ll faut s’abandonner, lâcher prise, rendre les armes et plonger courageusement dans ce Rien qui s’ouvre sur l’espace intérieur, obscur et « vide », où l’âme se trouve face à sa solitude.
Position fœtale recommandée.
Recueillie dans le profundis de soi même, l’âme se découvre transparente et translucide, comme les poissons des profondeurs, ceux qui ne remontent jamais à la surface de la mer !
En état d’apesanteur, l’âme retrouve son chez soi. Apaisée avec et en soi même, elle se réconcilie.
La Paix (signe de cette réconciliation) se fait présence au présent.
Et que dit la Paix ?
Pardonner inconditionnellement, pardonner comme le Pardon pardonne, gracieusement, sans compter, pardonner « non pas jusqu’à sept fois mais jusqu’à septante fois sept fois »…
Pardonner « les offenses commises à l’encontre du plus prochain sont plus graves que celles commises envers D.ieu ».
Et qui est le plus proche, sinon soi-même ? Le pardon commence donc par se pardonner !
Se pardonner de ne pas être le plus grand, beau, intelligent, fort, riche, puissant…
Se pardonner d’être faible, mortel, ignorant…
Se pardonner d’être imparfait et pas toujours pur…
Se pardonner de notre harcèlement envers nous-mêmes, de notre despotisme, de notre malveillance.
Ainsi chante la mer…
Et comme nous nous pardonnons, nous sommes pardonnés !
Et le poisson translucide réalisa que la mer est et a toujours été une mère aimante, miséricordieuse, toute compatissante et toute pardonnante…
Qu’elle donne le pardon gratuitement, amoureusement, sans pourquoi !
Et la mer chante…
De l’amour tu es issu, nulle offense tu n’as commis contre moi,
Quel pardon demande-tu et à qui ? sinon à toi même ?
Pardonne-toi et le tout te sera pardonné.
Amen !
t.0 ????
Le D.ieu de l’Amour, est un Dieu qui ne condamne pas mais qui pardonne gracieusement.
Il est apaisé, celui dont le discours et la conduite s’accordent et qui répudie les rapports hypocrites de ce monde. (Proverbe Zen-Soufi)
Toute démarche humaine consiste à aller de soi-même vers soi-même…
Au départ, nous nous trouvons dans ce que les soufis appellent « les voiles du moi », qui sont tissés de l’ensemble de nos innombrables représentations mentales.
Aime-t-on, hait-on vraiment une autre personne que soi-même ? Je ne le crois guère !
Quoi que je fasse, je ne peux voir le monde et les choses du monde qu’à travers « moi-je ».
Nous ressentons, aimons et haïssons toujours à travers nous-mêmes, et c’est toujours à l’image que nous créons de nous-même et du monde que nous sommes confrontés.
Si l’image est conforme à notre représentation mentale, nous éprouvons ce que nous appelons l’amour, si elle ressemble à son contraire, nous la haïssons. Amour du reflet, haine du reflet…
Mais est-ce vraiment aimer, est-ce vraiment haïr ?
Narcisse ne s’aime pas véritablement à travers l’auto-admiration complaisante de son reflet dans un miroir qui ne lui restitue qu’une image valorisante de lui-même.
L’amour de soi, l’amour authentique de soi, est le fruit d’une reconnaissance de la totalité de notre être, aussi bien de notre côté lumineux que de notre côté ombrageux, ténébreux…
« […] secourir les mendiants, pardonner les offenses, aimer son ennemi au nom du Christ, sont sans nul doute de hautes vertus. Mais… qu’advient-il si je dois découvrir que le dernier de mes frères, le plus pauvre de tous les mendiant, le plus impudent des offenseurs, et jusqu’au démon lui-même, tous, sont en moi, et que j’ai moi-même besoin de l’aumône de ma propre pitié, et que je suis moi-même l’ennemi que je dois aimer ? »*
Mais au fur et à mesure que l’aube se lève, notre esprit commence à comprendre le fonctionnement du monde des sens, monde de représentations, monde d’images, monde de limitations. Notre conscience se dilate, et les voiles sont perçus comme tels.
Nous devinons une lumière au bout du tunnel, nous comprenons qu’il nous serait propice de proposer une trêve à ce pauvre ennemi.
Les voiles devenant plus transparents, notre situation s’éclaircit, ici et maintenant.
Il s’agit dès lors d’établir une alliance, de devenir son propre ami, de se mettre en accord avec soi-même. Car puisque l’amour s’établit sur la ressemblance, s’aimer soi-même nécessite de se ressembler à soi-même, c’est-à-dire de « faire le dedans comme le dehors et le dehors comme le dedans », en sorte que le comportement extérieur soit identique à l’attitude intérieure, que « le discours et la conduite s’accordent », que le paraître soit semblable à l’être.
Cette transformation (transmutation) n’est possible que par l’intermédiaire d’une orientation intérieure, qui consiste à ne pas avoir d’autre but que de se conformer à la réalité en soi.
Ce n’est qu’à cette condition de sincérité (très difficile, car l’aboutissement d’un grand effort personnel) que nous pouvons aller vers nous-mêmes, vers la réalisation du désir profond de notre coeur.
Et que veut le cœur ? Tout coeur aspire à l’amour, et l’amour est justement l’unification, la fusion infiniment simple, intime, directe, avec le principe fondamental de l’Être. Cette plénitude qui est La Paix en Soi, « cette inimitable saveur que l’on ne trouve qu’à soi-même »…**
En fait, l’authentique amour de Soi est l’apaisement, la fin des guerres (y compris de la « guerre sainte »).
Ainsi l’Homme devient une unité, non séparée de soi-même et par conséquent des « autres ».
Et cette unité non séparée de soi-même, cette joie indicible où le temps disparaît, où toute peur disparaît, où la bonté est omniprésente et où l’âme ne fait qu’un avec tout ce qu’elle contemple… c’est Cela l’Amour authentique, c’est Cela la Paix, c’est Cela le « Royaume de D.ieu » !
Au dedans du dedans, quelque chose ou quelqu’un me fait signe et m’appelle.
S’arquer doucement vers l’intérieur, se résoudre à se taire,
Entendre l’appel.
Entendre l’Appel, c’est y repondre : Me Voici !
La question de l’écoute est résolue enfin, la question pure a fait place à la pure réponse et l’infinie inquiétude a fait place à la simplissime certitude.
Ce qu’elle a cru perdu, n’était que transfiguré, transcendé.
Incarné.
Mais quelle est cette réalité que l’on nomme transcendance ?
Stupéfaction radicale : c’est dans l’étonnement que la transcendance s’éveille.
L’émerveillement allume l’esprit, qui sans cela reste éteint.
Ô Merveille ! « O merveille, un jardin parmi les flammes ! »
Ebahissement : le Vrai, le Réel, n’est pas voilé ; les yeux, les sens, oui !
La lumière n’est pas une chose extérieure, qui brille au loin, au dehors.
Pour devenir comme des enfants, il faut traverser la lumière.
Pour traverser la lumière, consentir à être transpercé par la lumière, quitter nos certitudes, s’allonger, s’alléger pour devenir envol.
Et puis…
Se jeter dans le vide, constater par soi-même, en soi-même, que dans le vide rien ne tombe, mais que tout, absolument tout, ondoie, vole, voltige, danse !
Plénitude du vide.
Voler comme volent les oiseaux, sentir et ressentir le mouvement qui fait s’ouvrir les fleurs des champs, chanter le ruisseau, apparaître les montagnes, la mer, la Terre, l’Homme.
L’émerveillement du commencement de tout, retour chez soi.
Va, Leckh lekha, vers toi-même !
Oui !
Dans le silence de l’émerveillement, les formes apparentes dévoilent « le pont vers le réel », et ainsi, comme si de rien n’était, comme si tout n’était que métaphore, nous passons du dehors au dedans puis du dedans au transcendent.
Lumière de joie, lumière de gloire.
Lumière, me voici !
t.0 ????
Extrait de « Nijinsky, clown de Dios » by Bejart, music by Hugues le Bars, performed by Jorge Donn, 1990
Ici, c’est la petite enfance des Alpes.
La chaîne minérale, comme bercée par la lumière, s’élance doucement vers l’espace.
J’imagine qu’il fallait un appel si formidable qu’une oreille humaine saurait à peine le soutenir, pour amener les humbles Alpilles à croître vers le ciel, et devenir les Alpes majestueuses !
Avec ses crescendos vertigineux, la voix du mistral porte, souffle, insuffle vaillamment cet appel d’en haut.
En s’élançant amoureusement vers l’azur, la masse minérale a accouché de cette Vallée des Merveilles, une vallée de haute montagne à fleur de terre…
Paysage poétique aux lignes épurées, à la terre infiniment travaillée par le vent solaire. Des lignes et des reliefs dans lesquels ne demeure que l’essentielle beauté ! La simplicité majestueuse des oliviers, des cyprès qui s’inclinent élégamment, en discrète révérence à cette terre qui les accueille, qui nous accueille et nous dévoile l’essentiel, le vrai, le réel !
Portés par la lumière, nous découvrons que la vallée entière est avant tout musicale, composée de nuances de verts qui, progressivement, harmoniquement, changent d’intensité et donnent à voir cette œuvre en paysage.
Du mariage du crescendo vertigineux du vent et de l’andante gracieux de la terre est née la lavande. Elle a en elle la fugue hautaine du « père », et l’infinie et si douce humilité de « la mère ». S’ensuit toute une famille provençale de troubadours terriens, comme le thym, le romarin, arrimés fermement à la bienveillante garrigue, qui, allegro ma non troppo, les reçoit en elle.
Terre de Provence ! Terre céleste ! Sensation ineffable de suspension du temps…
« Je » s’absorbe dans le vide de façon imperceptible, et ne voyant pas venir la nuit, n’allume pas ses lumières. Et c’est ainsi que se révèle à ses sens transcendés, non pas le passage du jour à la nuit, mais la graduation harmonique de la lumière en elle-même.
Soleil de minuit, déploiement de la fondamentale, affirmation de l’affirmation, pure paix, pure joie d’être là.
OUI !
Le Oui est un pur chant, chanté silencieusement. Et ce chant, chanté en silence, n’est rien d’autre que la Lumière.
Ici, la lumière monte vers la lumière.
Ici, la lumière descends sur sa lumière.
Ici, c’est…
Lumière sur lumière !
t.0 ????
…
P.S.: Fin des Démonstrations
Le vide, à sa plénitude, ne démontre plus rien, n’a plus à argumenter, car Il est l’argument ultime !
La lumière, à son zénith, ne démontre plus rien, n’a plus à argumenter, car Elle est l’argument ultime !
La poésie, à son sommet, ne démontre plus rien, n’a plus à argumenter, car Elle est l’argument ultime !
Le chant, à son apogée, ne démontre plus rien, n’a plus à argumenter, car Il est l’argument ultime !
La Joie, à son faîte, ne démontre plus rien, n’a plus à argumenter, car Elle est l’argument ultime !
La Paix, à son accomplissement, ne démontre plus rien, n’a plus à argumenter, car Elle est l’argument ultime !
OUI ! OUI !
Le Oui confirmé, c’est l’affirmation de l’affirmation, et l’affirmation de l’affirmation, c’est la Vie !
Philosopher, c’est se préparer à la mort.
Mais se préparer à la mort, qu’est-ce que cela signifie, à quoi cela rime-t-il, puisque chacun entame son chemin vers la mort, à l’instant même où il voit le jour ?
Puisque la Vie est tout ce qui est, la mort n’est pas et ne saurait être.
Alors, qu’est-ce que la mort, si elle n’existe pas ? Qu’est-ce que la mort, sinon l’ignorance ? Et l’inconscience de notre propre ignorance…
Même s’il est dit, depuis des millénaires, que notre plus grand obstacle est l’ignorance de nous-mêmes, et que le but de toute existence est la connaissance de soi qui transforme notre moi particulier (lequel fait de nous des prédateurs, orgueilleux, individualistes et indifférents au malheur d’autrui) en un moi universel, par lequel l’humanité n’est plus perçue comme « au dehors », mais comme « au dedans de soi-même ». Se percevoir non pas comme une partie, mais comme la partie et le tout à la fois, indivis, solidaire. Un seul et même organisme, une seule et même conscience, un seul et même être !
Oui, cela a toujours été dit, mais l’homme (à quelques remarquables exceptions près) reste sourd, insensible, indifférent à cette information, pourtant essentielle pour toute expérience de vraie Vie !
Chacun considère que la Terre est le cadre d’une super production personnelle dont le scénario le concerne exclusivement, dans laquelle il est non seulement le metteur en scène, mais aussi l’acteur principal, et qui n’accorde au reste de la planète (tous royaumes confondus) que des rôles de figuration, et encore !
Et si d’aventure, devant la mort d’autrui, un sursaut de lucidité lui faisait entrevoir la vanité de toute existence séparée, ego-centrée, et comprendre que l’important c’est d’aimer et d’être aimé, aussitôt le voile de l’indifférence vient recouvrir sa perception et lui faire à nouveau oublier sa propre mort !
C’est bien connu, ce sont les autres qui meurent, pas nous ! Moi, je suis immortel !
Si d’un certain côté cela est vrai (puisque « quand la mort est là, je ne suis pas, et quand je suis là, la mort n’est pas ! »), d’un autre côté, qui suis-je et qui est l’autre, celui qui meurt ? Est-ce que je le sais vraiment ?
Qui parle, quand Je parle ?
Qui meurt, quand Je meurs ?
Qui vit, quand je vis ?
Connais-toi toi même et tu connaîtras les Dieux et l’Univers
Connais-toi toi même et tu sauras Qui est Le Vivant qui ne meurt jamais !
Pourtant, sous la tutelle invisible d’un Ange,
L’Enfant déshérité s’enivre de soleil,
Et dans tout ce qu’il boit et dans tout ce qu’il mange
Retrouve l’ambroisie et le nectar vermeil