L’histoire d’un ruisseau, même de celui qui naît et se perd dans la mousse, est l’histoire de l’infini.
Au beau milieu de nulle part, qui est le lieu de la prime enfance, il est des dévoilements qui nous révèlent à nous-mêmes notre véritable nature. Pour celle qui écrit, il n’y a jamais eu le moindre doute à ce sujet : elle était le ruisseau serpentant immobile par les tendres vallées où j’avais atterri, et ce ruisseau avait la voix des oiseaux et du vent, à une nuance près… Car l’écoute attentive révélait de chacun l’harmonique, la signature propre, singulièrement singulière. Le vent chantait la nostalgie de la séparation, les oiseaux la rose aurore et le crépuscule empourpré, et le ruisseau, tintinnabulant doucement, murmurait sa joie innocente et émerveillée de nouveau-né percevant, pour la toute première fois, l’incessante beauté du monde.
Car le ruisseau, comme chacun ne le sait peut-être pas, est l’éternel enfant du ciel, son toujours-nouveau-né ! Il ne se meut qu’en apparence, car en vérité c’est le ciel qui se meut en lui. Un ruisseau, surtout s’il est tout petit, n’est qu’entre-deux, ni temporel, ni intemporel ! Au-delà du temps et de l’espace, le ruisseau se cache là même où il se manifeste. Tu penses qu’il est un fil d’eau, mais en réalité il est tissé de fils de lumière suspendus dans le vide. Il est le miroir qui reflète le visage réel, celui de l’enfant que nous n’avons jamais cessé d’être. Il se peut d’ailleurs que l’Éternel ne parle en réalité qu’à travers les ruisseaux ardents. Mais ceci est une autre histoire, gazouillent les oiseaux…
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L’histoire d’un ruisseau, même de celui qui naît et se perd dans la mousse, est l’histoire de l’infini. Ces gouttelettes qui scintillent ont traversé le granit, le calcaire et l’argile ; elles ont été neige sur la froide montagne, molécule de vapeur dans la nuée, blanche écume sur la crête des flots ; le soleil, dans sa course journalière, les a fait resplendir des reflets les plus éclatants ; la pâle lumière de la lune les a vaguement irisées ; la foudre en a fait de l’hydrogène et de l’oxygène, puis d’un nouveau choc a fait ruisseler en eau ces éléments primitifs. (Extrait)
Histoire d’un ruisseau (nouvelle édition)
Auteur: Elisée Reclus (1830-1905) Géographe et anarchiste
Editeur: Actes Sud; (Babel)
J’ai toujours eu un faible pour les ruisseaux, maintenant je sais pourquoi.
Merci 😉
Merci de nous emporter comme cela sur vos ailes, et nous donner à voir autrement le vif-argent…
Du coup je me rappelle mieux de tout ce qui gambade 🙂
Beauté ! Nostalgie ! C’est étrange, j’ai le sentiment d’entendre vos mots, mais d’un lieu en moi-même que j’ai l’impression de ne pas connaître ou reconnaître. Comme une musique qui touche à l’intime, comme une résonance harmonique, une voix légère et tendre qui appelle et réveille le souvenir à travers le rêve. Comme un écho qui transperce l’opacité, un vent doux qui fait frémir les voiles et permet, peut-être, à quelques miroitements de lumière de passer et d’atteindre ce lieu. Ça me rappelle ces souvenirs olfactifs de l’enfance, qui nous touchent parfois sans que l’on puisse dire ni d’où ils viennent, ni ce qu’ils sont. On reconnaît, comme évident, intime, total, réel, mais sans savoir de quoi il s’agit, sans pouvoir cerner. A la fois si lointain et si proche. Si vague et si précis. Oui ! Bien sûr ! Mais où, quoi, comment, qui ?
Mais peut-être est-ce là trop de questions ? Peut-être faut-il juste essayer d’écouter, d’accueillir et accepter de laisser pénétrer cette musique pour qu’elle fasse son oeuvre en soi ?
Merci au ruisseau, au silence, au vide, au vent… Merci à vous. Merci de vous.
Il ne suffit pas de ces deux mains pour applaudir à la sensation d’être caillou,oiseau et aussi ruisseau, à l’instant où mon cœur s’ouvre à la beauté qui encore ici vient de se manifester d’une incomparable manière.
Merci une fois de plus pour l’élégance du témoignage et de l’invitation ! La beauté ruisselle, vive, joyeuse et innocente, au fil des lignes.
Merci à la femme aux semelles de vent, éternelle Zarathoustra, qui, comme le ruisseau, ne cesse de « descendre de la Montagne » pour nous rappeler la pureté des cîmes et nous abreuver de la fraîcheur bondissante des eaux de cieux plus cristallins et plus élémentaires. Puissions-nous suivre cet appel à la source !
Elisée Reclus: un géographe oublié et cependant quelle modernité! Quel esprit fabuleux et qui a rêvé le Monde.
Lézard-queue du BONHEUR…
Traverse ému(e) : gués, rivières, fleuves, océans,
Pars… fume ta peau d’un plaisir récurrent…
Résonnent les cloches… Ki t’entête…commun philtre…
Filtre les convaincus.
La MEILLEUR des techniques Est celle qui fait : ECCO !!!
EN TOI…
AM §
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