Yves Saint Laurent, le faiseur de merveilles

Tout en discrétion, fidèle à toi-même, tu t’es envolé. Les anges ont bien de la chance…. ils auront désormais des vêtements sublimissimes, tissés de la matière dont sont issus les rêves les plus poétiques.
Grâce à toi, j’ai appris l’élégance, et j’ai transmis à ma fille ce que tu nous a appris de plus précieux : le bonheur d’être une femme libérée du conformisme vestimentaire, le plaisir d’être belle pour soi, tout simplement. Tu dis que « les plus beaux paradis sont ceux qu’on a perdus », te voilà de retour au paradis maintenant… Je suis contente que tu puisses entendre à nouveau La Callas chanter et Rudolf Noureïev voler !
Merci infiniment, l’artiste !

« Je pense que je n’ai pas trahi l’adolescent qui montra ses premiers croquis à Christian Dior avec une foi et une conviction inébranlables. Cette foi et cette conviction ne m’ont jamais quitté. Tout homme pour vivre a besoin de fantômes esthétiques. Je les ai poursuivis, cherchés, traqués. Je suis passé par bien des angoisses, bien des enfers. J’ai connu la peur et la terrible solitude. Les faux amis que sont les tranquillisants et les stupéfiants. La prison de la dépression et celle des maisons de santé. De tout cela, un jour je suis sorti, ébloui mais dégrisé. Marcel Proust m’avait appris que « la magnifique et lamentable famille des nerveux est le sel de la terre ». J’ai, sans le savoir, fait partie de cette famille. C’est la mienne. Je n’ai pas choisi cette lignée fatale, pourtant c’est grâce à elle que je me suis élevé dans le ciel de la création, que j’ai côtoyé les faiseurs de feu dont parle Rimbaud, que je me suis trouvé, que j’ai compris que la rencontre la plus importante de la vie était la rencontre avec soi-même. Les plus beaux paradis sont ceux qu’on a perdu. »

Yves Saint Laurent


1936 – 2008

J’ai vu des beautés immenses et délicates
dîné dans des palais éblouissants de capitales tribales
et dormi entre le ciel et le sable du Takla Makan

Je me suis fait l’ambassadeur de rois guerriers
j’ai rencontré des mongols aux poings effroyables
et des pêcheurs de perles mi-hommes mi-poissons

J’ai glissé mes mains sous des voiles interdits
touché l’intouchable
et vécu les nuits sublimes du cantique des cantiques

J’ai dompté des chevaux Kirghiz
franchi le toit du monde et écouté le Dalaï Lama

J’ai coupé le santal de Mysore
incisé le pavot d’Anatolie
et broyé le safran du Madhya Pradesh

Je me suis enivré dans le jardin de roses du poète Saadi
j’ai tourné jusq’au vertige avec les derviches de la corne d’or
et volé comme un aigle avec un vieux shaman à moitié fou

Je connais l’odeur du suint et du cuir, des palais et des temples
l’odeur de toutes les épices, l’odeur de tous les aphrodisiaques
et celle de la peau des femmes et celle de la peau des hommes

Je suis riche, riche, incomparablement riche de ce que j’ai vécu.

Poème d’Yves Saint-Laurent

Le Smocking Yves Saint Laurent lors de son dernier défilé pour la collection hiver 2001-02.

3 réflexions sur “Yves Saint Laurent, le faiseur de merveilles

  1. Oui, c’est certain : l’élégance est avant tout une qualité de l’âme !

    C’est sans doute pourquoi elle n’est pas circonscrite et se manifeste dans chacun des gestes et des paroles de celui qui l’incarne. Ce beau poème en témoigne, célébrant la vie dans sa grande richesse et sa profondeur, mais avec une exaltation contenue, sur le mode du remerciement et de la reconnaissance.

    L’humilité de l’élégance et l’élégance de l’humilité : n’est-ce pas ce qui nourrit l’œuvre unique de ce grand créateur ? Et la vie qu’il chante dans ce poème avec tant de délicatesse est celle des enflammés discrets, dont le feu brûle à l’intérieur.

    Merci, chère femme aux semelles de vent, qui révélez vous aussi la tendre élégance de votre âme à travers chacun de vos billets. Cet hommage à Yves Saint-Laurent est une belle occasion de contempler le raffinement de la simplicité.

    N’est-il pas remarquable qu’on puisse dire de ses créations qu’elles sont avant-gardistes (par le projet parfois presque transgressif qu’elles incarnent, la liberté qu’elles représentent) et dans le même temps qu’elles sont éminemment classiques (par l’épure des formes, la précision de l’élégance et le refus de l’extravagance) ? Comme s’il avait en quelque sorte inventé un nouveau classicisme… Preuve sans doute qu’il s’inscrit, avec respect et pudeur, dans cette longue lignée de la création authentique.

    Bon voyage avec les anges aux ailes de soie filetée d’azur. Puissent-ils te déposer au cœur d’un havre d’élégance cosmique, d’une YSLe sidérale taillée sur mesure… à ta mesure !

  2. Merci de ce si bel hommage à un si bel humain !

    A n’en pas douter, il continue son voyage en habits de lumière !

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