De la complaisance Dieudonnéenne envers l’abjection humaine

De la complaisance Dieudonnéenne envers l’abjection humaine

J’ai beaucoup réfléchi avant de poster ce message, car ce blog est un blog de vie, d’espérance et de foi en l’humanité, fait pour chanter la Vie et célébrer l’être humain, et non pour se condamner ou jeter des pierres. Mais comme nous le savons tous, hélas, nous sommes capables du meilleur comme du pire, et il est parfois nécessaire de dénoncer le pire, ne serait-ce que pour ne pas le reproduire ou y participer.

Je suis infiniment triste d’évoquer ce sujet, surtout en cette période de célébration de la lumière universelle, mais encore une fois, la réalité a dépassé ce qui pouvait être imaginé.

Comme le dit justement Pierre Assouline,  » leurs détracteurs n’auraient pas même osé en rêver : ils l’ont fait. »
Cela s’est passé chez nous, en France, plus précisément le vendredi 26 décembre, au Zénith de Paris, pendant le spectacle « J’ai fait le con » de Monsieur Dieudonné M’bala M’bala.
Un régisseur travesti en déporté, pyjama à étoile jaune présenté par Dieudonné comme « son habit de lumière », a remis à l’universitaire lyonnais Robert Faurisson, pionnier en France du négationnisme, un « Prix de l’infréquentabilité et de l’insolence ». Sous un tonnerre d’applaudissements, produit par les quelque 5.000 spectateurs présents…

Que pouvons-nous dire, écrire, penser ou faire pour empêcher la bête immonde de s’exprimer et de sévir ?

Comment faire en sorte que l’homme ne reproduise plus ce que le nazisme a organisé (je dis bien organisé, comme Dieudonné a organisé sa célébration négationniste) : une extermination méthodique et industrialisée, avec chambres à gaz et fours crématoires ?
Comment un tel système de mort, rationalisé et optimisé, a-t-il pu exister ? Et comment une telle abomination peut-elle être niée aujourd’hui en France ? Et comment cette négation même peut-elle être applaudie, sous couvert de la liberté d’expression ou, pire encore, avec l’aura de la transgression, de l’impertinence et de l’exploration artistiques ?

Il n’y a pas grand chose à ajouter. Mais dénoncer cette abjection, certainement !
Et comme dirait Primo Levi, « si ce n’est ainsi qu’il faut faire, quoi faire ? Et si ce n’est pas maintenant, quand alors ? »

Humainement,
t.

DEVOIR DE MÉMOIRE

En 1976, Primo Levi a rédigé un appendice à « Si c’est un homme », où il écrit :

« j’ai délibérément recouru au langage sobre et posé du témoin plutôt qu’au pathétique de la victime ou à la véhémence du vengeur : je pensais que mes paroles seraient d’autant plus crédibles qu’elles apparaîtraient plus objectives et dépassionnées ; c’est dans ces conditions seulement qu’un témoin appelé à déposer en justice remplit sa mission, qui est de préparer le terrain aux juges. Et les juges, c’est vous. »

[…]

Primo Levi se retrouve dans la file des déportés valides. Ceux-ci vont à la douche pour la « désinfection » puis se font tondre les cheveux et remettre un uniforme rayé et enfin tatouer un matricule. Levi a le numéro 174517. Tout cela rentre dans le cadre d’une entreprise de « démolition d’un homme ».

« Cet alignement de chiffres remplace désormais son nom, sa profession, sa personnalité, ses qualités et capacités. Primo Lévi est mort, remplacé par le Häftling 174517. Le numéro semble donner un certain nombre d’informations sur la place du prisonnier dans cette société particulière : on sait s’il est arrivé depuis longtemps, ainsi que d’où il vient, suivant la date des rafles. Le tatouage ressemble à un rite initiatique marquant l’intégration à une nouvelle société (« nous avons été baptisés »), de laquelle il va falloir apprendre et intégrer rapidement les normes et les attentes. Passage obligé dans la vie du camp, il marque également la contrainte : le tatouage est fait à vie : « aussi longtemps que nous vivrons nous porterons cette marque tatouée sur le bras gauche ».

[…]
“Mais dans la haine nazie, il n’y a rien de rationnel : c’est une haine qui n’est pas en nous, qui est étrangère à l’homme, c’est un fruit vénéneux issu de la funeste souche du fascime, et qui est en même temps au-dehors et au-delà du fascisme même. Nous ne pouvons pas la comprendre ; mais nous pouvons et nous devons comprendre d’où elle est issue, et nous tenir sur nos gardes. Si la comprendre est impossible, la connaître est nécessaire, parce que ce qui est arrivé peut recommencer, les consciences peuvent à nouveau être déviées et obscurcies : les nôtres aussi.???

Si c’est un homme (Se questo è un uomo) – Primo Levi

Primo Levi : résistant, fait prisonnier le 13 décembre 1943 à l’âge de 24 ans. C’est un juif italien parmi d’autres.
Arrive fin janvier 1944 à Fossoli près de Modène dans un camp d’internement. Déporté le 21 février 1944, il arrive à Auschwitz. Son témoignage est essentiel.

© photo -Yad Va Shem – Jérusalem

12 réflexions sur “De la complaisance Dieudonnéenne envers l’abjection humaine

  1. S’amuser avec les souffrances indicibles d’un peuple assassiné et l’abominable barbarie nazie, faire se redresser la bête immonde et la faire applaudir,faire rire (!) sur des bases nauséabondes me fait humainement, sincèrement, très peur ! J’aimerais savoir combien des spectateurs du Zénith ont quitté la salle quand ils ont vu ce monsieur déguisé en déporté remettre le prix

  2. Dieudonné, triste con
    « Une grosse connerie, oui, si on veut, mais c’est tout de même un peu court comme porte de sortie. Car ils ‘agit là à la fois d’une grosse connerie et d’une provocation minable. D’une monstruosité parfaitement préméditée, qui a juste pour objet non pas d’user à merveille de la liberté d’expression mais de se remettre dans la lumière, sous prétexte qu’on boycotterait injustement ce triste cuistre qu’est devenu l’ancien et très amusant collègue d’Elie Semoun. Une grosse connerie, oui, mais aussi une faute professionnelle, une blague dégueulasse, nulle et gratuite qui ne sert aucune cause, si ce n’est celle, douteuse, des antisionistes de tout poil, qui n’ont pas besoin de cela, à fortiori en ce moment, pour conchier Israël et l’ensemble des juifs de la planète.

    Dieudonné est un parfait imbécile qui ne s’ignore pas. Un parfait imbécile qui considère qu’il a le droit de tout dire, y compris n’importe quoi, de tout faire, y compris avec n’importe qui, sous prétexte qu’on est en démocratie et que la liberté d’expression existe. Un parfait imbécile qui ensuite jurera ses grands dieux qu’il n’a pas voulu provoquer quoi que ce soit, qu’il est pour l’amitié entre les peuples, et que si on le condamne c’est au nom d’une pensée unique déplorable, qui bâillonne ceux qui pensent différemment que le bon peuple. Un parfait imbécile, mais pas un idiot : l’homme sait ce que manipuler veut dire, il a compris comme nombre d’autres bas du front, combien il pouvait être lucratif d’épouser quelques causes considérées comme justes ou nobles, telle que la défense du peuple palestinien ou la reconnaissance des crimes de l’esclavage. Ces niches là, profondes et obscures, abritent depuis longtemps déjà une ribambelle de clowns tristes et de faibles penseurs qui ne comprennent rien mais hurlent fort, aboient à tue tête, convaincus dans un bel ensemble que la juiverie mondiale dupe le monde, manipule l’information et trafique la vérité. »

    suite là : http://www.lejdd.fr/cmc/blogs/200852/dieudonne-triste-con_175398.html

  3. C’est une honte ! Quelle tristesse !
    Comment peut-on en toute conscience se gausser d’une
    telle souffrance humaine !
    Il me semble qu’il y a encore dix ans, il n’aurait même pas été pensable qu’un tel spectacle eut lieu. C’est vraiment un signe du temps dans lequel nous sommes rentrés. Je ne pense vraiment pas que ceux qui ont applaudi à cette horrible mise en scène ont oublié. Pire, ils nient. Et c’est cette négation qui est terrible. Il ne faut pas du tout accepter qu’elle s’installe. J’avoue que la pensée que ce léviathan pourrait se lever un jour fait peur.

    Heureusement qu’il y a pour faire face de nombreuses réactions dont la votre, Dame aux semelles de vent,
    ou encore celle de Monsieur Patrick Lozes, président du CRAN qui prend fermement position contre Monsieur Dieudonné concernant cette nouvelle insulte faite à la mémoire du peuple juif et à travers lui, à la mémoire de l’humanité. Mr Lozes montre par là-même que l’ensemble du peuple noir ne suit pas l’humouriste dans ses dérives haineuses.

    Fraternellement.

    Félix

  4. Un tel cynisme est révoltant et répugnant, à la fois par la monstruosité de son contenu, par la légèreté avec laquelle il évoque l’horreur — dans le but, même, de faire rire ou plutôt se convulser maladivement les ignorants ! —, et enfin par la froideur assumée de la posture qu’il représente.

    Car le message est multiple : à l’adresse des ignorants et des ignobles, c’est bien sûr l’alimentation savamment orchestrée de la propagande la plus nauséabonde et la plus vile ; à l’adresse des citoyens conservant un minimum de décence, d’humanité et de dignité, c’est bien une posture à la fois de défi et de domination, revendiquant froidement l’abject pour affirmer la prévalence de l’ego tyrannique et débridé sur le monde ; enfin, à l’adresse des juifs, très directement, et à l’adresse de tous ceux qui se sentent concernés par la négation de l’humanité sur cette Terre, c’est aussi le signal clair et glacial de la menace ouverte et de l’agression : « Tenez-vous bien tranquilles, car nous sommes-là, partout, dispersés parmi les hommes, tapis dans l’ombre de leur personnalité multiple et fragile, aux aguets de leur faiblesse et de leur monstruosité méconnue, que n’avons de cesse d’alimenter méthodiquement, et le monde entier nous tolère, parce que nous régnons secrètement sur leur sommeil, en dépit de votre dérisoire entreprise d’humanisation, de conscientisation et de responsabilisation ! »

    Je comprends, chère femme aux semelles de vent, la difficulté qu’a dû représenter pour vous l’écriture de ce message, qui vient porter le pire de l’homme au cœur de l’îlot d’espérance et de célébration humaine que représente votre blog.

    Mais je comprends aussi qu’il vous était impossible de ne rien dire, et que témoigner, comme vous le faites, y compris des écueils les plus monstrueux du développement de notre espèce sur cette planète, c’est encore une façon de célébrer la grâce que représente l’aventure à laquelle nous sommes conjointement appelés. Qu’elle est précieuse, cette aventure humaine ! Qu’elle est vaste et merveilleuse ! La quête est loin d’être achevée, c’est une évidence que certains s’emploient très lourdement à nous rappeler : est-ce une raison pour la renier et se joindre à la meute des aboyeurs ou des dormeurs ? Bien sûr que non. Le trésor est bel et bien là, aussi, attendant le souffle qui en attisera la flamme, et il est sur ce blog plus que nulle part ailleurs !

    Merci à vous, donc, et bravo pour l’effort que ce message à dû représenter !
    Il nous est à tous salutaire…

    Humainement vôtre

  5. « Hier était le monstre et demain
    sera l’ange;
    Le point du jour blanchit nos fronts. »
    (Victor Hugo, La légende des siècles)

    Oui, plus que jamais, je crois:

    « Et chanter, chanter, chanter,
    jusque dans le murmure, le refus et le silence »
    (Jean-Pierre Siméon)

  6. « s’il
    convient maintenant d’ouvrir les yeux,
    ce sera comme on remonte du fond d’un lac

    brasses
    lentes de la pensée,

    vers
    la surface enfin


    nous attend d’une seule vue
    l’étrangeté des commencements »

    (Patricia Castex Menier; Chemin d’Eveil)

    Au seuil d’un temps nouveau
    Allons!
    Commençons !

    Sans cesse

    Je nous souhaite de tout cœur d’être vigilant

    Fraternellement

  7. « Pour faire le portrait d’un oiseau

    Peindre d’abord une cage
    avec une porte ouverte
    peindre ensuite
    quelque chose de joli
    quelque chose de simple
    quelque chose de beau
    quelque chose d’utile
    pour l’oiseau
    placer ensuite la toile contre un arbre
    dans un jardin
    dans un bois
    ou dans une forêt
    se cacher derrière l’arbre
    sans rien dire
    sans bouger…
    Parfois l’oiseau arrive vite
    mais il peut aussi bien mettre de longues années
    avant de se décider
    Ne pas se décourager
    attendre
    attendre s’il le faut pendant des années
    la vitesse ou la lenteur de l’arrivée de l’oiseau
    n’ayant aucun rapport
    avec la réussite du tableau
    Quand l’oiseau arrive
    s’il arrive
    observer le plus profond silence
    attendre que l’oiseau entre dans la cage
    et quand il est entré
    fermer doucement la porte avec le pinceau
    puis
    effacer un à un tous les barreaux
    en ayant soin de ne pas toucher aucune des plumes de l’oiseau
    Faire ensuite le portrait de l’arbre
    en choisissant la plus belle de ses branches
    pour l’oiseau
    peindre aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent
    la poussière du soleil
    et le bruit des bêtes de l’herbe dans la chaleur de l’été
    et puis attendre que l’oiseau se décide à chanter
    Si l’oiseau ne chante pas
    c’est mauvais signe
    signe que le tableau est mauvais
    mais s’il chante c’est bon signe
    signe que vous pouvez signer
    Alors vous arrachez tout doucement
    une des plumes de l’oiseau
    et vous écrivez votre nom au coin du tableau. »
    (Jacques Prévert; Paroles)

    « Nous devons devenir le changement que nous recherchons pour le monde »
    (Gandhi)

  8. Conscience et mauvaise conscience.

    Ceux qui sont derrière Dieudonné sont habiles, ils savent jouer une partition bien répétée en provoquant le trouble chez bon nombre d’entre nous, en touchant à un tabou, voire un traumatisme, ce qui produit un blocage psychologique chez certains et le plaisir de l’outrance chez d’autres. Il ose dire ces choses en jouant sur des préjugés, des amalgames. Ils surfent sur l’ignorance, car Faurisson nie non seulement le génocide juif, mais aussi la traite des noirs. Ces récents fait de scène nient la souffrance des victimes de la Shoah et de la traite négrière, Dieudonné insulte donc autant les Juifs que les noirs (fort dommage que Lozès ne l’est pas noté).

    Un peu comme Bigard sur un autre registre (lui c’est le graveleux), il provoque «le rire» en franchissant l’interdit, en poussant les limites jusqu’aux extrêmes. Sous couvert d’un humour noir, il joue plutôt avec les chemises brunes.

    C’est un positionnement à la fois politique et marketing (il occupe un espace vide jusqu’ici en France), sa tribune politique ce sont ses spectacles et ses militants ce sont ses spectateurs (car il ne s’appuie pas sur un parti politique, sa candidature à la présidentielle s’était effondrée), et enfin, les médias font le reste. Son positionnement est assez clair, un mélange d’ultra gauche négationniste qui se rapproche de l’extrême droite.

    On peut s’interroger sur ces cinq mille spectateurs qui à la vue d’un déporté ridiculisé, et du représentant le plus célèbre du négationnisme en France, parviennent à rire et à applaudir, on peut s’interroger sur l’amplification et la diffusion de ces «idées» qui ne touchaient jusqu’ici qu’une audience confidentielle. C’est la diffusion de masse qui pose un réel problème, car il tente de brouiller la frontière entre réalité et mensonge. Que faire pour contrer cet obscurantisme ? Pour lutter, il n’y a que la pédagogie et éviter les pièges tendus, cela demande donc à chacun de s’impliquer, d’expliquer. L’ignorance est un réel fléau, il est le terreau des extrémistes.

    Dieudonné et ses camarades, qui sont en effet loin d’être stupides (il suffit de lire les propos du jour de JMLP), lancent des attaques et mènent une guerre. Ne pas en être conscient serait une faute grave.

    Je trouve que cette note a tout à fait sa place sur ton blog (même si je comprends que tu regrettes d’aborder ce sujet sur la femme aux semelles de vent), car, c’est le devoir d’un humaniste de rappeler l’essentiel, à savoir le respect de la dignité de l’homme. Merci de toujours veiller et de rappeler aussi qu’il ne faut surtout pas tomber dans la complaisance !

  9. Quelle tristesse effectivement de creuser autant vers le pire. Et grâce vous soit rendue de ne pas laisser «la chaise vide». D’empêcher ces plantes vénéneuses de pousser comme a poussé le négationnisme avant que les historiens prennent la chose en main (merci Aron).
    Je trouve que c’est un signe de grave malaise dans la civilisation quand on en arrive là et qu’on en rigole dans une espèce de non-pensée totale. Surtout à l’aube d’une crise profonde. Le pire de l’histoire n’arrive-t-il pas par ce «détail», qu’on laisse passer et qui germe sur notre indifférence ou notre apathie ? Oui, à contrario de ceux qui veulent minimiser, je trouve qu’il faut s’inquiéter de cette «ultime provocation».
    J’espère que nous arriverons un jour à comprendre au fond de notre coeur que nous n’avons jamais rien à gagner à nous monter les uns contre les autres, à nous trouver des coupables et des ennemis et à bafouer la dignité humaine.
    Humainement à vous,

  10. C’est honteux et déplorable.
    La bête immonde est toujours là, à l’affut. Triste réalité d’un monde où les intérêts priment sur la solidarité.
    puisse l’humanisme gagner encore de nombreux coeurs en 2009

  11. C’est lamentable, honteux de se servir, pour faire sa propre pub, pour qu’on parle de lui, d’un sujet aussi grave.
    Car, comme dis Natacha, je ne crois pas que ce soit un imbécile, je pense qu’il sait très bien ce qu’il fait et quel résultat il veut obtenir. Et ce qui est encore plus effrayant c’est que des gens sont prêts à le suivre sur ce terrain-là… Dieudonné joue un rôle pervers car quoiqu’il dise, quoiqu’il fasse, quand des voix s’élèvent pour dire non ! là ça suffit !, il avance systématiquement l’argument « liberté d’expression et Cie.. il fait de la démagogie de bas étages et le pire … c’est que ça marche auprès d’un certain public …..

    Je joins ma voix à la votre pour dire mon écoeurement…

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