Lorsque la conscience retrouve le donateur de ses données, on aborde cette Terre Musicale où l’Impossible s’accomplit en fait. Car toutes nos constructions mentales, tous nos vœux, jusqu’à notre amour le plus consubstantiel à nôtre Être, tout ne serait que métaphore sans l’intermonde de cette terre de l’Âme ! *
Sommes-nous faits pour l’entropie, pour la peur, voire la frayeur, et in fine… pour la mort ?
Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
Oui, si nous vivons dans un monde fondé sur le pouvoir matériel, un monde de représentations, anesthésié, aseptisé, qui cherche avant tout la sécurité, à travers la médiocrité érigée en modèle, un monde où font loi la pensée unique et binaire, et la pesanteur du discours tantôt socio-moral, tantôt réligieux des idéologues bien-pensants, qui distillent à l’envi le poison de la peur. Un monde factice et aride, sans cœur et sans trancendance, où l’être, l’authentique, font scandale. Un monde fermé sur lui même, surfacial et superficiel. Un monde de demeures mensongères, de violence, d’hypocrisie, de mensonge. Où il faut se cacher pour être soi, sous peine de se voir jeter en patûre aux hordes normalisatrices…
Mais est-il vraiment rationnel, ce monde qui se croit raisonnable, où l’homme normalisé (normal) entend régler toutes ses activités sur l’intérêt, l’utilité, l’accumulation de possesions de toutes sortes, mais jamais sur l’interiorité, l’inimportant (mais tellement essentiel !), la pure gratuité, la recherche de la Bonté, de la Beauté, de la Poésie ?
Car dans le monde du dehors, celui des représentations, la « vraie vie » est absente !
Toute l’agitation qui se deploie, toute cette agitation que l’homme normalisé croit pouvoir appeler « la vie », n’a pas d’autre réalité que celle d’un décor. Et le décor s’écroule…
Comment croire, dès lors, que nous ne serions faits que pour cela, que pour cette espèce de cauchemar (climatisé), véritable champ de batailles où ne sauraient d’ailleurs se jouer, puisque nous sommes mortels, que des guerres perdues d’avance ? Vraiment, est-ce l’homme « normal » et « raisonnable » qui a raison ?
Non ! Pas si nous sommes de chercheurs d’unité, si nous portons en nous la nostalgie de la lumière !
Non, trois fois non ! Si nous habitons le royaume du dedans, le royaume de la vraie Vie, nous savons que « l’essence même de l’homme est poétique », et qu’ainsi la vraie Vie est et ne peut être que Poésie.
Qui dit Poésie dit ouverture, liberté, indéterminisme, onde en mouvement, création, ré-création, Révolution.
Ni sensée, ni raisonnable, ni normale ou anormale, et encore moins utilitaire, la poésie est une invitation de l’Être à être, à se connaitre, à se jeter de façon intempestive dans le mouvement tourbillonnant de la Vie, afin — comme le disent Fernando Pessoa et ce « fou » de Rimbaud — de « sentir tout de toutes les façons », et ainsi d’éprouver cet Amour inconditionnel qui fait se mouvoir et s’émouvoir tout ce qui respire !
« Aime et fais ce que tu veux ! »
C’est cette Poésie qui nous fait passer de l’état de voyeur impuissant, malheureux, éphémère, à celui de Voyant fulgurant, porteur de Vie, dans l’éternelle immédiateté de l’instant présent !
C’est en elle que se retrouve la vibration secrète, originelle, Enfant divin, qui joue et danse, et qui, comme la Vraie Vie, aime à s’incliner devant toute chose.
L’homme du dedans est ainsi un « homme courbe ». Il est souple, car il connait l’ordre harmonique des choses, la Danse et le Danseur. Il est doux et humble comme la vraie Vie, comme la Terre ! Mais d’une douceur sans faiblesse. D’une humilité sans résignation. Ferme et déterminé, il connait les vertus de la rigueur, mais n’ignore pas que la Rigueur est l’autre face de la Miséricorde. Et là où est la Miséricorde, là aussi se trouve la Beauté. Là aussi se trouve la Bonté, source inépuisable de tout ce qui est ! Source de la Vraie Vie. L’Amour en vérité.
Alors, est-ce ainsi que les hommes vivront ?
Oui ! Car la mutation est en cours. « Ce qui doit être sera, et nul n’est à l’abri ! » Heureusement !
???
t.0
*Extrait — Henri Corbin
Terre Céleste et Corps de Résurrection
Buchet Chestel 1960
(Inclinaison amoureuse à etienne parizot, astrophysicien dans le monde du « dehors », créateur d’étoiles dans le Vrai monde.)
(À sachaqs, natachaqs, fils et fille de l’étoille , et tous ceux qui se reconnaîtront dans cet Amour-là…)