Philosopher, c’est se préparer à la mort.
Mais se préparer à la mort, qu’est-ce que cela signifie, à quoi cela rime-t-il, puisque chacun entame son chemin vers la mort, à l’instant même où il voit le jour ?
Puisque la Vie est tout ce qui est, la mort n’est pas et ne saurait être.
Alors, qu’est-ce que la mort, si elle n’existe pas ? Qu’est-ce que la mort, sinon l’ignorance ? Et l’inconscience de notre propre ignorance…
Même s’il est dit, depuis des millénaires, que notre plus grand obstacle est l’ignorance de nous-mêmes, et que le but de toute existence est la connaissance de soi qui transforme notre moi particulier (lequel fait de nous des prédateurs, orgueilleux, individualistes et indifférents au malheur d’autrui) en un moi universel, par lequel l’humanité n’est plus perçue comme « au dehors », mais comme « au dedans de soi-même ». Se percevoir non pas comme une partie, mais comme la partie et le tout à la fois, indivis, solidaire. Un seul et même organisme, une seule et même conscience, un seul et même être !
Oui, cela a toujours été dit, mais l’homme (à quelques remarquables exceptions près) reste sourd, insensible, indifférent à cette information, pourtant essentielle pour toute expérience de vraie Vie !
Chacun considère que la Terre est le cadre d’une super production personnelle dont le scénario le concerne exclusivement, dans laquelle il est non seulement le metteur en scène, mais aussi l’acteur principal, et qui n’accorde au reste de la planète (tous royaumes confondus) que des rôles de figuration, et encore !
Et si d’aventure, devant la mort d’autrui, un sursaut de lucidité lui faisait entrevoir la vanité de toute existence séparée, ego-centrée, et comprendre que l’important c’est d’aimer et d’être aimé, aussitôt le voile de l’indifférence vient recouvrir sa perception et lui faire à nouveau oublier sa propre mort !
C’est bien connu, ce sont les autres qui meurent, pas nous ! Moi, je suis immortel !
Si d’un certain côté cela est vrai (puisque « quand la mort est là, je ne suis pas, et quand je suis là, la mort n’est pas ! »), d’un autre côté, qui suis-je et qui est l’autre, celui qui meurt ? Est-ce que je le sais vraiment ?
Qui parle, quand Je parle ?
Qui meurt, quand Je meurs ?
Qui vit, quand je vis ?
Connais-toi toi même et tu connaîtras les Dieux et l’Univers
Connais-toi toi même et tu sauras Qui est Le Vivant qui ne meurt jamais !
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Pourtant, sous la tutelle invisible d’un Ange,
L’Enfant déshérité s’enivre de soleil,
Et dans tout ce qu’il boit et dans tout ce qu’il mange
Retrouve l’ambroisie et le nectar vermeil
La parole poétique et essentielle, elle est toujours un réconfort dans ce monde tourmenté. On ne veut voir la mort en face. Elle nous dérange, elle nous met face à notre vie, à notre existence et au quotidien le plus banal : et au « pourquoi », pourquoi je vis. L’art lui ne meurt pas. Quand l’Homme créé, il accomplit ce qui fait de lui, un être humain et quand il se libère…
En général la pensée de notre propre mort est effrayante car pour la plupart d’entre nous, les hommes, elle signifie la fin de l’existence. Or, alors que dans notre parcours terrestre nous apprenons à faire face et à surmonter certaines peurs et phobies, faire face à la peur de la mort est repoussée au plus tard possible. Preuve que la question est bouleversante.
Je vais mourir un jour et, au fond, c’est la seule certitude que j’ai. Je ne peux même pas imaginer mon corps dans un cercueil car je peux mourir dans n’importe circonstance sans que l’on puisse le retrouver. Tout passe ! Alors qu’est ce qui ne passe pas ? Qu’est qui est éternel ? Est-ce que ce qui est éternel je le porte en moi-même ? Comment savoir ? Comment connaître ce qui est indestructible, ce qui ne meurt pas, Le Vivant ?
Il me semble souvent que la Mort attend de nous, que nous l’acceptions comme une alliée, une Amie, afin qu’elle nous ouvre la porte du Vivant.
Félix
En fait quand je (nous) disons qu’on a peur de mourir, cela veut plutôt dire « peur de lâcher, peur de perdre quelque chose que je pense posséder », parce que si j’ai véritablement peur, peur de la mort, conscience de cela je ne l’oublierai pas, et c’est cela même qui donnerait le sentiment profond de l’urgence d’Etre et l’intensité de Vie.
Il me semble que l’homme, par ignorance, ne cherche pas à être vivant mais à être immortel, en fait : justement parce qu’on » oublie que l’on va mourir », qu’on est de passage et on s’installe comme si cela devait durer toujours et on s’accroche.
Votre appel est un rappel à la Vie, au détachement, dépouillement, au fait que l’on part comme on est arrivé, nu, comme un enfant, qu’on emporte rien d’autre que l’Amour que l’on a su donner et su recevoir …
@Félix @ valostine : Philosopher, c’est se préparer à la mort. N’oublie pas que tu vas mourir ?
C’est une méditation de la vie (du Vivant) sur elle même, et sur le risque que le voyageur encourt, de passer à côté de son voyage. Méditer sur sa propre mort, permet de mieux vivre et de célébrer la Vie. Et la vraie vie, c’est l’Amour.
En tant qu’homme, je n’aime pas perdre quoique ce soit. Je peux même beaucoup regretter la perte d’un objet et m’en faire toute une montagne alors qu’éventuellement je ne le remarquais pas et y faisais peu attention tant qu’il était en ma possession. Il y a un attachement disproportionné dénué de tout fondement qui se met en place dés qu’il s’agit de perdre quelque chose que j’ai connu.
Mais ça me semble bizarre et paradoxal d’éprouver de l’angoisse à la seule pensée de perdre « quelque chose » que je ne connais même pas et donc que je ne possède pas, dont je n’ai pas le goût.
Manifestement je ne me connais pas, ne sais pas qui je suis, ne connais pas la Vraie Vie, ni même le véritable fonctionnement de mon corps biologique et pourtant la pensée d’abandonner sans le vouloir toute cette mise en scène, cette existence me fait peur. Cette peur tend à occulter le caractère inéluctable de l’issue, provoque « l’oubli ». Mais s’agit t’il d’un véritable oubli ou d’une stratégie rusée, que moi mets en place pour ne pas penser à chercher et trouver la Vie véritable?
Accepter de penser à la mort non en termes de perte imaginaire mais comme un moyen d’accepter et d’apprendre la vraie Vie. C’est un changement de perspective : ne plus penser à une fin mais à un commencement.
Oui !
Et comme vous dites « la vraie vie c’est l’Amour », s’il n’y a pas d’Amour dans « ma » vie c’est que je suis … déjà « morte » en quelque sorte, alors dans ce sens-là, pas la peine d’avoir peur d’un état où je suis déjà ?
En fait, il faut déjà être Vivant pour « méditer sur sa propre mort » !
Juste magnifique.
Nous ne sommes que de passage. L’essentiel n’est pas l’homme mais l’Homme…
L’Homme passe mais l’oeuvre demeure.
@ Arash Derambarsh : …ou peut-être, un peu l’inverse.
L’œuvre passe et l’Homme devient.
Oui,
en Vie-mort l’Homme éclôt.
« La perfection fut dans le trajet, comment serait-elle dans la trace ? »
Bernard Noël
« Ne t’attarde pas à l’ornière des résultats »
René Char
Ou alors l’Homme est l’Oeuvre ?
Pardonner la faute à rectifier si possible :
en Vie-mort l’Homme éclôt
N’oublie pas qu’en Vivant
tu vas mourant
Aller, retour:
l’homme passe vers la Demeure
Permettez, chère Amie aux semmelles de vent, que je vous site.
« Acquérir une attitude qui n’attache, au milieu des bruits et des fureurs du moi, aucune importance à la mort, et considère le cycle des naissances comme naturel et nécessaire. Et néanmoins, l’ayant compris, changer de plan de nécessité afin d’y échapper.
Laisser le vent m’emporter à ma destination… »
extrait de « Viderle vide » 07/2008
Bonnes vacances à vous
tndrs
Il n’y a que la Vie, l’Amour, si je comprends bien; je me remémore l’histoire de ces jeunes poissons qui demandèrent au vieux poisson sage quelle était cette chose que l’on appelait l’eau…