Célébrer Sayd Bahodine Majrouh, c’est célébrer la Liberté de Rire Avec Dieu !

Ce moi fasciné, incomplet, entravé dans ses chaînes, étranger à sa source, ignorant de sa fin, abstrait, isolé, dérisoire, n’hésite pas à se prendre pour la réalité suprême. Il chasse Dieu hors de soi, et s’installe en tyran.
Majrouh


I
l est conseillé, lors de la plus longue nuit, d’allumer une chandelle dans l’obscurité. Or nous sombrons dans l’obscurantisme. Voila pourquoi il est aujourd’hui essentiel de célébrer Sayd Bahodine Majrouh, car à travers lui nous célébrons la Liberté de Rire Avec Dieu !

Sayd Bahodine Majrouh, considéré comme le plus grand poète afghan, a été assassiné à Peshawar le 11 fevrier 1988, par les talibans (les mêmes qui ont assassiné Massoud ! ), à la veille de son soixantième anniversaire. Ancien doyen de la Faculté de Kaboul, Sayd Bahodine Majrouh était un conteur inspiré, l’une des voix les plus rebelles d’Afghanistan. Il était un soufi d’islam. Il est l’auteur, entre autres, d’une immense épopée intitulée
« Ego-Monstre », chant épique, conte poétique décliné en mille paraboles.
C’est une œuvre visionnaire, faite d’émerveillement et de
révolte, de chant et de critique sociale.

Sayd Bahodine Majrouh,
salué pour sa tolérance et son esprit visionnaire, n’a cessé d’alerter
contre les hystéries de l’Histoire : dogmatismes, fanatismes, intégrismes en tous genres ne pouvaient être pour lui porteurs ni d’espoir, ni de vérité. Cela n’a pas empêché — au contraire ? — des fanatiques musulmans intégristes de l’assassiner d’une anonyme et lâche rafale de mitraillette. Son exigence de Liberté et d’universalisme lui a coûté la Vie !

Sans rien renier de ses héritages d’Orient et d’Occident, il était nourri aussi bien de Rumi et de Khayyam que de Montaigne et de Diderot.

« Les forces de bêtise et de haine qui ont tué Majrouh n’ont cessé depuis de prospérer en Afghanistan et ailleurs. Ces forces dont il avait, revendiquant d’emblée le rôle désespéré de l’éveilleur qui chemine au plus noir de la nuit, annoncé la venue puis l’essor. »

Il est mort parce qu’il avait refusé de se plier aux dogmes des talibans et de tous les adeptes de tyrannies qui décrètent la mort de tous ceux que ne pensent pas comme eux, musulmans ou non-musulmans.

Sayd Bahodine Majrouh
Az khud-i-ma hasten!
(Tu es l’un des nôtres)

10 réflexions sur “Célébrer Sayd Bahodine Majrouh, c’est célébrer la Liberté de Rire Avec Dieu !

  1. Cet humour là est vital, essentiel, c’est une nourriture. Majrouh a perdu la vie comme d’autres pour défendre la liberté de penser et éclairer le chemin qui mène à la libération de soi. Tu nous invites aujourd’hui, à écouter ses paroles contre l’obscurantisme, merci… 🙂

  2. J’ai envie de célébrer Sayd Bahodine Majrouh, car son message est celui du coeur. Si, tel « le Voyageur de Minuit » il mène un fervent combat contre la tyrannie du grand conquérant (dans la fable comme dans la vraie vie) il reste non moins un aimant, un amant au rire proche de celui de l’enfant et de la liberté.

    Vive Majrouh et sa poésie !!

    PS: C’est un peu malvenu de dire cela mais je suis un peu fier d’avoir étudié dans la faculté Occidentale où il enseigna. Ca me donne des ailes, je ne l’ai jamais rencontré mais je suis sûr qu’ensemble nous aurions bien rit…avec Dieu!!

  3. Merci pour cette invitation à découvrir un poète qui rit avec Dieu, au moment ou le fanatisme veut faire sa loi. Apprendre à penser librement est un long chemin mais ça vaut le coup de se battre pour cet idéal 😉

    « Quand le vent eut frappé,
    quand fut détruite la Cité de l’âme,
    quand la tyrannie eut bousculé jusqu’au dernier des souffles,

    le Voyageur fut jeté, ah brindille dans l’ouragan,
    jusqu’au désert sans route,
    vers l’exode sans but.

    D’autres, nombreux, des familles entières jetées au vide, au rien, à l’égarement,
    cherchant un lieu, et ne sachant,
    de l’eau, et ne la trouvant. »
    (…)

    Sayd Bahodine Majrouh
    in Chants de l’errance

  4. Le Message du Soir

    Quand le vent eut frappé,
    quand fut détruite la Cité de l’âme,
    quand la tyrannie eut bousculé jusqu’au dernier des souffles,

    le Voyageur fut jeté, ah brindille dans l’ouragan,
    jusqu’au désert sans route,
    vers l’exode sans but.

    D’autres, nombreux, des familles entières jetées au vide, au rien, à l’égarement,
    cherchant un lieu, et ne sachant,
    de l’eau, et ne la trouvant

    Ou bien trouvant un puits et voyant leurs mains vides
    voyant l’absence de corde et voyant un enfant,
    d’une pierre insondable, révéler la vérité :
    que le puits et sec depuis des siècles
    et qu’ils sont des plantes déracinées.

    Ô errants du désert
    ne vous avais-je pas dit :
    La tempête va venir
    Et votre barque est pitoyable
    et le torrent sera couteau, vertige, tourbillon,
    des rocs se dresseront, creusant lames et gouffres
    et vous verrez un Monstre, ensuite,
    en chaque grain de sable, en chaque goutte d’eau.

    Ne vous avas-je pas dit les profondeurs,
    les déferlantes, les écrasements ?
    Ne vous avais-je pas dit le naufrage,
    votre esquif trop gracile,
    et cet oeil effroyable où roulait une eau trouble ?

    Et tant et tant ont péri
    et tant et tant déjà que le Monstre a broyés !

    Ne vous avais-je pas dit :
    Le vent aura soufflé que vous chercherez encore
    à retenir vos turbans et vos voiles
    à retenir le passé hagard et dévasté
    à retenir au fond de vos regards l’image _

    Mais la Cité verdoyante n’est plus.
    Le vent a brulé brun les pins et les coupoles.

    Le vent des tyrannies, le serpent d’épouvante,
    ne vous avais-je pas dit sa soif en votre sein
    et qu’il ne viendrait pas de contrées si lointaines ?

    Ô errants de l’exil
    vous le couviez au creux de vous
    et il a bousculé jusqu’au dernier des souffles !

    Barbarie,
    Harmonie :
    Le chemin n’est pas droit, ô errants !
    Et si jamais de l’une à l’autre on vous dit qu’il est droit,
    ne le croyez pas, ne le croyez jamais !
    Voyez les tourbillons, les remous, les cratères,
    sans cesse plus barbares que la barbarie même
    et voyez vos mains vides
    et défiez-vous des lignes droites !

    Eux tous, et le Voyageur, ah brindilles !
    jetés à la dérive des temps
    cloués sur un abîme en eux dans leurs yeux mêmes,
    hantises héberluées qui allaient hors chemins.

    Le vent était venu.
    La Cité avait cessé d’être.
    Les familles fuyaient.
    L’horreur se faisait loi.
    Le Monstre régnerait.

    _ Ô amis exilés que nous étions-nous dit ?

    Majrouh

    MAJROUH SAYD BAHODINE
    Livre : CHANTS DE L’ERRANCE
    Edité par La difference – Paru en 1989

    MAJROUH SAYD BAHODINE
    Livre : EGO MONSTRE T.1 ; LE VOYAGEUR DE MINUIT

    Edité par Phebus – Paru le 01/08/1991
    MAJROUH SAYD BAHODINE

    Livre : EGO MONSTRE T.2 ; LE RIRE DES AMANTS
    Edité par Phebus – Paru le 01/08/1991

    MAJROUH SAYD BAHODINE
    Livre : LE SUICIDE ET LE CHANT : POESIE POPULAIRE DES FEMMES PASHTOUNES
    Edité par Les cahiers des brisants – Paru en 1988.

    Rédigé par: tatihannah | le 08 février 2006 à 18:09

  5. « Ô amis exilés que nous étions-nous dit ? »

    Majrouh, Massoud et quelques autres savaient et nous ne les avons pas écoutés. Puissions-nous entendre ceux qui aujourd’hui nous éclairent pour que l’Obscurantisme ne puisse gagner.
    (Oui Tatihannah, on ne coupe pas les poètes).

  6. Une telle richesse et une telle profondeur sont à peine croyables !

    En même temps qu’une immense admiration, comment ne pas ressentir une grande tristesse – celle de savoir que notre planète et notre grande famille humaine puisse être privée d’une merveille aussi rare que ce poète par simple décision d’un groupe d’ignorants meurtriers ? Pire encore, peut-être, (et tellement symptomatique !) ce contemporain est infiniment moins célèbre que ses assassins. Je n’en avais pas même entendu parler !

    Bien sûr, nous savons que la célébrité n’a rien à voir avec la valeur et la qualité, et que les joyaux les plus précieux gagnent à être partiellement cachés, accessibles aux seuls amoureux de la lumière qu’ils abritent. Mais tout de même, il est bon qu’au moins quelques échos de leur chant supérieur nous parviennent.

    Ah tatihannah, si vous n’étiez pas là ! …

    Et raison de plus pour tenter de s’en montrer digne… (notamment, lorsque par l’entremise d’une passeuse éclairée ce chant peut enfin parvenir à nos cœurs, ne pas en tronquer le déploiement poétique !)

  7. LE COEUR DES ARABES LIBRES

    Nous sommes tous des arabes libres, chacun d’entre nous
    Pour célébrer le Vivant, nous sommes à genoux
    Nos mains sont grandes ouvertes et notre eau est offerte
    Aux pèlerins dans toutes nos paroles secrètes

    Nous sommes tous des arabes libres, chacun d’entre nous
    Nous sommes au pur service de l’amant bon et doux
    Quelle que soit la couleur de nos peaux, c’est l’azur
    Qui brille dans ces yeux, cadeau de la nature

    Nous sommes tous des arabes libres, chacun d’entre nous
    Comme de réels hommes nous nous tenons debout
    Le profit que vous vénérez, point n’en voulons
    Seule nous importe la force de nos oraisons

    Nous sommes tous des arabes libres, chacun d’entre nous
    Peu nous importe l’image que vous avez de nous
    Nous sommes vif argent et eau claire au soleil
    Notre cœur resplendit de mille éclats vermeil

  8. Merci, merci, merci à Sayd Bahodine Majrouh ! Et merci à vous tatihannah, grâce à qui je viens de passer des moments de bonheur incroyables à la lecture du premier opus d’Ego Monstre, Le Voyageur de Minuit. Quelle beauté, quelle poésie, quelle nourriture délicieuse et quel miroir pour l’âme ! Merci encore à vous, aux passeurs de Vérité.

  9. Je ne sais pas, je ne crois pas, j’ai tant de voir sur ce « monstre » qui mange mes amis qui ne croient pas à l’Autre bien plus grand où ils ne sont qu’un pollen.
    Il n’y a d’amer que celui qui guide les marins, tous les autres son suffisances déçues…
    Pardonnez-moi.

    Il sème la lumière par brassées généreuses, fructifiantes
    Aux étants de justice. D’autres sèment désordres et peines.
    Discriminez ! Vous savez ce qui pour vous est paix…
    Mais vous la refusez aux « autres », pourquoi ?

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