes yeux de biche blessée, sidérée. Ce jour-là, par une heureuse providence mon grand-père passait par là.

Furieux envers moi – sa préférée -, il a crié : pourquoi tu te laisses faire ? J’ai répondu comme toute bonne juive, élevée par un prêtre jésuite et sculpteur italien (oui, ça existe) : parce que je suis pacifiste ! Il m’a regardé du haut de son 1m90, avec son regard noir de colère : « Pacifiste ou lâche ? Comment peux-tu savoir si tu te soumets ? »

« Va, me dit-il, va te battre ! Tu vas prendre des coups, et des coups bas, très bas même, mais regarde, réfléchis, apprends d’eux. Apprends de la vie. Tu es intelligente, tu vas vite comprendre. » Mon grand-père était mon modèle de dignité, de force, mon héros. Je me suis mise debout et j’ai obéi !

Il avait raison : depuis ce jour, j’ai foncé tête baissée. J’ai pris énormément de coups, des coups bas, très bas, je mangé de la poussière, j’ai eu des côtes fêlées, des claques dans la figure… mais j’ai appris surtout qu’ils ne sont forts qu’en meute ! Que ce sont eux les lâches. OUI ! In fine, avec mes cousins – d’abord – j’ai appris à me battre, et malgré eux à gagner souvent, très souvent. Il ne restait et ne reste, qu’UNE seule différence entre eux et moi. Je n’attaque pas par derrière. Je n’ai jamais éprouvé aucune satisfaction à me battre, à guerroyer, à mépriser l’adversaire ! Victorieuse, je les aidais plutôt à se relever, car je ne me bats pas non plus avec de plus faibles que moi (honneur oblige !).

C’est ainsi que nous avons bâti un respect réciproque. J’étais, je suis (presque) une des leurs. À une nuance près : je sais me battre, mais loyalement, et je ne connais pas la peur. Et surtout, je sais désormais avec certitude que ce n’est pas de la lâcheté : je suis fondamentalement pacifiste. Sauf… si on vient me chercher !

À bon entendeur… salut !

#TimeToBeBrave

Réponse à la meute à mes trousses, aux enragés, aux haineux, à tous les ennemis de la VIE et de la LIBERTÉ

OUI, JE SAIS… je suis absolutiste, j’aime la hauteur. (Hautaine ? Peut-être !) Vous ne m’impressionnez pas, et d’ailleurs je ne suis pas impressionnable. Oui, je sais… je suis libre et cela vous insupporte. Je considère n’avoir de compte à rendre à personne, et cela vous horripile, vous qui aimez tout contrôler, tout avilir, tout asservir, et qui êtes prêts à tout pour y arriver, y compris les mensonges les plus grossiers, la terreur bestiale, la barbarie. Oui, je sais… vous enragez du fait que ma liberté ne soit pas négociable, vous qui pensez pouvoir tout acheter. Je n’ai pas peur de vous ! Alors gardez vos menaces et vos chantages misérables ! S’il faut faire la guerre pour défendre mes valeurs et les miens, soyez absolument certains que je le ferai.

À part ça, oui, je suis aussi élitiste : je souhaite le meilleur pour tous ! Si ce n’est pas votre cas, alors restez dans la médiocrité, mais ne comptez pas sur moi pour vous y rejoindre !

Ah, et enfin, si ça vous chante, continuez à me qualifier, avec toutes les majuscules que vous voulez, de « NAZI JUIVE QUI EXTERMINE LES ENFANTS PALESTINIENS DE GAZA ET DANSE AVEC JOUISSANCE AUTOUR DE LEURS DÉPOUILLES PROFANÉES ». Continuez ainsi à attribuer vos propres vices à tous ceux qui n’ont pas la folie de vous suivre dans votre haine absurde et votre rage aveugle. Qu’est-ce que vous voulez que ça me fasse ? Qu’est-ce que vous voulez que ça fasse à qui que ce soit ayant suffisamment de bon sens pour voir que la nuit n’est pas le jour, que le chaud n’est pas le froid, que la haine n’est pas l’amour, que la tyrannie n’est pas la démocratie, et que le terrorisme n’est pas la paix universelle ?

Bref, je me balance totalement de ce que vous pensez de moi (si seulement vous étiez capable de réellement penser !). Vous ne m’aimez pas. À la bonne heure ! Je ne vous aime pas non plus. Comment pourrais-je aimer le côté le plus laid et le plus obscur de moi-même, moi qui crois encore et toujours que la lumière vaincra les ténèbres et que la beauté sauvera le monde ?

À bon entendeur, salut ! La paix viendra. Malgré vous. Vive la VIE !
De rien.

#MeToo ! En solidarité avec vous, cher Bruno Questel !

Dans Difficile Liberté, Emmanuel Levinas dit : “Ma liberté n’a pas le dernier mot, je ne suis pas seul”, en visionnant votre témoignage en vidéo, cher Bruno Questel, j’ai été submergée par votre souffrance, mêlée à mes propres souvenirs.

Ce que je vais dire ici m’est particulièrement difficile. Car “never explain, never complain” est un principe que j’ai fait mien absolument. Ceux qui me connaissent savent mon attachement radical à la liberté. Et il y a parfois dans ce type de témoignage quelque chose de la délation, et toutes les délations me font horreur. Je ne suis pas pour le “name and shame”. Dans le même temps, l’injustice m’insupporte. Je suis ainsi faite que j’aime les moutons, mais pas les troupeaux. Le vrai, le beau et le bien sont mes phares, mais je suis ravie et revendique haut – et quelques fois très fort – de ne pas faire partie des “gens du bien”. Je ne suis pas la mère de la Vérité, et le doute est toujours dans mon esprit. Le fait de me savoir imparfaite ne m’a jamais posé problème : qui dit imparfait dit perfectible, donc l’espoir est là ! Je ne supporte pas non plus les coupeurs de têtes (qui finissent d’ailleurs toujours pour avoir eux-mêmes la tête coupée), ni les lâches qui regardent et laissent faire.

Les vagues de hashtag sur les réseaux ont toujours eu leur part d’ombre et de lumière : tantôt révélateurs, tantôt propagateurs d’injustice et de misère. Ce n’est pas ce que j’ai rêvé lorsque je me suis réjouie de l’arrivée d’Internet. Je fais partie des tout premiers à avoir contribué à son développement en France, et l’arrivée du web, et plus tard des réseaux sociaux, demeure cependant pour moi une source de joie et l’espoir d’un monde meilleur, fait d’échanges et de partage, où nous sommes chacun à la fois hôte et invité. Cette joie est toujours intacte. Même quand mes proches et moi-même avons subi des attaques destructrices, même aujourd’hui quand je vois les torrents d’injures, de mensonges, de bassesses et de vilenies qui se répandent sur les réseaux, même avec certaines vagues d’indignations collectives et sélectives qui valent moins d’un kopeck, et appellent toujours à aller vers ce qui nous divise.

Alors comment s’y retrouver ? Dans un tel chaos universel, entre la cancel culture, le communautarisme, l’indigénisme, la Covid, les revendications et dénonciations de tout type, légitimes ou non, chacune avec son hashtag, que dire ? Comment ne pas être profondément troublée ? Que puis-je faire, écrire ou dire, « pour empêcher la nuit de tomber ? » Pour empêcher l’obscurité – et l’obscurantisme ! – de nous envahir…

Dans ce chaos, trois préceptes me guident tous les jours. Le premier est d’Hillel : « Si je ne suis pas pour moi, qui le sera ? Si je suis seulement pour moi, que suis-je ? Et si pas maintenant, quand ? »

Le deuxième est encore d’Hillel : « Ce que tu ne voudrais pas que l’on te fît, ne l’inflige pas à autrui. C’est là toute la Torah, le reste n’est que commentaire.”

Et le troisième est celui du rav rabbouni Yeshoua, aussi connu comme Jésus : “Aimez-vous les uns les autres.”

Pour moi, les trois ne font qu’un. Si je ne suis que pour moi, si j’inflige aux autres les souffrances et les injustices que l’on m’a causées, si celles des autres m’indiffèrent, alors en vérité je n’aime pas, ni moi, ni les autres. Si la compassion, l’empathie, la solidarité, la fraternité ne sont que des mots prononcés par une “timbale creuse” d’humanité, débordante d’hybris, alors je ne suis rien !

Alors voilà, Bruno Questel, cette vérité intime (même si elle n’est pas cachée : ceux qui me connaissent savent), je l’énonce ici publiquement pour vous : me too ! Moi aussi, j’ai été violée ! J’avais cinq ou six ans, et je n’ai jamais oublié. L’infinie tristesse de cette enfant violée est toujours présente. Depuis, j’ai appris le pardon. Pardonner pour se libérer. Pardonner non pas pour seulement survivre, mais pour VIVRE intensément, humainement, poétiquement, amoureusement !

J’écris cela pour vous, qui m’avez bouleversée, mais aussi pour moi, en gage de respect, de dignité et de fidélité envers moi-même et tout ce en quoi je crois. Et aussi pour saluer et soutenir le courage de ceux qui témoignent aujourd’hui.

Vous dites sans haine et avec humanité : « Ce n’est ni un hashtag, ni une loi qui feront que demain, il ne se passera plus rien. Il faut construire collectivement l’humanité pour que ça ne se reproduise plus. »**

Absolument d’accord avec vous, j’ajoute : aimons-nous les uns les autres, même trop, même mal ! Apprenons à aimer vraiment. Et ce que nous ne voulons pas que l’on nous fît, ne l’infligeons pas à autrui.

Salut en humanité !

PS : je ne serai jamais une victime, alors de grâce, ne me considérez pas comme telle. Ce que j’avais à dire, je l’ai dit, et je n’ai rien à ajouter à ce sujet. Une pensée pour mon ami Nicolas Noguier.

* « Pédophilie : le député Bruno Questel brise le silence », La Chaîne Parlementaire.

** Bruno Questel, député de l’Eure violé à 11 ans : « Ce sont des faits qui vous marquent à jamais », France 3 Normandie

Illustration : Pierre Soulages, Peinture_162 x 127 cm_14 avril 1979, Musée Fabre.

Face aux vents contraires : vers la sortie du labyrinthe 

Vivre, c’est prendre le chemin du vent. Or on ne prend le chemin du vent qu’en dansant, car c’est en dansant qu’on arrive à l’authenticité, qui est le sauf-conduit pour la vraie vie !

J’aimerais, pour commencer, partager avec vous une histoire racontée par les disciples du Rav hassidique Israël Ben Eliezer, le Baal-Shem-Tov*.

« Un matin, le Baal-Shem-Tov pria plus longtemps que de coutume. Fatigués, les disciples s’en allèrent. Plus tard, le maître leur dit avec mélancolie : « Imaginez un oiseau rare au sommet d’un arbre. Pour s’en emparer, les hommes formèrent une échelle vivante qui permit à l’un d’eux de grimper jusqu’en haut. Mais ceux d’en bas, ne pouvant voir l’oiseau, perdirent patience et rentrèrent chez eux. L’échelle se disloqua et là-haut, l’oiseau rare s’envola. »

Aujourd’hui, ceux qui cherchent réellement à se porter à la hauteur de l’oiseau, qui aspirent réellement à sa liberté et à sa faculté de voler vers la Vie, ne sont pas très nombreux. Mais ils sont déterminés, et ils sont aguerris. Nous savons qu’il n’est nul besoin de grands nombres pour construire une nouvelle cordée et escalader l’échelle. Un tel trésor n’est jamais facile ni immédiat à atteindre. C’est une course de fond dans laquelle nous sommes engagés. C’est pourquoi il nous faut manifester trois qualités majeures, trop souvent négligées : l’audace (pour entamer la quête), la confiance (que d’une manière ou d’une autre, nous pouvons atteindre le but), et la persévérance (pour ne pas abandonner en chemin).

Mais l’oiseau est bel et bien réapparu. Tous ne le voient pas, faute d’une vision suffisamment claire. Tous n’entendent pas son appel, faute d’une ouïe suffisamment sensible. Ceux-là prendront et feront passer ceux qui le voient et l’entendent pour des fous. Qu’importe !

Dans la période étrange et difficile que nous vivons, entre confinement, peurs multiples et distension des liens, dans cette incertitude que nous ressentons et qui nous éprouve, devant la perte de tant de repères, n’entendons-nous pas néanmoins l’appel ? L’appel au meilleur de nous-mêmes. À l’humanité qui nous relie. L’appel à laisser notre âme s’envoler dans les bras du vent, avec courage et confiance, vers ces contrées qui s’ouvrent devant nous et qui, aussi indéterminées soient-elles aujourd’hui, sont celles qui accueilleront notre futur, notre évolution et notre délivrance.

Pour que demain existe encore, il nous faut certes de l’humilité. Savoir ce que nous savons, et ce que nous ne savons pas. Et l’accepter.

Et ce que nous savons en premier lieu, c’est qu’il s’agit d’une aventure collective – planétaire !
Sachons donc nous rassembler davantage. Nous ne sortirons du labyrinthe inextricable et des crises en cascade dans lesquelles la pandémie de Covid nous a plongés que par la solidarité. Une solidarité réelle et pratique. Sociale. Humaine. Économique. Cette solidarité est selon moi le fil d’Ariane qui peut seul nous guider vers la sortie, et un nouveau départ.

Je suis consciente de ce que cela paraîtra dérisoire et donc inutile aux yeux de tous ceux qui ont fini par se désespérer d’avoir déjà tant espéré. De tous ceux qui se sont désenchantés d’eux-mêmes et du monde. De tous ceux qui préfèrent commenter le désastre, qui regardent et laissent faire, et qui, sidérés par l’effondrement de leur propre monde, n’attendent même plus la fin des temps. Mais « là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve ! »

Face au chaos, face à notre perte de repères, nous avons une occasion unique de plonger au-dedans de nous-mêmes. Ce chaos, regardons-le en face, face to face ! Considérons l’état des lieux sans états d’âme. Appelons les choses par leur nom. Sans nous complaire dans la contemplation du désastre. Sans chercher des boucs émissaires pour ce que nous vivons. Mettons-nous simplement en route pour chercher la sortie, et pour trouver des solutions, ensemble. Et acceptons aussi que les responsabilités sont partagées. Que notre monde est le reflet de ce que nous sommes, qu’il est fait à notre image, et surtout qu’en définitive, le plus grand obstacle est, fut et sera… nous-mêmes ! Nous sommes et le problème, et la solution ! L’espoir est là !

EN ROUTE !

Bien sûr, nous ne serons pas nombreux pour commencer. L’expérience nous apprend qu’il en va souvent ainsi avec les hommes : hésitations, renoncement face à trop d’incertitudes et d’inconnues, défaitisme, « bonnes raisons » de l’abandon par mille justifications qui n’ont d’autre but que de cacher une incapacité à supporter les épreuves en cours. Mais il suffira qu’un tout petit nombre persévère, jusqu’au bout, pour que nous trouvions le chemin qui nous conduira hors du labyrinthe, pour entamer une ère nouvelle. Tâchons d’être de ce petit nombre !

Nous n’avons besoin de rien d’autre que de confiance. Confiance en le meilleur de nous-mêmes. Confiance en notre humanité et notre intelligence.
Alors nous rejoindrons l’oiseau sur la plus haute branche. Et nous nous envolerons. Ensemble, tous ensemble ! Vers une humanité plus belle, plus bienveillante, plus vraie !

 

*Israël Ben Eliezer, le Baal-Shem-Tov (Maître du Saint Nom).

Photo de Sigurdur William Brynjarsson.

 

Saurais-je me souvenir ?

Saurais-je me souvenir ?

Soudain, de ce silence. Ce sublime silence !
Plénitude du vide. Vibration musicale de la lumière. Frémissement dans le vent du feuillage des platanes.
Et puis, et puis… le retour des oiseaux et leur danse dans l’air irisé.

Avec la Seine là-bas, derrière, embrassant amoureusement Saint Louis. L’Île !
Boulevard paisible, comme en contemplation devant le panthéon serein, tel un vaisseau enveloppé de brume…

Mon jardin suspendu, dans l’immobilité du temps, comme une prairie remplie de fleurs des champs, me rappelle à chaque instant que la beauté (bonté) sauve le monde.
Ses oliviers me transportent en Provence. Ça y est, j’y suis ! J’en suis ! Parfum de lavande fleurie. Merveille.

Et puis ce goéland, qui m’apporte des nouvelles de la mer et de ses falaises.
Trois mois de voyage immobile, avec ces merveilleux nuages… qui passent…

Déconfinement ?
Tout le monde ou presque semble se laisser aller à faire n’importe quoi. Comme avant ?
Pas encore le cœur à la balade. Pas même au « Luco ».
Ce qui fut n’est plus. Ce qui sera n’est pas encore.
Oui, je suis prête pour l’inconnu, pour les batailles qui s’annoncent ! Mais j’y vais doucement !
Festina lente !

Fin’amor , gratitude infinie, à mes inoubliables compagnons de bord : @natachaqs, @sachaqs, @parizot, @jardinhugo, à jamais !