N’importe quoi…

Quand je dis que je ne sais Rien, je ne veux pas simplement dire que « je » ne sais Rien par rapport à D.ieu, la place de l’homme dans l’univers, le monde, moi-même, la Création, la Relativité Restreinte… Non ! Ce que je veux signifier, c’est que « je » ne sais RIEN à propos de tout.

Et ceci doit être pris littéralement: « Je » ne sais rien de rien de tout !

Et je vais peut-être aggraver mon cas, en affirmant que « je » ne souhaite pas non plus savoir… Être suffit à l’être, être là au gré du souffle, se laisser emporter par le vent, n’importe quand, n’importe où… Et ainsi, sans comment ni pourquoi, poursuivre la route de la Vie, le front serein, sans honte de raconter cette ignorance foncière, ni l’état de profonde idiotie dans lequel « je suis » est plongé. Ah, la Paix qui arrive quand « je » sais que « je » ne sais pas et que « je » ne souhaite pas savoir…

Est-ce parce que « j’ai su » ? Comment le saurais-je, puisque « je » ne sais rien ? « Je suis » est dans l’instant, fille de l’instant, et comme « je » suis trop idiote pour penser, et a fortiori pour réfléchir – ô merveille ! – tout est redevenu simple, parce que spontané. « Je » suis là où « je » suis ! Et comme le non savoir ne peut pas du tout être exprimé, par le simple fait qu’il n’y a Rien à dire, il n’y a Rien à comprendre non plus…
Ce ne sont là que divagations et vagabondages issues d’une fol’ dualitude.

t.

Je me contredis ?
Très bien, alors…
Je me contredis ;
Je suis vaste, et je contiens des multitudes.

Walt Whitman

Comète Hale-Bopp – Nasa

14 réflexions sur “N’importe quoi…

  1. Tu es très socratique, chère Tatiana ! 😉
    C’est étonnant, tes notes se suivent les unes les autres et se répondent discrètement… J’aime beaucoup aussi le titre de ce billet.

    Socrate ne fait rien, ne sait rien, n’a rien.

    Il est « sans état » – comme toi. Et pour le savoir, il lui aura fallu transcourir les savoirs humains. Et il sait ceci, à savoir qu’il ne sait pas cela, et de proche en proche rien.

    Son « savoir de ne pas savoir » se fait « sagesse », philo-sophie, poésie !

    Les poètes disent beaucoup et bellement ; ils ne savent rien de ce qu’ils disent…
    Ils sont passeurs.

  2. un peu de culture de l’ignorance, dans le style Socrate « Je sais que je ne sais rien » , la chanson du vieux Sage normand, Jean Gabin sur des paroles de Jean Dabadie et Philipe Green:
     »
    Maintenant je sais ! »(1974)

    Quand j’étais gosse, haut comme trois pommes,
    J’parlais bien fort pour être un homme
    J’disais, JE SAIS, JE SAIS, JE SAIS, JE SAIS

    C’était l’début, c’était l’printemps
    Mais quand j’ai eu mes 18 ans
    J’ai dit, JE SAIS, ça y est, cette fois JE SAIS

    Et aujourd’hui, les jours où je m’retourne
    J’regarde la terre où j’ai quand même fait les 100 pas
    Et je n’sais toujours pas comment elle tourne !

    Vers 25 ans, j’savais tout : l’amour, les roses, la vie, les sous
    Tiens oui l’amour ! J’en avais fait tout le tour !

    Et heureusement, comme les copains, j’avais pas mangé tout mon pain :
    Au milieu de ma vie, j’ai encore appris.
    C’que j’ai appris, ça tient en trois, quatre mots :

    « Le jour où quelqu’un vous aime, il fait très beau,
    j’peux pas mieux dire, il fait très beau !

    C’est encore ce qui m’étonne dans la vie,
    Moi qui suis à l’automne de ma vie
    On oublie tant de soirs de tristesse
    Mais jamais un matin de tendresse !

    Toute ma jeunesse, j’ai voulu dire JE SAIS
    Seulement, plus je cherchais, et puis moins j’ savais

    Il y a 60 coups qui ont sonné à l’horloge
    Je suis encore à ma fenêtre, je regarde, et j’m’interroge ?

    Maintenant JE SAIS, JE SAIS QU’ON NE SAIT JAMAIS !

    La vie, l’amour, l’argent, les amis et les roses
    On ne sait jamais le bruit ni la couleur des choses
    C’est tout c’que j’sais ! Mais ça, j’le SAIS… !

    « 

  3. Savoir… Ne pas savoir…

    Voilà de quoi secouer énergiquement les neurones d’un scientifique en quête de vérité. Jean Gabin est bien gentil, mais il me semble qu’on est ici tellement plus loin du café de commerce ou du gnan gnan sympathique de l’ado découvrant la poudre humide ! Qu’est-ce que savoir, au fond ? La pluie sait-elle qu’elle est de l’eau évaporée des océans, condensée dans la fraîche atmosphère et tombant finalement dans le champ de pesanteur de la Terre ? Sait-elle son rôle dans les processus biologiques de la vie ?

    Et pourtant, ne connaît-elle pas mieux que quiconque sa vérité ? Quelle est la part de construction et de mensonge dans les fixations du savoir que sont nos théories, nos idées, nos croyances, qui s’appuient toujours, en bout de chaîne, sur du postulé et du notoirement faux, provisoire et naïf ? Et pourtant, il y a aussi de la connaissance dans le savoir, la mise au jour d’un continuum encore mal cerné entre le perçu et une réalité sous-jacente, une certaine essence, une vérité qui mène à ce perçu par un _processus_, sur lequel porte en réalité le savoir. Mais d’où vient ce processus ? En reconduisant d’un effet perceptif à une cause, ne renvoie-t-il pas finalement à un autre perçu, de manière élaborée mais auto-référante, où la conscience cherche à se saisir elle-même tout en réalisant avec effroi ou incrédulité que rien ne peut en réalité la saisir.

    Mais plus encore que de ne pas savoir, il est question ici de ne pas souhaiter savoir ! Voilà peut-être plus vertigineux encore, pour l’homo sapiens scientificus. Est-ce déjà reconnaître qu’un certain mode de savoir est prédation, volonté de domination et affirmation d’un contrôle somme toute illusoire sur le monde (matériellement et/ou essentiellement) ? Est-ce aussi prendre acte de cette auto-référence essentielle de la perception et de la vanité d’un certain processus explicatif qui ne s’ancrerait pas dans l’être (en sa forme verbale et non nominatif !), et laisser le flux de la conscience s’opérer de lui-même en lui-même, sans obstruction ni congestion, c’est-à-dire peut-être redevenir la pluie qui tombe, s’étant évaporée de l’océan et condensée dans la fraîche atmosphère, et alimentant la vie ? Cela pourrait alors vouloir dire… devenir vivant ! Vivre !

    Merci toujours pour la « matière à penser » et l’élévation sans pareil de ce blog !

  4. Moi j’aime bien les paroles de Jean Dabadie et Philippe Green, c’est comme une vie qui se déroule sans s’écarter du bon sens.
    Les gens simples au bon coeur ne s’écartent guère du chemin contrairement à ceux qui pèsent trop de ci de là en raisonnant avec leur intelligence.
    Moi quand Raymond Devos me dit que « moins que rien c’est encore quelque chose », ça me rassure, je ne vais pas plus loin que le moins que rien bien que je sois curieux, sans doute à cause de mon intelligence, de ce qu’il pourrait y avoir après le moins que rien.
    Il n’y a qu’une chose que je sais ; c’est que j’ai un ami qui sait, mais je ne lui pose jamais des questions de savoir, tout ce qui compte pour moi est de rester en son amitié et là, il me fait savoir comment faire et alors le savoir est une cendre de son feu.

  5. ET> la chansonnette de Jean Gabin n’est qu’un petit clin d’oeil de poésie populaire, une mise en perspective (un peu décalée) du texte de Tatiana par la voix emblématique d’un « monstre sacré » moderne, et pas d’une étude cognitive ou sémantique des émois philosophiques d’un adolescent boutonneux…
    Pour ma part, et pour aller dans ton sens, je reste persuadé que la « goutte d’eau » se contrefiche de l’analyse moléculaire orchestrée par un scientifique plus préoccupé du protocole d’observation, de ses intérogtions sur sa structure sub-atomique révélée par ses puissants instruments de mesure: une goutte d’eau, comme un être humain, n’est pas que la somme du produit de sa décomposition.
    Une anecdote sur Socrate en passant: sais tu ce qu’il a dit à ses élèves et à ses bourreaux avant de boire la cigüe fatale?
    juste ceci: « un dernier verre et je m’en vais… »

  6. À chaque pas se lève le vent pur.
    Le chemin que trace un oiseau dans le ciel est difficile à définir.
    Nulle trace dans les nuages…

  7. Oups, désolé, chère femme aux semelles de vent. En relisant mon commentaire ci-dessus, je m’aperçois que mon appréciation du texte de Dabadie et Green ressort de manière un peu agressive, au-delà de mon intention (me serais-je laissé emporté par la langue ;-)). Il est vrai que je trouve ce texte assez pauvre et bien en deçà de votre généreux témoignage, mais je n’y voulais associer nulle offense ! Toutes mes excuses, donc.

  8. Ne rien savoir ou tout juste que l’on ne sait rien… C’est l’ultime détachement. Lorsque l’on grandit, on envie presque l’enfant qui découvre tout pour la première fois, il a cette fraicheur, cette vie, il est humble sans le savoir. Plus tard, on se persuade que plus l’on sait, plus on est fort. Savoir et pouvoir, on se laisse envouter par ces puissances. Celui qui veut suivre la voie, pense qu’il sait, il veut trouver « réponses à tout ». Or, c’est à travers le lâcher prise, l’humilité, la simplicité, la sincérité que l’on peut cheminer… Sinon, c’est on fait du surplace.

    Étienne, à propos de la pluie, cela m’évoque cette citation de Lao-Tseu : « Rien, ici-bas, n’est plus souple, moins résistant que l’eau, et pourtant il n’est rien qui vienne mieux à bout du dur et du fort. » 🙂

  9. T>Je??? ne sais rien de rien de tout !
    “je??? ne souhaite pas non plus savoir…

    Pour comprendre ce RIEN là, le difficile n’est pas de s’attacher à un sens particulièrement profond, ni de former des concepts compliqués. La compréhension se cache plutôt dans la démarche de recul (et de dépossession) qui fait la pensée accéder à une question qui est de l’ordre de l’expérience.

    C’est parce qu’en cette pensée, il s’agit de penser quelque chose de simple, que la pensée par représentation y trouve tant de difficulté. 😀

  10. Puisque l’on écrit ici sur les oiseaux et Socrate, je me permet une tradition rapportée par Platon sur ses derniers instants (en ce monde).

    Les amis qui l’entourent aimeraient bien l’entendre une dernière fois parler de la connaissance de soi et de l’immortalité de l’âme, mais ils n’osent pas le lui demander, de peur de l’importuner dans ses derniers instants. Voici l’aimable reproche que leur adresse Socrate:

    « Selon vous, je ne vaux donc pas les cygnes pour la divination; les cygnes qui, lorsqu’ils sentent qu’il leur faut mourir, au lieu de chanter comme auparavant, chantent à ce moment davantage et avec plus de force, dans leur joie de s’en aller auprès du Dieu dont justement ils sont les serviteurs. Or les hommes, à cause de la crainte qu’ils ont de la mort, calomnient les cygnes, prétendent qu’ils se lamentent sur leur mort et que leur chant suprême a le chagrin pour cause; sans réfléchir que nul oiseau ne chante quand il a faim ou soif ou qu’un autre mal le fait souffrir; pas même le rossignol, ni l’hirondelle, ni la huppe, eux dont le chant, dit-on, est justement une lamentation dont la cause est une douleur. Pour moi cependant, la chose est claire, ce n’est pas la douleur qui fait chanter, ni ces oiseaux, ni les cygnes. Mais ceux-ci, en leur qualité, je pense, d’oiseaux d’Apollon, ont le don de la divination et c’est la prescience des biens qu’ils trouveront chez Hadès qui, ce jour-là, les fait chanter et se réjouir plus qu’ils ne l’ont jamais fait dans le temps qui a précédé. Et moi aussi, je me considère comme partageant la servitude des cygnes et comme consacré au même Dieu; comme ne leur étant pas inférieur non plus pour le don de divination que nous devons à notre Maître; comme n’étant pas enfin plus attristé qu’eux de quitter la vie! »

  11. Pour dériver dans l’espace innommé (sans parole)
    où circule l’Errante, Ignorante, Navigante,
    au-delà de toutes les rives sur « l’Autre Rive »
    Secoue, secoue les lettres jusqu’à devenir illettré.
    Nulle chose dans l’esprit et l’esprit à nulle chose,
    Sans masque, ouvertement l’immobile danse
    Transpercé par Sa Lumière Immaculata
    Il n’est d’histoire que de l’âme…

  12. Oooo douce, il n’y a pas vraiment d’espace,
    Il n’y a pas vraiment d’inconnu, il y a…
    – Une merveille qui nous porte dans les plus terribles instants, parce que nous les voulons terribles croyant nous donner ainsi une conscience.
    – Une beauté qui échappe au temps parce que cet instant nous voulons le mener au jardin.
    – Une immensité sans fin de l’émerveillement parce qu’il est toujours plus loin dans la joie.
    – Un infini de création où le chant, le geste et l’être sont connivent à sa connaissance.
    L’Ecrit nous dit d’être disant parce que nous ne savons pas où nos mots vont porter, ni comment ; il le dit…
    Alors je reste un peu bavard, mais pas trop. 🙂

  13. Ces paroles et ces semelles en passant, apportent dans leurs sillages une senteur de nouveauté. Le neuf sent bon, parfume l’âme en l’éffleurant gracieusement de ses ailes bien-faisantes. Ces éffluves de douceur sont plus que les bienvenues.

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