Ceux qui chevauchent le vent sont si imprévisibles, si libres, si difficiles à comprendre dans leur démarche, qu’ils ont été de tout temps persécutés, crucifiés, parce que leur être singulier, dérangeant, intempestif, était envié, détesté, haï. Au fil du temps, ils sont devenus insupportables. On s’estimait bafoué, agressé par leur naturel, leur aisance et leur « désinvolture ». Leur si grand éclat paraissait obscurcir tout le reste, et « l’amour à l’envers » qu’ils inspiraient s’est métamorphosé en passion inquisitoriale.
Et dès lors, la Sainte Inquisition à tué tous ceux qui n’étaient pas conformes à sa norme. La Sainte Inquisition ayant, par persuasion offensive, imposé son imprimatur sur toute forme, « ceux qui chevauchent le vent » ont, d’un commun accord, renoncé à toute forme, formulation, formalisme…
N’ayant pas de forme, ils ne peuvent pas être perçus
N’ayant pas de formulation spécifique, ils ne peuvent pas être reconnus
Ne cherchant pas la reconnaissance, ils restent invisibles
Voilà pourquoi ceux qui chevauchent le vent semblent avoir disparus !
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*Maître Eckhart
Tchaikovsky – October: Autumn Song – Victor Goldberg
L’esprit réclame de l’unité, une connaissance immédiate qui fasse naître l’unité. Il désire faire autre chose que les petitesses de toutes sortes qui l’oppressent sans répit, de tous les côtés, jour après jour. L’esprit désire l’ouvert, l’illimité, la transparence. Le voilà prisonnier de la pesanteur des faux semblants, des idéologies des bien-pensants, de la médiocrité érigée en modèle, d’une pensée linéaire, d’un monde où l’étroitesse et la platitude débouchent sur une impasse où seule la mort est délivrance.
Et l’Esprit prisonnier dans l’homme devient comme un ivrogne (sur)vivant dans un brouillard continuel, sans rien voir, ni entendre, ni sentir, ni ressentir. Somnambule, amnésique, désenchanté de tout. Et tellement las ! Désorienté, il ne cherche plus à aller au-delà des possibilités de sa propre nature.
L’humain ne rêve plus de l’Humain : l’homme se rêve D.ieu. Mais comme il a « tué » D.ieu, il n’a pas d’autre modèle que ses puissantes machines dépourvues d’âme.
Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, l’homme refuse et réfute la transcendance !
Et puisque la transcendance est le propre de la Vie en Elle-même, l’homme, tel que nous connaissons, se meurt…
Il est urgent et vital de re-sacraliser le monde et de restituer à la vie sa transcendance originelle. Plus réel que le monde dit réel, le monde de la Poésie est notre dernière chance de salut. Ultime ressource, ultime porte vers l’Être, le Vrai ! Il nous faut retrouver cette porte pour permettre à la Vie de continuer à jaillir, car c’est par elle que passe l’axe vertical de la transcendance, dont le « monde du dehors » est totalement dépourvu.
Ah ! Se désencombrer en simplifiant l’esprit, quitter le discours pour retrouver la parole d’avant la parole, le souffle, l’inspiration. Consentir à être comme une lame qui s’affûte jusqu’à n’être plus rien… Effacer, s’effacer dans l’infiniment vide… juste-là !
Percevoir la Terre, les Hommes et les choses de la Terre, non plus comme des Hommes et des choses, mais comme des Présences.
Percevoir le sacré, non plus comme théologie, mais comme poésie, et la Vie, la vraie, comme l’expérience poétique optimale de la conscience éveillée à elle-même, au sein de sa propre création.
Nous sommes l’Être en devenir,
Et…
L’être en transition, limités et inachevés, certes, mais transpercés par l’Éternel
Atome d’un instant, atome d’éternité
Source infiniment ouverte d’où jaillit la Présence
Errants
Nous voici, tous : dans une caravane de rêve !
L’errance infinie de la caravane
trouve son point d’arrêt
dans le coeur de l’homme.
Il y a un temps pour tout, et tout temps est transit !
Chanson du Rappel
Tu es à jamais voyageur… Nuitamment tu parcours la route qui mène d’un monde à l’autre.
« Tout entier oreilles », tu franchis les ponts et les passerelles par la grâce de la fondamentale.
Tu es à jamais voyageur…
Tu ne peux t’établir nulle part ailleurs qu’en toi-même
Tu es à jamais voyageur, universel voyageur
Que de voyages n’as-tu accomplis ? À peine arrivé, tu ne tardes à partir…
Tourne et retourne, Amie !
Tourne et retourne en toi-même.
Suis les scintillements des lumières
Poursuis ta route sereinement
Le chemin apparaîtra à mesure de tes pas
Tu sais déjà que « Celui qui voyage en Soi ne gagne que Soi-même ».
Que la transcendance est immanente à la conscience
Elle-même, Soi-même, Cela, le Sans-Nom…
Errant voyageur,
Errant navigateur,
Entre deux mondes tu voyages.
Tu connais les pièges du monde extérieur et tu ne te contentes pas de ses contours.
Tu sais le caractère éphémère de la vie du dehors.
Toi qui perçois les mondes de l’intérieur,
Toi qui contemples l’intérieur de la créature,
Toi qui perçois
L’âme de l’univers
Double transcendance du Sujet et de l’Objet
Tu es
À jamais voyageur, universel voyageur
Errant voyageur,
Déroutant voyageur
Pourquoi partir à Sa recherche puisque qu’Elle est Omniprésente ?